L'avocat Juan Branco condamné à une suspension d'activité : il dénonce une "mise à mort" judiciaire



Dans un long message publié sur son compte X (anciennement Twitter), Juan Branco, avocat d’Ousmane Sonko, a réagi à sa condamnation par le conseil de discipline du barreau de Paris. Celui-ci l’a sanctionné d’une suspension d’activité de trois ans, dont neuf mois ferme, pour violation du secret de l’instruction. Me Branco dénonce une tentative de "mise à mort" orchestrée par l’establishment judiciaire français.

L’avocat souligne que sa situation, dans un pays qui se revendique démocratique, est loin d’être anodine. Me Branco estime que depuis six ans, il été soumis à des enquêtes successives qui ont entraîné perquisitions, interrogatoires intrusifs impliquant ses proches et sa famille, mises sous écoute, privations de liberté, interdictions de sortie du territoire ». Il a également dénoncé un « acharnement d’un appareil judiciaire déchaîné ».

Juan Branco, qui est également de nationalité franco-espagnole, a appelé à la vigilance face à une dérive qu’il estime dangereuse pour l’intégrité de la profession d’avocat en France.
 

Voici l’intégralité de son message.
 
 
 
 Ils veulent nous entraîner dans leur mort.
 
Le ministre de l’intérieur, le président du Tribunal judiciaire de Paris Stéphane Noël, le Procureur Général de la République, enfin le premier président de la cour d’Appel de Paris, ont, d’un seul tenant, demandé mon élimination judiciaire définitive au bâtonnier de Paris.
 
Lorsque les plus hautes autorités d’un pays, toutes nommées par la même personne, se regroupent pour exiger, en un même mouvement, l’élimination d’un simple avocat, défenseur des principaux opposants politiques du pays, c’est que quelque chose est en train de se jouer au sein de nôtre société.
 
Jamais une telle agglomération de pouvoirs ne s’était, en France, réunie pour abattre un avocat.
 
Et jamais ne l’avait-elle fait pour des motifs aussi pitoyables et révélateurs de leur déperdition.
 
Je vous demande à tous d’être très attentifs à ce qui va suivre. Car nous sommes tous concernés.
 
J’ai 35 ans. Vous le savez. J’ai été, et demeure, le représentant de personnes qui ont risqué leur vie pour s’opposer au pouvoir en place, et protéger ceux que ce pouvoir ciblait.
 
Je l’ai fait, le plus souvent, gratuitement. Je n’ai, jamais, au cours de mon parcours, concédé à la moindre faute éthique, juridique ou politique.
 
Des gilets jaunes au convoi des libertés en passant par les opposants à la Françafrique, d’Ousmane Sonko à Kemi Seba en passant par les Grands frères et Trop Violan’s, Wikileaks et une infinité de citoyens qui se sont vu injustement accusés, poursuivis, par Macron, Darmanin et tant d’autres, j’ai lutté à leurs côtés.
Au procès de l’attentat de Nice auprès de victimes et contre l’hypocrisie de ce procès Potemkine au service de l’impunité d’Etat, aux côtés de Piotr Pavlenski, d’une infinité de gilets jaunes, toujours aux côtés de ceux qui, exerçant leurs droits, exigeaient des comptes aux politiciens de notre temps.
 
J’ai fait face à des cabinets d’avocat qui brassaient des millions, à un appareil d’État déchainé, à des confrères corrompus jusqu’à la moelle, à des magistrats qui obéissaient, aveugles, frappant sans vergogne les plus fragiles de la société.
 
De Bernard Cazeneuve à Didier Lallement en passant par Bernard Arnault et Xavier Niel, Emmanuel et Brigitte Macron, Gabriel Attal, Gérald Darmanin, Benjamin Griveaux, j’ai mené contre les plus puissants de nos terres une infinité de combats judiciaires pour défendre les plus faibles de notre société.
 
En dehors des tribunaux, cela a été encore pire.
 
Il est difficile de concevoir ce que, après s’être attaqué à la CIA et l’empire états-unien aux côtés de Wikileaks et Julian Assange, cela fait de s’attaquer aux maîtres de son propre pays.
 
Ce que cela fait, dès l’âge de 26 ans, que d’être fiché et suivi par la DGSI, jusqu’en des déplacements à l’autre bout de la terre, pour défendre des êtres qui n’avaient pour tort que de penser et de réfléchir.
 
Ce que cela implique que d’aller traquer la corruption jusqu’aux tréfonds du Centrafrique, en des mines abandonnées d’AREVA ayant englouti 4 milliards d’euros ; traverser sur une boutre la mer rouge pour se rendre auprès des Houthis au Yémen, défendre des victimes palestiniennes à la Cour pénale internationale.
Puis de s’attaquer aux intouchables, à cette caste qui nous a fréquenté, invité, dorloté et chouchouté.
 
Ces oligarques qui, avinés, dévorent tout, avec leur appétit insatiable, leurs lippes baveuses et morbides.
 
Ce que cela fait que de révéler, méthodiquement, de façon incontestable, comment ces êtres achètent à bout de bras magistrats, policiers, politiciens et médias pour assurer leur impunité.
 
Ce que, après l’avoir vécue et connue, fréquentée, implique que d’exposer et de dénoncer la déréliction de ces êtres, leur faillite morale, leur absence d’idées et de pensée. Leur saleté.
 
Arrestations détentions, interdictions de sortie du territoire, surveillances, contrôles judiciaires, procédures infinies.
 
Kompromats.
 
Placement sur les listes de TRACFIN, des principaux services de renseigment, intimidations et infiltrations.
 
Réquisition judiciaire de mes relevés de notes au sein des universités !
 
Et au-delà de la violence institutionnelle, la violence physique. Le passage à tabac, les surveillances, cambriolages, menaces.
 
L’enlèvement.
 
L’être qui, glissé dans votre lit, vous susurre qu’elle a été envoyée.
 
Qu’importe. On ne se place pas aux côtés des peuples sans le payer.
 
Et on ne l’emporte pas sans le payer.
 
Par nos luttes, un pan de ce système a été ébranlé. Avec Crépuscule, nous avons contribué à une prise de conscience particulièrement violente de l’artificialité de ce système, l’illusion démocratique dans laquelle ils nous tenaient.
 
Nous n’avons, à cette fin, jamais fait usage d’une quelconque méthode qui pourrait nous être reprochée - contrairement à ce que l’on n’a cessé de prétendre.
 
Toujours, dans l’éthique, ajustant fins et moyens, pour ne pas leur ressembler.
 
Le coût a été élevé. Même Médiapart, embarassé, a pris sa part et tenté, pitoyablement de se venger. L’ensemble de la presse, autrefois si langoureuse, censément contrepouvoir, a tenté se défendre, jouissant du banquet organisé par ses puissants, ne supportant pas de s’être vue exposée en ses compromissions.
 
Et donc, elle s’est vengée.
 
Et, avec l’aide d’un certain nombre de politiciens, agences, officines, barbouzes, ont commencé à disséminer une nombre d’infamies telle que ma page Wikipedia fasse penser à celle de Gilles de Rais.
 
On aurait pu en rire. Mais à moins de trente, ans, il y a de quoi se voir affecté.
 
Les années ont passé. Nous avons grandi. Et dans ces inframondes, un peuple a commencé à se lever.
 
Et les choses sérieuses ont commencé.
 
Au point de devoir temporairement quitter ce pays pour lequel on avait tout donné.
 
Ils me veulent mort. Et pour ce faire, ils doivent me retirer cette robe qui, loin de me protéger, me sert à accompagner tous ceux qui eux, sont déterminés à les faire tomber.
 
Aujourd'hui, pour la première fois de l'histoire du Barreau, l'ensemble de l'establishment judiciaire se lève contre un avocat, pour le déchoir.
 
170 pages de saisine disciplinaires pitoyables, après une première procédure avortée.
 
Avec pas moins de dix motifs. Tous plus futiles les uns que les autres.
 
Tous plus dérisoires.
 
Tous plus inquiétants.
 
Comme si, après avoir tenté de rendre monstrueux, il s’agissait désormais, plus simplement, d’éliminer.
 
Sans scrupules, ni limites.
 
Voilà un être menacé d’être écrasé parce qu’il aurait utilisé une enveloppe noire pour écrire à un procureur, ce qui, selon mes inquisiteurs, « suggérerait une démarche menaçante et intimidante ».
 
Voilà un être que l’on veut éliminé parce qu’il aurait manqué d'utiliser une formule de courtoisie.
 
Qu’il aurait commis des écritures qui ont eu l’heure de déplaire au tout puissant ministère de l’intérieur.
 
Parce qu’il aurait, enfin, en des tweets, révélé que le Président du Tribunal Judiciaire avait exigé sa tête, menaçant autrement de rompre les relations institutionnelles entre le Tribunal judiciaire et le barreau de Paris.
 
Rien que cela.
 
Ces prétextes recouvrent une réalité bien plus sinistre.
 
La réalité, c’est que notre lutte, protéiforme et quotidienne, nous a amené à établir l’usage de faux et de traîner devant les tribunaux une procureur qui s’en était rendue coupable.
 
Que nous avons découvert et exposé qu’un Président de Tribunal judiciaire avait fait chanter un bâtonnier en violation du secret de l’instruction pour nous éliminer.
 
Que nous avons réussi à éventrer un kompromat censé nous achever.
 
Et qu’enfin, en faisant tomber des procédures entières initiées par le tout puissant Président de la République, ses ministres et affidés, nous avons protégé des êtres qu’ils voulaient être éliminés.
 
En l’une des professions et l’un des barreaux les plus corrompus du monde, où l’argent liquide de la drogue et de la corruption alimentent l’activité de milliers de confrères et consoeurs en toute impunité, voilà les motifs pour lesquels on veut, d’un autre, se faire débarasser.
 
En un barreau compromis jusqu’à la moelle par la corruption de cabinets d’affaire qui, encore il y a quelques semaines, tentaient d’imposer leur loi à l’ensemble des barreaux de France pour protéger leurs manoeuvres et leurs secrets, c’est un avocat qui défend à prix coutant des opposants, des citoyens vulnérables, qui se retrouve visé.
 
Avoir fait tomber le régime de Macky Sall, protégé le panafricaniste Kemi Seba, défendu depuis cinq ans tout ce que de citoyens et d’opposants se trouvaient en France et en ses colonies, si souvent gratuitement, ne saurait être pardonné.
 
L’avoir fait en restant intègre, et en montrant en miroir leur saleté, c’est intolérable.
 
Se placer du côté des plus faibles, c’est accepter de voir sa vie dévastée.
 
Mes confrères sauront retenir la leçon, et ce qu’il les attend.
Pour la première fois de l’histoire, un des leurs est poursuivi disciplinairement pour le contenu d’écritures commises auprès d’une juridiction, parce qu’il a eu le tort de rappeler que la déchéance de nationalité d’un panafricaniste, sur le seul fondement de ses discours, avait été prise en application d’une disposition fécondée par l’auteur des accords Munich, inspirée par les dispositions sur l’indigénat issues de la colonisation, et qui ont ouvert la porte à la déchéance de milliers de citoyens juifs sous Vichy.
 
Pour des écritures pour lesquelles nous bénéficions d’une immunité pénale, le Barreau me veut tombé.
 
Je les appelle à être attentifs à ce que, pour des motifs et des prétextes toujours plus abscons, en cette dérive, tous les principes qui permettent de défendre notre profession soient être violés.
 
Ce qui m’arrive, en un pays qui se veut démocratique, n’est pas anodin. J’ai, depuis six ans, fait l’objet d’instructions successives ayant amené à perquisitions, interrogatoires sur mon intimité de l’ensemble de mes proches et de ma famille, placements successifs sous surveillance et sur écoute, privations de liberté, interdictions de sortie de territoire, par un appareil judiciaire déchainé.
 
Qu’ils s’interrogent sur ce que l’acceptation de cet état de fait générera demain, non plus pour moi, mais pour tous ceux qui demain suivront.
 
Qu’ils s’interrogent sur ce que cela peut produire que de subir trois expertises psychiatriques successives commandées par l’institution judiciaire, toutes non-concluantes pour ceux qui les commandaient.
 
De voir des juges d’instruction se voir désignés sur des motifs tous plus futiles les uns que les autres, ordonner de fouiller tous les domaines d’un être au nom du droit et de l’équité.
 
Ce que cela peut faire, pour un être qui n’avait, avant 2017, jamais de rien été accusé, se voir systématiquement convoqué, perquisitionné, surveillé.
 
Ce que cela peut faire, parce que l’on est avocat et écrivain, de voir un appareil d’Etat se jeter sur soi comme l’ombre sur la proie.
 
En France, en 2024.
 
Le 10 septembre 2024, je devais être radié. Pour avoir dit la vérité. Pour m'être défendu.
 
Le 9 septembre 2024, le bâtonnier, informé de ce que je ne le serais pas, décidait de me faire poursuivre, sans procédure ni enquête préalable, demandant ma mise en jugement aux fins de radiation.
 
A travers moi, ce sont des opposants, des victimes de crimes politiques français, palestiniens, guyanais, martiniquais, guadeloupéens, sénégalais, béninois, qui sont visés.
 
Français.
 
A travers moi, c’est une idée de la France qui tente de vaincre contre une autre.
 
Une idée où la vérité et l’intégrité ne sont que des obstacles à l’avarice et l’avidité. A la laideur, le mensonge et la saleté.
 
Je vous demande d’être attentifs. Car ce qui se joue à travers moi demain s’étendra.
 
Ils n'arrêteront pas.
 
Nous ne sommes rien sur cette terre, sinon les serviteurs de nos frères en humanité.
 
Craignez de ce qui se prépare, et de ce qu’à travers moi, on s’apprête à mobiliser pour vous dévaster.
 

Moussa Ndongo

Mercredi 11 Décembre 2024 13:40


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