L'excision et la mendicité enfantine, un délit?



La Guinée –Bissau a voté le 6 juin 2011 une loi interdisant la mutilation génitale féminine ou „fanado“. La loi a été approuvée par 64 voix contre 1 et 3 abstentions. Elle prévoit des sanctions allant de 1 à 5 ans de prison pour toute personne qui s'adonnerait à la pratique de la mutilation génitale féminine. La loi ne va certes pas modifier du jour au lendemain une coutume fortement ancrée dans les mentalités depuis des siècles, mais elle va faciliter le travail des associations et des activistes qui luttent contre ce fléau. Dans un message transmis à l'agence FIDES par la curie de Bissau, son Excellence Monseigneur José Cannete, évêque de Bissau, a félicité les autorités guinéennes qui ont donné ainsi aux droits humains toute leur valeur. Il a notamment déclaré:
Je souhaite remercier le Parlement pour l’approbation de la loi contre les mutilations génitales féminines dans notre pays. Il s’agit d’un signal de grand engagement en faveur des groupes les plus vulnérables de notre société»
Mgr Camnate a renouvelé aux autorités guinéennes le soutien de l'église pour garantir la protection des enfants. Au cours de la même journée, le parlement guinéen a également voté une loi contre le trafic des enfants ou“talibés“. En effet de nombreux enfants qui mendient dans les rues de Dakar viennent des pays frontaliers. Selon une étude récente 30% d'entre eux viennent de la Guinée Bissau.
Plusieurs projets de loi avaient été soumis ces dernières années au parlement pour abolir les mutilations génitales féminines , mais ils se heurtaient tous aux opinions, susceptibilités et sentiments personnels des députés.
Le „fanado“ ou excision est une opération qui est très pratiquée en Guinée-Bissau. Elle consiste en l'ablation du clitoris et des petites lévres. Les familles qui craignent que leurs filles ne soient pas vierges le jour du mariage, choisissent de faire subir l'infibulation, la forme la plus radicale des MGF. Cette cérémonie a lieu chaque année à l'approche de l'hivernage, soit de juillet à octobre. Selon l'UNICEF durant cette période près de 2000 jeunes filles se font exciser. Le „fanado“ ou excision affecte 50% de la la population féminine et dépasse les 80% dans les groupes ethniques Fula et mandingues et dans les villes de Batafa, Dio, Gabu, selon l'ong “Les amis de l'enfance”, basée à Bissau.
La lutte contre le „fanado“ menée par plusieurs organisations dont „Sini Mira Nassique „ (qui signifie en langue mandingue „penser à demain“) s'avère difficile d'autant plus que les“fanatecas „ ou exciseuses ne sont pas prêtes à renoncer à cette source de revenus, si elles ne jouissent pas de compensations ou d'un recyclage qui leur permettent de subvenir à leurs besoins.
Mme Nhima Cissé, membre du parlement et figure de proue du mouvement féminin en Guinée Bissau, elle-même victime de cette coutume, a mis en garde contre les dangers des mutilations:
„ J'ai failli mourir á la naissance de mon premier enfant qui est décédé des suites de l'excision que j'avais subie étant petite fille. Cette loi est le premier pas vers la reconnaissance des droits des femmes et des enfants“
Les organisations non gouvernementales sur place ont entrepris une stratégie qui s'avère prometteuse de succès, celle de faire l'éloge d'un „fanado symbolique“. Il consiste à conserver les aspects socioculturels du rituel mais sans pratiquer de coupure. Ces rites alternatifs ont l'avantage de conserver le caractère initiatique de la cérémonie et de respecter la culture. Plus d'une centaine de „fanados symboliques“ ont été organisés dans les régions les plus touchées. Ceci a permis aux „fanatecas“(les exciseuses) de déposer leurs couteaux.
Cette loi va être bénéfique aux pays frontaliers de la Guinée Bissau, notamment au Sénégal. D'une part, cette loi va réprimer les expéditions transfrontalières des exciseuses vers la Guinée Bissau et éviter que des jeunes filles de la région de la Casamance (sud du Sénégal) ne soient envoyées en Guinée Bissau pour être excisées et d'autre part, la seconde loi sur le trafic des enfants va réduire le nombre des „talibés“ envoyés au Sénégal.
En 1999, le Sénégal a voté une loi contre les mutilations et, en 2010, une loi contre la mendicité enfantine. La Guinée Bissau est le 19 ème pays d'Afrique à voter une loi contre les mutilations génitales féminines sur les 28 pays concerné ; mais elle n'a toujours pas ratifié le Protocole de Maputo.
Dr. Pierrette Herzberger-Fofana
drherzbergerfofana@hotmail.com

Remarques:
P.Herzberger-Fofana . Aimé Césaire: Entrée au Panthéon www.renaf.org
Pierrette Herzberger-Fofana. Les Mutilations Génitales Féminines http://aflit.arts.uwa.edu.au/MGF1.html Université de Perth-Australie et www.afrology.com rubrique société.
Ibid. La Tolérance zéro pour les mutilations sexuelles féminines en Europehttp://www.pressafrik.com/Vers-la-Tolerance-Zero-Les-Mutilations-sexuelles-Feminines-en-Europe-La-Suisse_a59500.html.
Pierrette Herzberger-Fofana. "Abandon des Mutilations Génitales Féminines : Le Comité inter-africain en Egypte" in :www.euronet-fgm.org, www.afrology.com, www.alpha-2.info, www.imagazinenewpress.com

ibid. . P.H. F. Katoucha. Dans ma Chair." La Mode et l’excision vues par elle-même. Autobiographie www.grioo.com, www.sudonline.sn, www.afrology.com www.renaf.org

Ibid P. H. F. Katoucha ou le combat contre l’excision "Dans ma chair" www.lequotidien.sn

Pierrette Herzberger-Fofana. Genitalverstümmelung in Deutschland. Rede vor dem Bundestag (Discours prononcé au parlement allemand "Bundestag" 25.11.2008) www.gl-erlangen.de, www.alpha-2.info



Mercredi 15 Juin 2011 16:35


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