LA PARITE OU LA LOI BANCALE ET DESTABILISANTE POUR LA REPUBLIQUE !



L’institution de la parité sur les listes de candidats vient s’ajouter à la complexité de l’organisation des élections locales dans la « ville » sainte de Touba qui pose le problème de l'applicabilité de certaines lois de la république sur l'étendue du territoire national. Par souci de respect de la légalité, j’avais préconisé dans mon dernier texte que des dispositions législatives et réglementaires puissent régir, à titre exceptionnel, les modalités de désignation des conseillers municipaux de la commune de Touba Mosquée. Hélas, la République a pris l’option de ne pas corriger ses incohérences!
En validant des listes de candidatures non paritaires, l’Autorité vient d’approuver l’illégalité. Or, si le pouvoir ne repose pas sur des principes, l’Etat est discrédité, fragilisé, bancal et déstabilisé. Il est en deçà du pouvoir !
A titre de rappel, les conditions de recevabilité des candidatures aux élections départementales et municipales du 29 juin 2014 sont :
1.       la  présentation de la liste de candidats par un parti politique ou une coalition de partis ;
2.       la notification du titre choisi par la coalition de partis politique ;
3.       le dépôt par le mandataire dûment désigné par le parti ou la coalition ;
4.       les mentions obligatoires ainsi que les pièces pour chaque candidat ; 
5.       les listes paritaires homme- femme:
6.       les listes doivent être complètes et déposées dans les délais prévus par la loi électorale.
Voilà que plusieurs dizaines de listes ont été frappées de forclusion ou simplement déclarées irrecevables par les Préfets ou Sous-préfets du Sénégal pour ne pas avoir rempli l’un quelconque de critères précités.
 
Mais les pouvoirs publics savaient pertinemment que la commune de Touba Mosquée – une cité à fonction singulièrement religieuse- n’allait pas, en raison de cette particularité, se conformer aux dispositions du code électoral instituant la parité sur les listes de candidats  aux élections municipales comme le stipule l’article L. 224: « Toutes les listes présentées doivent respecter la parité  homme – femme. Les listes de candidatures, titulaires comme suppléants, doivent être alternativement composées de personnes des deux sexes ».
Puisque gouverner c’est prévoir, il était donc plus judicieux de mettre en œuvre l’engagement pris par le Chef de l’Etat lors du conseil des Ministres tenu le 14 juin 2012,  à 10 heures, à la Gouvernance  de la Région de Kaolack, à propos de la reconnaissance juridique du statut spécial à la ville sainte.
Pour rappel, le  communiqué de ce conseil des Ministres décentralisé, qui a eu lieu bien avant l’entame de la réforme dénommée Acte III de la Décentralisation faisait noter :  «  Pour conclure sa communication, le Président de la République a instruit le Gouvernement , dans le cadre de l’approfondissement de la décentralisation, d’étudier la possibilité de conférer un statut spécial à la Communauté rurale de Touba  eu égard à sa taille, sa population  et son rôle économique. »
Pourquoi donc la loi n°2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales le Code général adoptée dix huit (18) mois plus tard n’a pas intégré la volonté clairement exprimée et solennellement proclamée du Chef de l’Etat ?
A défaut, deux alternatives s’offraient pour sauver la face :
1.         L’Autorité administrative dont le pouvoir de décision restent assujettis à l’application stricte de la législation devrait-elle recevoir la liste déposée par la coalition Bennoo Bokk Yakkar avec de tels manquements fut-elle celle avalisée par le Khalife. Aurait-elle reçu des consignes venant de ses supérieurs, n’avait-elle pas en tous les cas à engager sa responsabilité devant cette affaire devenue certes affaire d’Etat ?  
2.         L’Autorité religieuse devrait-elle renoncer à présenter une liste en attendant la clarification du statut de Touba à la suite de l’Acte III de la Décentralisation et une éventuelle dérogation à la loi sur la parité. Que le guide religieux, eu égard à ses croyances, sa philosophie et sa rigueur dans l’application de la doctrine et bien sûr à sa courtoisie habituelle n’ait certainement voulu exercer une pression quelconque encore moins une défiance vis-à-vis des autorités étatiques.
A présent, pour restaurer la légalité, la Commission  Electorale Nationale Autonome (CENA) est tenue, en vertu de ses prérogatives, de veiller à l’application de la loi électorale aussi bien par les autorités administratives que par les partis politiques, les candidats et les électeurs.
 En effet, l’Article 13, du nouveau Code électoral dispose en son alinéa 2 : « En cas de non-respect des dispositions législatives et réglementaires relatives aux élections ou référendums par une autorité administrative, la C.E.N.A lui enjoint de prendre les mesures de correction appropriées. Si l’autorité administrative ne s’exécute pas, la C.E.N.A dispose du pouvoir de dessaisissement et de substitution d’action dans le cadre des opérations électorales et référendaires à l’égard de l’agent responsable, nonobstant son pouvoir de saisine des juridictions compétentes. »
Soit Touba a le statut particulier reconnu de tous, soit il est épargné du jeu démocratique national, soit il se conforme aux règles comme tous.
En vérité, tous les khalifes Généraux des Mourides ont été respectueux des lois et règlements de ce pays. Ce sont les pouvoirs successifs qui maintiennent cet imbroglio juridique dans le seul but de tirer profit de l'électorat mouride et de celui de Touba en particulier.
Peut-être que de ce contentieux, le gouvernement se décidera enfin de se pencher sérieusement sur le cas de la demeure privée de Cheikh Ahmadou Bamba Khadimoul Rassoul, certifiée plus tard par l’octroi d’un titre foncier d’une superficie actuelle de 1200 hectares, et érigée successivement en Village, sous la conduite de son neveu Serigne Mor Rokhaya Bousso, puis en Communauté rurale, ensuite en Commune par la dernière réforme.
Ainsi cette Collectivité locale, du fait de ses caractéristiques, de ses nombreuses fonctions et toutes ses particularités, ne mériterait-elle, pas comme l’a si bien indiqué Monsieur le Président de la République, le statut spécial.
Et si on remettait en cause ce machin que le Président Wade a institué et que le Président SALL peine à appliquer parce qu’extrêmement désobligeant pour nos réalités socioculturelles...

Ndiaga SYLLA, Expert électoral, Membre de l’IPAD

Mercredi 7 Mai 2014 20:39


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