L’enseignement supérieur est toujours dans une zone de turbulence, son fonctionnement est loin d’être normalisé et la violence continue d’y régner. Les universités sont mises dans un « état d’urgence », les forces de sécurités régulent leur marche. Ainsi, l’institution académique est au cœur des actualités les plus dégradantes. Elle est transformée en champs de bataille. Les organisateurs de la société, détenteurs de la violence « légalisée », y affrontent les étudiants munis de leurs revendications plus que légitimes. Autrement dit, les concertations nationales sur l’avenir de l’enseignement supérieur (CNAES) n’ont rien changé. Pire, la situation s’est aggravée. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi toutes les activités académiques, quand elles ne sont pas bloquées, sont fortement perturbées en ce moment ?
A l’analyse, il nous semble que la gouvernance du sous-secteur, n’est pas étrangère à cette instabilité. L’autoritarisme du ministre de tutelle, la subordination des recteurs, présidents des assemblées d’université ; la déresponsabilisation des doyens ou directeurs élus ainsi que le mépris dont souffrent les chefs de départements ou sections qui sont les structures de base de l’université, constituent sans aucun doute une source de tensions.
A) L’autoritarisme de la tutelle
Face à la forte demande d’accès à la formation supérieure, sans infrastructure d’accueil et budget suffisants, la tutelle politique gouverne par oukazes. Les directives sortants du cabinet ministériel se multiplient. Des décrets et arrêtés relatifs aux questions pédagogiques et scientifiques se prennent à l’insu des assemblées d’université. Une commission nationale d’orientation des bacheliers est crée d’autorité afin de pouvoir sélectionner et inscrire les étudiants à la place des structures universitaires de base. Ce faisant, le ministère de l’enseignement supérieur décide, du jamais vu, d’affecter directement à chaque département un nombre d’étudiants en faisant fi des délibérations des instances de gouvernance locale : les assemblées de département, de faculté et d’université. Ce qui a mis les responsables locaux dans d’énormes difficultés. Avec le trop plein d’étudiants envoyés par le Ministre, ils ont perdu le contrôle de leurs structures. Personne d’entre eux ne peut dire aujourd’hui comment l’année va se dérouler. Toute leur activité est maintenant réduite à la recherche de salles de cours, d’amphithéâtres et d’enseignants. Ils sont seuls face aux étudiants revendiquant agressivement leur droit à la formation. Le calendrier universitaire normal et la qualité des enseignements ne font plus partie des soucis de nos chefs de département. Ils pataugent tous dans l’océan des effectifs pléthoriques d’étudiants.
C’est ainsi que, par des décrets que le Président de la république signe les yeux fermés, arrêtés et autres actes administratifs pris en dehors de toute concertation, la tutelle a dépouillé les universités de leurs prérogatives de recruter leurs propres bacheliers, de fixer les frais de scolarité (droits pédagogiques), de décider du nombre d’étudiants à accueillir en fonction de la capacité d’accueil. Autrement dit, la tutelle a géré l’université comme un service administratif banal, sans instance délibérante ni autorité autonome. Ce qui a enlevé à l’institution académique toute sa personnalité traditionnelle et juridique. D’ordinaire, elle est un établissement public à caractère scientifique jouissant de l’autonomie de gestion ainsi que de la liberté d’agir en ce qui concerne les questions académiques. La communauté universitaire n’a jamais accepté l’immixtion des politiques et des religieux dans ses affaires propres. Pour cause, si les universitaires ne sont pas affranchis de la tutelle politique et religieuse, comment pourraient-ils assumer leurs fonctions de chercheurs de vérité en toute liberté ? Comment, peuvent-ils être maitres des résultats attendus d’eux si à leur insu on sélectionne les étudiants qu’ils doivent former, surcharge leurs amphithéâtres et augmente le nombre de copies qu’ils doivent corriger ?
B) Le renforcement de l’autonomie des universités
Il faut reconnaître quand même que le Sénégal a fait des efforts dans le sens d’accorder une certaine autonomie aux universités. La nomination des chefs de département et des doyens qui jouissent de la confiance de leurs pairs y est acquise avant la première alternance(2000). Le recteur, président de l’assemblée de l’université reste le seul dirigeant parachuté pour atterrir sur la tête de ses collègues. Ajoutons à cela qu’aucun acte administratif concernant l’université, ne s’est, jusqu’à l’année passée, pris sans recueillir l’avis de ses instances délibérantes. Pour dire que la docilité des recteurs qui assument plus leur fonction de représentant du gouvernement que celle de président d’assemblée, réduit bien l’autonomie académique de l’institution. L’actuel ministre profite ainsi de « l’obligation d’obéissance » des recteurs qu’il a fait nommer pour dépouiller les universités de leurs prérogatives. Ce qui va à l’encontre de l’acte III et de toutes les tendances du moment. Partout et dans tous les secteurs, la déconcentration de l’administration et sa décentralisation sont de mise.
La responsabilisation ou l’autonomie forte est ce qui caractérise en tous lieux les universités modernes. On se demande d’ailleurs, comment signer des contrats de performance avec des entités déresponsabilisées, privées de possibilités de déterminer leurs résultats ? Quand l’autorité politique décide de fixer tout, même le taux d’inscription pédagogique, sans tenir compte des décisions des Conseils de département, il vaut mieux transformer les universités en services administratifs à répartir entre les différents ministères d’un gouvernement. Ainsi, les injonctions et directives de chaque excellentissime ministre seront reçues et exécutées par les professeurs, dans l’exercice de leurs fonctions, sans broncher.
Mais, avouons que les velléités de mettre à genoux les universitaires et leur faire avaler leur fierté, ne datent pas d’aujourd’hui. On se souvient de la sortie du dernier ministre de l’enseignement supérieur sous Wade, qui assimilait les recteurs aux directeurs de n’importe quelle société nationale qu’on peut nommer ou dégommer comme et quand on veut. C’est surtout une posture récurrente des professeurs titulaires d’université quand ils deviennent ministres. Il parait qu’il n’est pas souhaitable de faire valoir ses qualités ou penchants académiques au Conseil des Ministre. C’est pour cela que les titres universitaires doivent y être camouflés pour ne jamais apparaitre sur les chevalets ! Aussi, les collègues, qui n’ont jamais badiné avec leurs titres académiques acquis en principe pour l’éternité, y avalent-ils des couleuvres !
Enfin, disons que la volonté de sortir de la crise scolaire et universitaire est notable à tous les niveaux politiques. La stabilité du système éducatif mobilise toute la société. On a tout tenté jusqu’ici sauf une bonne responsabilisation. La direction de l’université et sa gestion quotidienne sont du ressort exclusif des universitaires. L’expression des besoins de fonctionnement, l’évaluation des ressources nécessaires et la détermination des possibilités et capacités de l’institution leur revient de fait. La tutelle ne devrait que les couvrir au niveau gouvernemental en veillant sur l’exécution des politiques scientifiques définies au niveau national. Elle pourrait établir un cahier de charge clair et y exprimer nettement les orientations et attentes du gouvernement.
Pour dire finalement, qu’on ne pourrait pas se passer de la libération des énergies et initiatives, de faire confiance à l’expertise universitaire pour une gestion efficace. Qu’on laisse la confiance des pairs déterminer le choix des recteurs et présidents d’assemblée. Que l’autorité politique respecte les instances universitaires et tient compte de leurs avis sur toutes les questions académiques. L’orientation des bacheliers et leur inscription ne devraient jamais être soustraites des prérogatives universitaires. Tous les actes administratifs pris dans ce sens doivent être rapportés pour réduire les sources de tensions.
A l’analyse, il nous semble que la gouvernance du sous-secteur, n’est pas étrangère à cette instabilité. L’autoritarisme du ministre de tutelle, la subordination des recteurs, présidents des assemblées d’université ; la déresponsabilisation des doyens ou directeurs élus ainsi que le mépris dont souffrent les chefs de départements ou sections qui sont les structures de base de l’université, constituent sans aucun doute une source de tensions.
A) L’autoritarisme de la tutelle
Face à la forte demande d’accès à la formation supérieure, sans infrastructure d’accueil et budget suffisants, la tutelle politique gouverne par oukazes. Les directives sortants du cabinet ministériel se multiplient. Des décrets et arrêtés relatifs aux questions pédagogiques et scientifiques se prennent à l’insu des assemblées d’université. Une commission nationale d’orientation des bacheliers est crée d’autorité afin de pouvoir sélectionner et inscrire les étudiants à la place des structures universitaires de base. Ce faisant, le ministère de l’enseignement supérieur décide, du jamais vu, d’affecter directement à chaque département un nombre d’étudiants en faisant fi des délibérations des instances de gouvernance locale : les assemblées de département, de faculté et d’université. Ce qui a mis les responsables locaux dans d’énormes difficultés. Avec le trop plein d’étudiants envoyés par le Ministre, ils ont perdu le contrôle de leurs structures. Personne d’entre eux ne peut dire aujourd’hui comment l’année va se dérouler. Toute leur activité est maintenant réduite à la recherche de salles de cours, d’amphithéâtres et d’enseignants. Ils sont seuls face aux étudiants revendiquant agressivement leur droit à la formation. Le calendrier universitaire normal et la qualité des enseignements ne font plus partie des soucis de nos chefs de département. Ils pataugent tous dans l’océan des effectifs pléthoriques d’étudiants.
C’est ainsi que, par des décrets que le Président de la république signe les yeux fermés, arrêtés et autres actes administratifs pris en dehors de toute concertation, la tutelle a dépouillé les universités de leurs prérogatives de recruter leurs propres bacheliers, de fixer les frais de scolarité (droits pédagogiques), de décider du nombre d’étudiants à accueillir en fonction de la capacité d’accueil. Autrement dit, la tutelle a géré l’université comme un service administratif banal, sans instance délibérante ni autorité autonome. Ce qui a enlevé à l’institution académique toute sa personnalité traditionnelle et juridique. D’ordinaire, elle est un établissement public à caractère scientifique jouissant de l’autonomie de gestion ainsi que de la liberté d’agir en ce qui concerne les questions académiques. La communauté universitaire n’a jamais accepté l’immixtion des politiques et des religieux dans ses affaires propres. Pour cause, si les universitaires ne sont pas affranchis de la tutelle politique et religieuse, comment pourraient-ils assumer leurs fonctions de chercheurs de vérité en toute liberté ? Comment, peuvent-ils être maitres des résultats attendus d’eux si à leur insu on sélectionne les étudiants qu’ils doivent former, surcharge leurs amphithéâtres et augmente le nombre de copies qu’ils doivent corriger ?
B) Le renforcement de l’autonomie des universités
Il faut reconnaître quand même que le Sénégal a fait des efforts dans le sens d’accorder une certaine autonomie aux universités. La nomination des chefs de département et des doyens qui jouissent de la confiance de leurs pairs y est acquise avant la première alternance(2000). Le recteur, président de l’assemblée de l’université reste le seul dirigeant parachuté pour atterrir sur la tête de ses collègues. Ajoutons à cela qu’aucun acte administratif concernant l’université, ne s’est, jusqu’à l’année passée, pris sans recueillir l’avis de ses instances délibérantes. Pour dire que la docilité des recteurs qui assument plus leur fonction de représentant du gouvernement que celle de président d’assemblée, réduit bien l’autonomie académique de l’institution. L’actuel ministre profite ainsi de « l’obligation d’obéissance » des recteurs qu’il a fait nommer pour dépouiller les universités de leurs prérogatives. Ce qui va à l’encontre de l’acte III et de toutes les tendances du moment. Partout et dans tous les secteurs, la déconcentration de l’administration et sa décentralisation sont de mise.
La responsabilisation ou l’autonomie forte est ce qui caractérise en tous lieux les universités modernes. On se demande d’ailleurs, comment signer des contrats de performance avec des entités déresponsabilisées, privées de possibilités de déterminer leurs résultats ? Quand l’autorité politique décide de fixer tout, même le taux d’inscription pédagogique, sans tenir compte des décisions des Conseils de département, il vaut mieux transformer les universités en services administratifs à répartir entre les différents ministères d’un gouvernement. Ainsi, les injonctions et directives de chaque excellentissime ministre seront reçues et exécutées par les professeurs, dans l’exercice de leurs fonctions, sans broncher.
Mais, avouons que les velléités de mettre à genoux les universitaires et leur faire avaler leur fierté, ne datent pas d’aujourd’hui. On se souvient de la sortie du dernier ministre de l’enseignement supérieur sous Wade, qui assimilait les recteurs aux directeurs de n’importe quelle société nationale qu’on peut nommer ou dégommer comme et quand on veut. C’est surtout une posture récurrente des professeurs titulaires d’université quand ils deviennent ministres. Il parait qu’il n’est pas souhaitable de faire valoir ses qualités ou penchants académiques au Conseil des Ministre. C’est pour cela que les titres universitaires doivent y être camouflés pour ne jamais apparaitre sur les chevalets ! Aussi, les collègues, qui n’ont jamais badiné avec leurs titres académiques acquis en principe pour l’éternité, y avalent-ils des couleuvres !
Enfin, disons que la volonté de sortir de la crise scolaire et universitaire est notable à tous les niveaux politiques. La stabilité du système éducatif mobilise toute la société. On a tout tenté jusqu’ici sauf une bonne responsabilisation. La direction de l’université et sa gestion quotidienne sont du ressort exclusif des universitaires. L’expression des besoins de fonctionnement, l’évaluation des ressources nécessaires et la détermination des possibilités et capacités de l’institution leur revient de fait. La tutelle ne devrait que les couvrir au niveau gouvernemental en veillant sur l’exécution des politiques scientifiques définies au niveau national. Elle pourrait établir un cahier de charge clair et y exprimer nettement les orientations et attentes du gouvernement.
Pour dire finalement, qu’on ne pourrait pas se passer de la libération des énergies et initiatives, de faire confiance à l’expertise universitaire pour une gestion efficace. Qu’on laisse la confiance des pairs déterminer le choix des recteurs et présidents d’assemblée. Que l’autorité politique respecte les instances universitaires et tient compte de leurs avis sur toutes les questions académiques. L’orientation des bacheliers et leur inscription ne devraient jamais être soustraites des prérogatives universitaires. Tous les actes administratifs pris dans ce sens doivent être rapportés pour réduire les sources de tensions.