Le pouvoir fait usage sans réserve de sa force de répression face à une population qui refuse de reculer. Telle est l’image diffusée par une chaine de télévision sénégalaise et relayée par différents sites internet d’information qui fait état d’un officier supérieur de police donnant l’ordre à ses subalternes de tirer directement et à plusieurs reprises sur le véhicule d’un candidat présidentiel qui s’obstine à jouir de son plein droit de marcher sur la Place de l’indépendance, comme le lui concède la Constitution sénégalaise.
Dans ce contexte de conflit pré-électoral, les deux camps se radicalisent et se campent sur leur position, ne laissant aucune chance au dialogue et à la négociation. Pendant ce temps, le feu se propage. Et comme le terrifiant boa constricteur, il se resserre autour du peuple sénégalais dans un étau de violence qui in fine ne laissera personne indemne.
En se refusant d’envisager un plan B, Abdoulaye Wade et ses militants ont verrouillé toute option de négociation. Une élection sans Wade qui n’a pas de remplaçant sonnerait inéluctablement le glas pour le Parti démocratique sénégalais (PDS) au pouvoir. Même un remplaçant de dernière minute ne pourrait redresser la barque des libéraux, compte tenu des divisions internes qui minent le parti depuis plusieurs années. De toute évidence, un tel revirement aurait plutôt exacerbé cette désunion et entrainé l’implosion totale du parti. Pour le PDS, c’est donc une question de vie ou de mort. Comme disait Olesegun Obasanjo et les militants de son parti le PDP au temps des élections présidentielles de 2007 au Nigeria, ‘It’s a do or die affair !’. Au Sénégal, l’entêtement du parti au pouvoir et de sa coalition dénommée FAL 2012, dicté par les lois du jeu électoral, semble donc bien justifié : aller aux urnes avec Wade par tous les moyens, qu’importe le coût supporté par une population qui regarde impuissante ses enfants tomber sous la violence meurtrière des forces de l’ordre, en plus d’une économie menottée par l’insécurité devenue maintenant permanente.
Face à un parti au pouvoir qui est en survival mode, la présence d’Olesegun Obasanjo et de son équipe d’observateurs mandatée par l’Union Africaine et la CEDEAO n’augure aucune possibilité de concession et de compromis de la part Wade. L’ancien chef d’Etat nigérian, bien imprégné de l’état des lieux, a vite fait de montrer les limites de sa mission quand il affirme dés son arrivée à Dakar que sa mission est avant tout d’observer le processus électoral. Obasanjo venait de jeter de l’eau froide dans le feu de l’espoir du peuple sénégalais pour une sortie de crise négociée. Car comme le disent les critiques, les missions internationales d’observation d’élections ont souvent l’objectif prioritaire de préserver la stabilité sociale plutôt que de dévoiler les imperfections majeures et les cas de fraude à grande échelle qui nécessiteraient l’annulation pure et simple d’un scrutin ; surtout quand ces missions sont mandatées par les organismes régionaux et sous-régionaux garants de l’intégration et non de l’explosion. Obasanjo est donc avant tout un observateur qui, compte tenu de ses relations personnelles avec Wade, pourra si le Vieux le lui permet, essayer de le ramener à de meilleurs sentiments pour la table de négociation. Mais là déjà se situe un paradoxe qui constitue effectivement un blocage à toute éventualité de sortie de crise par rapport à cette mission bien précise. En effet, c’est ce même Wade qui à son temps a été dépêché comme médiateur au Nigeria pour dissuader ce même Obasanjo de sa décision de briguer un troisième mandat, ce que Wade avait réussit à faire. A son tour, le Nigérian aura-t-il sans nul doute un malin plaisir à lui rendre la monnaie ? That is the question !
On a donc en face de nous une mission au goût de revanche ; quelque chose que Wade ne laissera pas passer comme lettre à la poste sans jeter des battons dans les roues et compromettre ainsi le succès de la mission dirigée par Obasanjo qui en réalité constituerait une double défaite pour Wade : une défaite nationale contre ses opposants, mais aussi une défaite personnelle contre son ancien ami. Ne parlons même pas de sa défaite internationale… En tout état de cause, Khadafi est surement en train de rire dans sa tombe !
Dépêche
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