Le Sénégal a les yeux rouges. Mais les paupières et les rétines sont encore si bleus. Notre beau pays revient. Les vents assassins rebroussent chemin. Des grandeurs et des misères des Chefs d’État et de leur règne, de Senghor à Macky Sall, nous tirerons à chaque étape des leçons et fortifierons à chaque épreuve nos institutions, notre démocratie. Cette dernière est condamnée à n’être jamais parfaite mais toujours perfectible.
Il a fallu 200 ans à la belle France pour arriver à la démocratie après des guerres de religion, des guerres civiles, la Fronde, la Révolution avec des rois guillotinés, la Commune. Notre jeune pays, le Sénégal, a su échapper à un tel naufrage pour payer le prix de la primauté de la démocratie ! Nous le devons à la force de notre histoire et de nos cultures. Puisse le prochain et 5ème président de la République s’inspirer des réussites et scruter les échecs pour faire encore mieux ! Puisse-t-il contenir les appétits liés au pétrole et au gaz qui ont provoqué en Afrique tant de troubles, tant de déstabilisations, tant de pauvreté. Les peuples étant toujours laissés pour compte !
Un nouveau quinquennat de cinq ans ne devra pas être rivé et enchainé à un rétroviseur pour régler des comptes au jour le jour. C’est devant qu’il faut regarder. Le peuple attend. Sa jeunesse plus encore. Travaillons-y tous ensemble, « épaule contre épaule » ! Le droit au développement : se nourrir, se loger, s’éduquer, se former, reste la mère des priorités. Mais il ne s’agit pas seulement de « construire le Sénégal. Il faut le développer et cela passe par l’éducation », là où nous avons échoué. La quête forcenée de la démocratie doit-elle prendre et occuper tout et devancer le développement ou bien c’est le développement qui, avant tout, doit prévaloir sur la démocratie ? Le constat amer est que les deux semblent s’opposer et ont du mal à marcher ensemble. À nous de choisir de manger, de vivre en paix ou de s’entretuer !
La démocratie, telle qu’elle est rêvée et courtisée, n’est rien d’autre, dans son approche la plus révélatrice, que la libre dictature du pouvoir face à la libre dictature de la liberté face à la libre dictature de la justice face à la libre dictature des verdicts et des recours. Chacun exerce ses droits face aux droits des autres et c’est le Droit qui arbitre. C’est lui qui permet à chaque « dictature » de se libérer de l’autre qui lui fait face. Méditons-le ! Dans le Sénégal d’aujourd’hui, au carrefour de tant de convoitises politiques et de menaces extérieures, comment devons-nous nous défendre, nous protéger, vivre ?
Devons-nous continuer à supporter la politique de haine, de confrontations meurtrières, de privation de rêve, de privation de consensus et d’entente ? Que faisons-nous du regard des enfants posé sur nous ?
Sommes-nous devenus si misérables en humanité, en raison, en générosité, en amour ? Notre jeunesse, à peine vingt ans, doit-elle continuer à apprendre à vivre si difficilement, sans école, sans formation, sans rêve que le large et sans pouvoir, surtout, nous réciter un seul mot de Birago Diop, Senghor, Serigne Touba, Al Makhtoum, Kocc Barma Fall, Khalimadiakhaté Kala, un seul mot d’Hampâté Ba, de Victor Hugo, de Pouchkine, d’Ernest Hemingway, de Toni Morrison, de Mo Yan ou Gao Xingjian, de Naguib Mahfouz, de Yasmina Khadra ? La culture élève, rend tolérant, invincible, ouvert, humble, apaisé ! Un livre et des mots peuvent contenir une faim, une injustice. Notre jeunesse, doit-elle apparaitre toujours comme « un tigre enchainé ? » « Jusqu’où les hommes acceptent-ils de vivre ou de mourir ? » Sommes-nous condamnés à la fois « à rêver d’aimer et à rêver de tuer ? » Notre pays se fait peur. Arrêtons vite ce jeu d’échec ! Pourquoi aujourd’hui ce Sénégal si rouge ? Pourquoi tant de partis, tant d’hommes politiques, tant d’affamés de strapontins, tant de combattants pour le trône, otages de leur propre ambition, tant de prisonniers aux idéaux imaginaires ? Pourquoi tant de soldats sans promesse d’avenir, sans promesse d’humilité, sans promesse de savoir, sans don de mesure ? Est-ce ainsi que nous devons vivre ensemble ? Les hommes politiques nous ont-ils conduit au bord du gouffre de la déraison, la déshumanisation, la mort, le chaos, le dénuement matériel et mental total ? Qui nous rendra justice ? Oui, nous avons un beau pays où vivre, mais nous n’y vivrons pas sans une culture de la paix et une prospérité dans l’équité !
Le Sénégal ne sera jamais un pays agenouillé, courbé. Ce pays est un don de l’histoire, nourri par ce que chacun de nous possède de plus beau en lui ! Tous, nous avons constaté que jamais une Constitution ne fût si secouée, si malmenée, si enfarinée, moulinée, abandonnée aux trafiquants de faux arguments ! Le Sénégal s’est réveillé avec partout sur son sol des boutiques et des marchands du Droit. Boutiques de luxe comme boutiques de toc. Nous en avons pour tous les prix, toutes les audaces, toutes les hontes. Dans ce pays, chaque quartier, chaque rue, chaque maison, est devenu un parti politique. Faisons-en plutôt des mosquées, des églises, des banques de valeurs éthiques et morales ! Pourtant, admirables, les hauts juges du Conseil Constitutionnel, tiennent. Ils semblent étonnamment calmes, presque détachés du chaos politique. Ils sont les vigiles de la République et de l’État de Droit. Ils ne comptent rien céder. Le Chef de l’État fait appel à eux. L’opposition fait appel à eux. Le peuple fait appel à eux. Ils sont le garant de notre paix, de la stabilité de notre cher pays. Cela rassure ! Le Conseil Constitutionnel a pris ses responsabilités dans un flegme olympien, comme si, pas un seul instant, il n’avait été concerné par tout ce tollé contre sa forteresse. Quelle hauteur ! Quel détachement ! Quelle paix intérieure dans la décision ! Le Conseil Constitutionnel sait qui il est ! Il a décidé de rester ce qu’il est. Sans bruit et sans tam-tam ! Tous les autres qui l’attaquent et le nomment avec des mots de singe, sont apparus comme de piètres, éphémères et éclopés danseurs du dimanche ! Il nous faut également, chacune, chacun, être non en face de Macky Sall ou du Conseil Constitutionnel, mais face à soi-même ! Nous devons redevenir ce que nous n’aurions jamais dû cesser d’être !
Quant au président de la République, comme dans un film d’épouvante qui dure depuis la polémique du 3ème mandat, il fait face à toutes les meutes. Il avait choisi de leur donner de la viande. Alors, comme des hordes affamées, elles ont choisi de ne plus lâcher le Chef, même si l’appât s’est fait rare. À la polémique du 3ème mandat qui s’est éteinte, succède celle de la fin du mandat présidentiel le 02 avril 2024 et surtout de la tenue et de l’organisation des élections présidentielles, conformément à la loi fondamentale. Écoutons le Président Macky Sall. Nous sommes le jeudi 22 février 2024, devant la presse : « Ne parlons pas ici de politique. Privilégions le Sénégal, la paix, le consensus. Le coût de la paix et de l’entente n’aura pas de prix pour moi. Le Sénégal doit retrouver tous ses enfants pour bâtir son avenir. Je pars. C’est acté par la Constitution. Je m’y soumets. Par ailleurs, que personne ne doute de ma volonté de voir mon successeur remplir sa mission et faire mieux que moi. Je n’ai pas à pâlir de mon bilan. J’en appelle à un dialogue national, le plus large possible, pour ensemble, fixer la date de la prochaine élection présidentielle (…) Si des divergences insurmontables apparaissaient, le Conseil Constitutionnel serait saisi pour arbitrer ! »
Clair ou pas clair ? Certains ont trouvé que rien n’était clair. D’autres affirment le contraire et avancent que la voix du dialogue peut désamorcer le climat pourri qui prévaut dans le pays ! Il est temps de sortir du long hivernage de boue politique qui s’est abattu sur nous et qui enlaidit notre pays aux yeux du monde ! Puissent les Sénégalais se retrouver et faire preuve de raison, de part et d’autre des camps et oublier les haines inexpugnables ! Ensemble, après l’élection du 5ème président de la République, battons-nous pour faire en sorte que les institutions soient davantage invincibles, équitables, sécuritaires, apaisantes. Ce sera notre première victoire sur nous-mêmes et sur nos terrifiants affrontements d’aujourd’hui qui assombrissent l’image de notre cher pays ! D’abord, que chaque Sénégalaise, chaque Sénégalais, se dise ceci : quand on se donne tous les droits, il faut les reconnaitre aussi aux autres. Mieux vaut d’ailleurs avoir raison avec le peuple, ces « héros du quotidien », qu’avoir tort avec les politiciens ! Ces derniers portent des montres qui ont rarement la même heure que leur peuple ! La politique est une femme apocalyptique ! Elle nous impose inlassablement son menu infect de clanisme, d’affrontement, de médiocrité et de repli. Son refrain de toujours : Aimez-moi les uns les autres !
Le pouvoir est un mystère. Savoir le quitter : une sagesse et une noblesse ! Vouloir le garder, envers et contre tout : une puante indignité ! Le Président Macky Sall le quitte deux fois : d’abord en fusillant à bout portant toute tentative de célébrer un 3ème mandat, ensuite en déclarant à son peuple qu’il ne sera plus président de la République à la date du 02 avril 2024, fixée par la Constitution. L’essentiel, au-delà de toute adversité, n'est-il pas le respect final de nos clauses constitutionnelles ? Tout le reste vaut-il des séances de tam-tam interminables ? Ce pays semble être malade de ses hommes politiques et de l’interprétation trop ouverte de ses institutions, même si elles ont puissamment évolué depuis le départ mouvementé du 3ème Président, soupçonné de vouloir refiler le trône à son fils bien-aimé ! La Charte des Assises nationales est notre quête du Graal ! Si, dans le consensus, notre prochaine Constitution s’en habille, nous sommes sauvés. Nous aurons donné une haute et retentissante leçon de morale politique, de culture et de maturité aux plus prisées démocraties d’Europe et d’Amérique ! Rien n’est impossible pour le Sénégal ! Étonnons le monde !
Partout sur la terre, la politique gouverne les peuples. Après que ces derniers aient élu leurs représentants, ils en deviennent esclaves jusqu’aux prochaines joutes. Ceux-ci deviennent les pilotes accédant aux manettes et au grand confort matériel attaché à la fonction. C’est la seule ruche où on apporte du miel aux abeilles ! Le Trésor Public, dit-on, est leur puits d’eau intarissable ! En attendant qu’un autre système moins vicieux soit inventé, instituons des règles vertueuses pour faire mieux vivre avec nos peuples souffrants et si déshérités.
J’ai toujours pensé que nous n’aurions jamais dû quitter les routes du savoir, de la culture, de la connaissance. Elles font faire des économies aux peuples ! Une fois de plus, je dis qu’il n’existe pas de pays sous-développés, mais des femmes et des hommes sous-développés, c’est-à-dire sans culture, sans éducation, sans formation. Que l’Afrique choisisse d’abord des leaders moins sous-développés, c'est à dire plus armés culturellement, plus friands de livres que d’or. Les routes du savoir, de l’humilité, de la culture, construisent moins de coups d’État et offrent des horizons d’avance apaisés, apprivoisés !
Quant à la démocratie, encore elle, cette femme insaisissable, elle a déjà porté un pagne très court sous Senghor. En effet, la nature et le choix constitutionnel choisi pour son successeur n’étaient pas démocratiques, dit-on et non à tort ! Le sachant, il a pourtant confié, bien après son départ, que si c’était à refaire, il choisirait de nouveau Abdou Diouf. Le Sénégal, confiait-il, n’était pas encore prêt pour aller à l’aventure. Les fondements du jeune État sénégalais avaient encore besoin de ciment en 1981.
Avec le recul, pour les plus jeunes aujourd’hui qui n’ont connu ni cette époque ni Senghor, rien ne justifie tout simplement un tel diktat constitutionnel. Seul le peuple doit décider. Par contre, pour la majorité des plus vieux, encore témoins d’hier et d’aujourd’hui, l’arrivée d’Abdoulaye Wade au pouvoir en 1981, après la démission de Senghor, aurait très tôt conduit le Sénégal dans une voie précipitée de chaos, nourrie par un seul souci idéologique et populiste : SOPI tout et tout de suite !
Si on retourne visiter l’histoire du règne du 3ème président de la République du Sénégal -pour qui j’ai gardé une grande affection qu’il a toujours rendue au poète-, on peut trouver à Senghor des circonstances fort atténuantes et sans doute même lui dire un grand merci ! Nos institutions ont, en effet, été malmenées. L’Argent est devenu roi ! L’insolence, l’inculture, la bravade, l’iniquité dans sa plus infecte partialité, la corruption, sont entrées dans nos maisons et dans notre brave administration jadis si vertueuse. Des Sénégalais traumatisés et scandalisés, ont souhaité que les agents des Finances, du Trésor Public, du fisc, des Impôts et Domaines, de la Douane, comme leur chef, ne restent pas au même poste au-delà d’un an ! Je ne partageais pas cet avis !
Avec le Président Macky Sall, une page va bientôt se fermer comme elle s’était fermée avec Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade. Une page se ferme mais un livre s’ouvre toujours. Le seul bel héritage est de laisser un livre que l’on ouvre toujours pour apprendre et non que l’on ouvre l’injure à la bouche ! Le futur Patron du Sénégal dans les prochains mois, doit méditer sur le futur à bâtir pour notre pays. Un premier quinquennat de cinq ans pour réussir à satisfaire le peuple et sa jeunesse, ce n’est pas beaucoup ! Mais le plus important est de commencer ! Les temps ont bien changé depuis Senghor. La vérité est que notre pays s’est développé en infrastructures et s’est rétréci en esprit. La société sénégalaise s’est pourrie elle-même. Elle s’est délitée, victime d’une innommable peste appelée perte des valeurs, insolence, irrespect et déliquescence morale ! La quête diabolique et effrénée de richesse, l’ambition qui ne rime pas avec compétence, l’argent mal acquis, le paraître, le vol, la corruption, la violence, l’apprentissage minutieux de la trahison, l’infidélité, l’illettrisme, le vide culturel et l’humiliation du savoir, sont la rente et les terrains de prédilection du monde politique qui a permis au virus de s’installer confortablement. Une nouvelle société terrifiante et terrifiée est née. Nous devons vite l’étouffer. Chacun y a sa part !
Là où le savoir et la dignité sont bannis, l’herbe ne pousse plus. Ces vertus capitales doivent revenir au 1er plan et vite. Nous sommes tous coupables ! Notre jeunesse attend. Il est brisé le miroir que nous lui avons offert ! Construisons-en un autre et vite ! Les Sénégalais ne pourront pas vivre longtemps avec le déshonneur que le champ politique leur impose. La marche des idées, la liberté, l’éthique, la citoyenneté, le respect, la raison, l’écoute, les routes du savoir, doivent de nouveau être à l’honneur. Oui, que reviennent les sages, les philosophes sonores, les savants, les griots impétueux, les conteurs, les poètes, les écrivains, les artistes, les maitres de langue, les forgeurs d’or, les forgeurs d’âme.
L’État doit secourir l’État en ramenant le savoir, la connaissance, la dignité, la grandeur de soi, le respect de l’autre, la mort de la corruption, la grandeur retrouvée des fonctionnaires ! Il faut vite, très vite prendre un tournant décisif qui ne sera pas un échappatoire. Ce pays n’a pas le droit d’être rendu aussi moche par l’accaparement féroce des hommes politiques qui divisent, boxent dans les enceintes sacrées de la République plus qu’ils ne servent et ne rassemblent ! Le Président Macky Sall, aimé ou détesté, a assumé ses responsabilités : tenter de réconcilier les Sénégalais avant de nous quitter, même si d’aucuns trouvent que c’est trop tard au regard du sang versé dans tant de heurts avec les forces de défense et de sécurité ! Oui, aucun père, aucune mère, habités par le deuil, aucun Sénégalais, ne peuvent accepter un tel insoutenable malheur ! Pourtant, il nous faudra bien choisir entre nous aimer ou nous haïr. La haine use. Désalcoolisons nos cœurs ! Des dialogues appelés « Vérité et réconciliation nationale » ont bien existé sur notre continent pour réconcilier les fils de pays rendu terrifiant par la haine, les exécutions, les tortures, l’injustice. La règle est que chacun demande pardon à l’autre en acceptant et en avouant ses fautes ! Puis, tous rentrent à la maison avec leurs genoux. Mais pour certains, leurs genoux ne les porteront plus. Jamais ils ne seront plus les mêmes ! Ceux qui ont fait du mal vivront le reste de leur vie avec leurs fantômes ! Tout finit par passer.
Les hommes politiques passent et reviennent. Ils ne meurent jamais une seule fois ! Le peuple, lui, ne passe pas et ne meure jamais. C’est lui qui vote et qui élit. Mais c’est également lui, hélas, à qui des pouvoirs indignes font élire, à son insu, qui ils veulent à travers des ruses désormais établies avec une administration honteuse et mafieuse. C’est ce que l’on appelle d’un mot : la dictée maquillée des urnes ! L’Afrique comme les dictatures d’Asie ou d’Amérique latine, nous l’apprennent avec de nombreuses et piètres élections et des peuples froidement cambriolés, froidement agenouillés. Le Sénégal est à l’abri de ce fléau ! C’est à son honneur ! Il sera forcément à l’heure le prochain président de la République ! Notre pays jouit d’une noblesse native. Souvenons-nous en ! Dans chaque famille sénégalaise, il y a un tambour caché. Quelqu’un y veille toujours, d’héritage en héritage, pour le sortir, le battre et célébrer ainsi la dignité et la noblesse de la famille. Sortons donc ces tambours pour célébrer la renaissance d’une société sénégalaise atteinte dans son honneur !
Outre l’adoption consensuelle d’une Constitution issue des Assises nationales, un autre rêve m’habite : l’institution d’ une alternance de genre à la tête de l’État ! Les modalités pointues, équilibrées, équitables et opérationnelles, seront trouvées ! Les femmes doivent alterner au pouvoir avec les hommes ! Certains me diront, sans avoir tort, sans avoir raison, que c’est la compétence qui doit primer indépendamment du genre ! Le peuple qui élit, le fait-il sur la base de la compétence des candidats ou plutôt de l’attachement, de la confiance, de la filiation au camp politique du candidat ?
Ne soyons pas des oiseaux de basse-cour. Élevons-nous ! Ne retenons que ce qui construit. Portons et défendons notre pays. Refusons qu’on le salisse. Les voix des nations libres et des institutions internationales comptent comme alerte. Pas plus. A nous de ne pas dépasser la ligne rouge, de veiller sur notre miroir. Nous sommes trop beaux pour paraitre soudain si moches ! Nous irons aux élections ! Elles auront bien lieu et c’est cela l’essentiel ! Le Président est triste et seul. Rester une journée au pouvoir est devenu pour lui, sans doute, une épreuve dans un pays de lamentation, de haine, de désirs de vengeance, de pleurs, de deuil, de cris, de poings levés ! L’horizon du Président n’est plus le nôtre !
Plus que personne d’autre, il a hâte de se réveiller sans trône, sans griot, sans ministre, sans parapheur. Sa peine semble être grande. Plus il restera au pouvoir, plus sa peine sera grande. Il nous l’a dit à la séance du dialogue national le 26 février. Il l’a répété sous forme de tweet pour couper court à son départ dans tout autre délai autre que le 02 avril. Le lien est rompu. Quelque chose semble être brisé. Certes, on peut aimer les arbres plus que ceux qui les ont plantés. Mais quand les arbres refusent d’être aimés et vous accusent de les déraciner, on les laisse tranquille. Macky Sall manquera beaucoup à ceux qui l’ont aimé. L’État lui doit un grand champ de maïs pour l’avoir protégé. Comme sous Senghor et Abdou Diouf, la sacralité de la République est restée sauve et souveraine ! Ce qui nous accueille, nous abrite, nous réunit et nous sécurise, a été protégé et chèrement payé ! Tout le reste relève des évènements survenus, de leur cause, de leur ampleur, de leur impact, de leur gravité, de la responsabilité et des postures des acteurs dans l’arène, de la grandeur, des faiblesses et de la misère de chaque belligérant ! L’impunité, quant à elle, n’est pas acceptable ! Elle est la pire des blessures ! Ceux qui sont dans le deuil doivent être respectés, écoutés. Ils doivent savoir ! L’histoire en témoignera, à sa manière, sans rien céder. A ceux qui, par ailleurs, souhaitent le plus grand des malheurs au Président sortant, au-delà de la passion et des vengeances, laissons le temps faire et la loi de Dieu dans Ses Grâces et Sa Miséricorde. C’est un grand mystère que celui de la passion amoureuse du peuple ou de son rejet des hommes politiques qu’il a élus.
Refermons vite les pages de feu ! Pour ne pas un jour tenter de « dissoudre » le peuple, soyons adroits et élisons le meilleur et le plus averti des Présidents en ne laissant pas toute la mission à Dieu ! Retrouvons très vite notre pays tel que nous l’aimons : un pays conquérant qui, jamais, ne sera médaillé d’or des olympiades de l’horreur, un pays de sourates, de psaumes, de prières, de fraternité !
Posons les armes ! Elles ne peuvent pas ressembler à notre légende ! Le mal ne triomphera pas ! Malgré la peur, elle veille la beauté ! Elle veille. Nous passerons le mauvais cap ! Ce pays est plus grand que nous ! Ce pays sera une citadelle imprenable pour nos ennemis ! La foi les a précédés dans nos cœurs ! Nous sommes une lune qui couche avec le soleil. Les enfants à venir seront éblouissants !
Mars 2024.
Amadou Lamine Sall Poète
Lauréat du Grand Prix International de Poésie Africaine, Rabat, Maroc.
Il a fallu 200 ans à la belle France pour arriver à la démocratie après des guerres de religion, des guerres civiles, la Fronde, la Révolution avec des rois guillotinés, la Commune. Notre jeune pays, le Sénégal, a su échapper à un tel naufrage pour payer le prix de la primauté de la démocratie ! Nous le devons à la force de notre histoire et de nos cultures. Puisse le prochain et 5ème président de la République s’inspirer des réussites et scruter les échecs pour faire encore mieux ! Puisse-t-il contenir les appétits liés au pétrole et au gaz qui ont provoqué en Afrique tant de troubles, tant de déstabilisations, tant de pauvreté. Les peuples étant toujours laissés pour compte !
Un nouveau quinquennat de cinq ans ne devra pas être rivé et enchainé à un rétroviseur pour régler des comptes au jour le jour. C’est devant qu’il faut regarder. Le peuple attend. Sa jeunesse plus encore. Travaillons-y tous ensemble, « épaule contre épaule » ! Le droit au développement : se nourrir, se loger, s’éduquer, se former, reste la mère des priorités. Mais il ne s’agit pas seulement de « construire le Sénégal. Il faut le développer et cela passe par l’éducation », là où nous avons échoué. La quête forcenée de la démocratie doit-elle prendre et occuper tout et devancer le développement ou bien c’est le développement qui, avant tout, doit prévaloir sur la démocratie ? Le constat amer est que les deux semblent s’opposer et ont du mal à marcher ensemble. À nous de choisir de manger, de vivre en paix ou de s’entretuer !
La démocratie, telle qu’elle est rêvée et courtisée, n’est rien d’autre, dans son approche la plus révélatrice, que la libre dictature du pouvoir face à la libre dictature de la liberté face à la libre dictature de la justice face à la libre dictature des verdicts et des recours. Chacun exerce ses droits face aux droits des autres et c’est le Droit qui arbitre. C’est lui qui permet à chaque « dictature » de se libérer de l’autre qui lui fait face. Méditons-le ! Dans le Sénégal d’aujourd’hui, au carrefour de tant de convoitises politiques et de menaces extérieures, comment devons-nous nous défendre, nous protéger, vivre ?
Devons-nous continuer à supporter la politique de haine, de confrontations meurtrières, de privation de rêve, de privation de consensus et d’entente ? Que faisons-nous du regard des enfants posé sur nous ?
Sommes-nous devenus si misérables en humanité, en raison, en générosité, en amour ? Notre jeunesse, à peine vingt ans, doit-elle continuer à apprendre à vivre si difficilement, sans école, sans formation, sans rêve que le large et sans pouvoir, surtout, nous réciter un seul mot de Birago Diop, Senghor, Serigne Touba, Al Makhtoum, Kocc Barma Fall, Khalimadiakhaté Kala, un seul mot d’Hampâté Ba, de Victor Hugo, de Pouchkine, d’Ernest Hemingway, de Toni Morrison, de Mo Yan ou Gao Xingjian, de Naguib Mahfouz, de Yasmina Khadra ? La culture élève, rend tolérant, invincible, ouvert, humble, apaisé ! Un livre et des mots peuvent contenir une faim, une injustice. Notre jeunesse, doit-elle apparaitre toujours comme « un tigre enchainé ? » « Jusqu’où les hommes acceptent-ils de vivre ou de mourir ? » Sommes-nous condamnés à la fois « à rêver d’aimer et à rêver de tuer ? » Notre pays se fait peur. Arrêtons vite ce jeu d’échec ! Pourquoi aujourd’hui ce Sénégal si rouge ? Pourquoi tant de partis, tant d’hommes politiques, tant d’affamés de strapontins, tant de combattants pour le trône, otages de leur propre ambition, tant de prisonniers aux idéaux imaginaires ? Pourquoi tant de soldats sans promesse d’avenir, sans promesse d’humilité, sans promesse de savoir, sans don de mesure ? Est-ce ainsi que nous devons vivre ensemble ? Les hommes politiques nous ont-ils conduit au bord du gouffre de la déraison, la déshumanisation, la mort, le chaos, le dénuement matériel et mental total ? Qui nous rendra justice ? Oui, nous avons un beau pays où vivre, mais nous n’y vivrons pas sans une culture de la paix et une prospérité dans l’équité !
Le Sénégal ne sera jamais un pays agenouillé, courbé. Ce pays est un don de l’histoire, nourri par ce que chacun de nous possède de plus beau en lui ! Tous, nous avons constaté que jamais une Constitution ne fût si secouée, si malmenée, si enfarinée, moulinée, abandonnée aux trafiquants de faux arguments ! Le Sénégal s’est réveillé avec partout sur son sol des boutiques et des marchands du Droit. Boutiques de luxe comme boutiques de toc. Nous en avons pour tous les prix, toutes les audaces, toutes les hontes. Dans ce pays, chaque quartier, chaque rue, chaque maison, est devenu un parti politique. Faisons-en plutôt des mosquées, des églises, des banques de valeurs éthiques et morales ! Pourtant, admirables, les hauts juges du Conseil Constitutionnel, tiennent. Ils semblent étonnamment calmes, presque détachés du chaos politique. Ils sont les vigiles de la République et de l’État de Droit. Ils ne comptent rien céder. Le Chef de l’État fait appel à eux. L’opposition fait appel à eux. Le peuple fait appel à eux. Ils sont le garant de notre paix, de la stabilité de notre cher pays. Cela rassure ! Le Conseil Constitutionnel a pris ses responsabilités dans un flegme olympien, comme si, pas un seul instant, il n’avait été concerné par tout ce tollé contre sa forteresse. Quelle hauteur ! Quel détachement ! Quelle paix intérieure dans la décision ! Le Conseil Constitutionnel sait qui il est ! Il a décidé de rester ce qu’il est. Sans bruit et sans tam-tam ! Tous les autres qui l’attaquent et le nomment avec des mots de singe, sont apparus comme de piètres, éphémères et éclopés danseurs du dimanche ! Il nous faut également, chacune, chacun, être non en face de Macky Sall ou du Conseil Constitutionnel, mais face à soi-même ! Nous devons redevenir ce que nous n’aurions jamais dû cesser d’être !
Quant au président de la République, comme dans un film d’épouvante qui dure depuis la polémique du 3ème mandat, il fait face à toutes les meutes. Il avait choisi de leur donner de la viande. Alors, comme des hordes affamées, elles ont choisi de ne plus lâcher le Chef, même si l’appât s’est fait rare. À la polémique du 3ème mandat qui s’est éteinte, succède celle de la fin du mandat présidentiel le 02 avril 2024 et surtout de la tenue et de l’organisation des élections présidentielles, conformément à la loi fondamentale. Écoutons le Président Macky Sall. Nous sommes le jeudi 22 février 2024, devant la presse : « Ne parlons pas ici de politique. Privilégions le Sénégal, la paix, le consensus. Le coût de la paix et de l’entente n’aura pas de prix pour moi. Le Sénégal doit retrouver tous ses enfants pour bâtir son avenir. Je pars. C’est acté par la Constitution. Je m’y soumets. Par ailleurs, que personne ne doute de ma volonté de voir mon successeur remplir sa mission et faire mieux que moi. Je n’ai pas à pâlir de mon bilan. J’en appelle à un dialogue national, le plus large possible, pour ensemble, fixer la date de la prochaine élection présidentielle (…) Si des divergences insurmontables apparaissaient, le Conseil Constitutionnel serait saisi pour arbitrer ! »
Clair ou pas clair ? Certains ont trouvé que rien n’était clair. D’autres affirment le contraire et avancent que la voix du dialogue peut désamorcer le climat pourri qui prévaut dans le pays ! Il est temps de sortir du long hivernage de boue politique qui s’est abattu sur nous et qui enlaidit notre pays aux yeux du monde ! Puissent les Sénégalais se retrouver et faire preuve de raison, de part et d’autre des camps et oublier les haines inexpugnables ! Ensemble, après l’élection du 5ème président de la République, battons-nous pour faire en sorte que les institutions soient davantage invincibles, équitables, sécuritaires, apaisantes. Ce sera notre première victoire sur nous-mêmes et sur nos terrifiants affrontements d’aujourd’hui qui assombrissent l’image de notre cher pays ! D’abord, que chaque Sénégalaise, chaque Sénégalais, se dise ceci : quand on se donne tous les droits, il faut les reconnaitre aussi aux autres. Mieux vaut d’ailleurs avoir raison avec le peuple, ces « héros du quotidien », qu’avoir tort avec les politiciens ! Ces derniers portent des montres qui ont rarement la même heure que leur peuple ! La politique est une femme apocalyptique ! Elle nous impose inlassablement son menu infect de clanisme, d’affrontement, de médiocrité et de repli. Son refrain de toujours : Aimez-moi les uns les autres !
Le pouvoir est un mystère. Savoir le quitter : une sagesse et une noblesse ! Vouloir le garder, envers et contre tout : une puante indignité ! Le Président Macky Sall le quitte deux fois : d’abord en fusillant à bout portant toute tentative de célébrer un 3ème mandat, ensuite en déclarant à son peuple qu’il ne sera plus président de la République à la date du 02 avril 2024, fixée par la Constitution. L’essentiel, au-delà de toute adversité, n'est-il pas le respect final de nos clauses constitutionnelles ? Tout le reste vaut-il des séances de tam-tam interminables ? Ce pays semble être malade de ses hommes politiques et de l’interprétation trop ouverte de ses institutions, même si elles ont puissamment évolué depuis le départ mouvementé du 3ème Président, soupçonné de vouloir refiler le trône à son fils bien-aimé ! La Charte des Assises nationales est notre quête du Graal ! Si, dans le consensus, notre prochaine Constitution s’en habille, nous sommes sauvés. Nous aurons donné une haute et retentissante leçon de morale politique, de culture et de maturité aux plus prisées démocraties d’Europe et d’Amérique ! Rien n’est impossible pour le Sénégal ! Étonnons le monde !
Partout sur la terre, la politique gouverne les peuples. Après que ces derniers aient élu leurs représentants, ils en deviennent esclaves jusqu’aux prochaines joutes. Ceux-ci deviennent les pilotes accédant aux manettes et au grand confort matériel attaché à la fonction. C’est la seule ruche où on apporte du miel aux abeilles ! Le Trésor Public, dit-on, est leur puits d’eau intarissable ! En attendant qu’un autre système moins vicieux soit inventé, instituons des règles vertueuses pour faire mieux vivre avec nos peuples souffrants et si déshérités.
J’ai toujours pensé que nous n’aurions jamais dû quitter les routes du savoir, de la culture, de la connaissance. Elles font faire des économies aux peuples ! Une fois de plus, je dis qu’il n’existe pas de pays sous-développés, mais des femmes et des hommes sous-développés, c’est-à-dire sans culture, sans éducation, sans formation. Que l’Afrique choisisse d’abord des leaders moins sous-développés, c'est à dire plus armés culturellement, plus friands de livres que d’or. Les routes du savoir, de l’humilité, de la culture, construisent moins de coups d’État et offrent des horizons d’avance apaisés, apprivoisés !
Quant à la démocratie, encore elle, cette femme insaisissable, elle a déjà porté un pagne très court sous Senghor. En effet, la nature et le choix constitutionnel choisi pour son successeur n’étaient pas démocratiques, dit-on et non à tort ! Le sachant, il a pourtant confié, bien après son départ, que si c’était à refaire, il choisirait de nouveau Abdou Diouf. Le Sénégal, confiait-il, n’était pas encore prêt pour aller à l’aventure. Les fondements du jeune État sénégalais avaient encore besoin de ciment en 1981.
Avec le recul, pour les plus jeunes aujourd’hui qui n’ont connu ni cette époque ni Senghor, rien ne justifie tout simplement un tel diktat constitutionnel. Seul le peuple doit décider. Par contre, pour la majorité des plus vieux, encore témoins d’hier et d’aujourd’hui, l’arrivée d’Abdoulaye Wade au pouvoir en 1981, après la démission de Senghor, aurait très tôt conduit le Sénégal dans une voie précipitée de chaos, nourrie par un seul souci idéologique et populiste : SOPI tout et tout de suite !
Si on retourne visiter l’histoire du règne du 3ème président de la République du Sénégal -pour qui j’ai gardé une grande affection qu’il a toujours rendue au poète-, on peut trouver à Senghor des circonstances fort atténuantes et sans doute même lui dire un grand merci ! Nos institutions ont, en effet, été malmenées. L’Argent est devenu roi ! L’insolence, l’inculture, la bravade, l’iniquité dans sa plus infecte partialité, la corruption, sont entrées dans nos maisons et dans notre brave administration jadis si vertueuse. Des Sénégalais traumatisés et scandalisés, ont souhaité que les agents des Finances, du Trésor Public, du fisc, des Impôts et Domaines, de la Douane, comme leur chef, ne restent pas au même poste au-delà d’un an ! Je ne partageais pas cet avis !
Avec le Président Macky Sall, une page va bientôt se fermer comme elle s’était fermée avec Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade. Une page se ferme mais un livre s’ouvre toujours. Le seul bel héritage est de laisser un livre que l’on ouvre toujours pour apprendre et non que l’on ouvre l’injure à la bouche ! Le futur Patron du Sénégal dans les prochains mois, doit méditer sur le futur à bâtir pour notre pays. Un premier quinquennat de cinq ans pour réussir à satisfaire le peuple et sa jeunesse, ce n’est pas beaucoup ! Mais le plus important est de commencer ! Les temps ont bien changé depuis Senghor. La vérité est que notre pays s’est développé en infrastructures et s’est rétréci en esprit. La société sénégalaise s’est pourrie elle-même. Elle s’est délitée, victime d’une innommable peste appelée perte des valeurs, insolence, irrespect et déliquescence morale ! La quête diabolique et effrénée de richesse, l’ambition qui ne rime pas avec compétence, l’argent mal acquis, le paraître, le vol, la corruption, la violence, l’apprentissage minutieux de la trahison, l’infidélité, l’illettrisme, le vide culturel et l’humiliation du savoir, sont la rente et les terrains de prédilection du monde politique qui a permis au virus de s’installer confortablement. Une nouvelle société terrifiante et terrifiée est née. Nous devons vite l’étouffer. Chacun y a sa part !
Là où le savoir et la dignité sont bannis, l’herbe ne pousse plus. Ces vertus capitales doivent revenir au 1er plan et vite. Nous sommes tous coupables ! Notre jeunesse attend. Il est brisé le miroir que nous lui avons offert ! Construisons-en un autre et vite ! Les Sénégalais ne pourront pas vivre longtemps avec le déshonneur que le champ politique leur impose. La marche des idées, la liberté, l’éthique, la citoyenneté, le respect, la raison, l’écoute, les routes du savoir, doivent de nouveau être à l’honneur. Oui, que reviennent les sages, les philosophes sonores, les savants, les griots impétueux, les conteurs, les poètes, les écrivains, les artistes, les maitres de langue, les forgeurs d’or, les forgeurs d’âme.
L’État doit secourir l’État en ramenant le savoir, la connaissance, la dignité, la grandeur de soi, le respect de l’autre, la mort de la corruption, la grandeur retrouvée des fonctionnaires ! Il faut vite, très vite prendre un tournant décisif qui ne sera pas un échappatoire. Ce pays n’a pas le droit d’être rendu aussi moche par l’accaparement féroce des hommes politiques qui divisent, boxent dans les enceintes sacrées de la République plus qu’ils ne servent et ne rassemblent ! Le Président Macky Sall, aimé ou détesté, a assumé ses responsabilités : tenter de réconcilier les Sénégalais avant de nous quitter, même si d’aucuns trouvent que c’est trop tard au regard du sang versé dans tant de heurts avec les forces de défense et de sécurité ! Oui, aucun père, aucune mère, habités par le deuil, aucun Sénégalais, ne peuvent accepter un tel insoutenable malheur ! Pourtant, il nous faudra bien choisir entre nous aimer ou nous haïr. La haine use. Désalcoolisons nos cœurs ! Des dialogues appelés « Vérité et réconciliation nationale » ont bien existé sur notre continent pour réconcilier les fils de pays rendu terrifiant par la haine, les exécutions, les tortures, l’injustice. La règle est que chacun demande pardon à l’autre en acceptant et en avouant ses fautes ! Puis, tous rentrent à la maison avec leurs genoux. Mais pour certains, leurs genoux ne les porteront plus. Jamais ils ne seront plus les mêmes ! Ceux qui ont fait du mal vivront le reste de leur vie avec leurs fantômes ! Tout finit par passer.
Les hommes politiques passent et reviennent. Ils ne meurent jamais une seule fois ! Le peuple, lui, ne passe pas et ne meure jamais. C’est lui qui vote et qui élit. Mais c’est également lui, hélas, à qui des pouvoirs indignes font élire, à son insu, qui ils veulent à travers des ruses désormais établies avec une administration honteuse et mafieuse. C’est ce que l’on appelle d’un mot : la dictée maquillée des urnes ! L’Afrique comme les dictatures d’Asie ou d’Amérique latine, nous l’apprennent avec de nombreuses et piètres élections et des peuples froidement cambriolés, froidement agenouillés. Le Sénégal est à l’abri de ce fléau ! C’est à son honneur ! Il sera forcément à l’heure le prochain président de la République ! Notre pays jouit d’une noblesse native. Souvenons-nous en ! Dans chaque famille sénégalaise, il y a un tambour caché. Quelqu’un y veille toujours, d’héritage en héritage, pour le sortir, le battre et célébrer ainsi la dignité et la noblesse de la famille. Sortons donc ces tambours pour célébrer la renaissance d’une société sénégalaise atteinte dans son honneur !
Outre l’adoption consensuelle d’une Constitution issue des Assises nationales, un autre rêve m’habite : l’institution d’ une alternance de genre à la tête de l’État ! Les modalités pointues, équilibrées, équitables et opérationnelles, seront trouvées ! Les femmes doivent alterner au pouvoir avec les hommes ! Certains me diront, sans avoir tort, sans avoir raison, que c’est la compétence qui doit primer indépendamment du genre ! Le peuple qui élit, le fait-il sur la base de la compétence des candidats ou plutôt de l’attachement, de la confiance, de la filiation au camp politique du candidat ?
Ne soyons pas des oiseaux de basse-cour. Élevons-nous ! Ne retenons que ce qui construit. Portons et défendons notre pays. Refusons qu’on le salisse. Les voix des nations libres et des institutions internationales comptent comme alerte. Pas plus. A nous de ne pas dépasser la ligne rouge, de veiller sur notre miroir. Nous sommes trop beaux pour paraitre soudain si moches ! Nous irons aux élections ! Elles auront bien lieu et c’est cela l’essentiel ! Le Président est triste et seul. Rester une journée au pouvoir est devenu pour lui, sans doute, une épreuve dans un pays de lamentation, de haine, de désirs de vengeance, de pleurs, de deuil, de cris, de poings levés ! L’horizon du Président n’est plus le nôtre !
Plus que personne d’autre, il a hâte de se réveiller sans trône, sans griot, sans ministre, sans parapheur. Sa peine semble être grande. Plus il restera au pouvoir, plus sa peine sera grande. Il nous l’a dit à la séance du dialogue national le 26 février. Il l’a répété sous forme de tweet pour couper court à son départ dans tout autre délai autre que le 02 avril. Le lien est rompu. Quelque chose semble être brisé. Certes, on peut aimer les arbres plus que ceux qui les ont plantés. Mais quand les arbres refusent d’être aimés et vous accusent de les déraciner, on les laisse tranquille. Macky Sall manquera beaucoup à ceux qui l’ont aimé. L’État lui doit un grand champ de maïs pour l’avoir protégé. Comme sous Senghor et Abdou Diouf, la sacralité de la République est restée sauve et souveraine ! Ce qui nous accueille, nous abrite, nous réunit et nous sécurise, a été protégé et chèrement payé ! Tout le reste relève des évènements survenus, de leur cause, de leur ampleur, de leur impact, de leur gravité, de la responsabilité et des postures des acteurs dans l’arène, de la grandeur, des faiblesses et de la misère de chaque belligérant ! L’impunité, quant à elle, n’est pas acceptable ! Elle est la pire des blessures ! Ceux qui sont dans le deuil doivent être respectés, écoutés. Ils doivent savoir ! L’histoire en témoignera, à sa manière, sans rien céder. A ceux qui, par ailleurs, souhaitent le plus grand des malheurs au Président sortant, au-delà de la passion et des vengeances, laissons le temps faire et la loi de Dieu dans Ses Grâces et Sa Miséricorde. C’est un grand mystère que celui de la passion amoureuse du peuple ou de son rejet des hommes politiques qu’il a élus.
Refermons vite les pages de feu ! Pour ne pas un jour tenter de « dissoudre » le peuple, soyons adroits et élisons le meilleur et le plus averti des Présidents en ne laissant pas toute la mission à Dieu ! Retrouvons très vite notre pays tel que nous l’aimons : un pays conquérant qui, jamais, ne sera médaillé d’or des olympiades de l’horreur, un pays de sourates, de psaumes, de prières, de fraternité !
Posons les armes ! Elles ne peuvent pas ressembler à notre légende ! Le mal ne triomphera pas ! Malgré la peur, elle veille la beauté ! Elle veille. Nous passerons le mauvais cap ! Ce pays est plus grand que nous ! Ce pays sera une citadelle imprenable pour nos ennemis ! La foi les a précédés dans nos cœurs ! Nous sommes une lune qui couche avec le soleil. Les enfants à venir seront éblouissants !
Mars 2024.
Amadou Lamine Sall Poète
Lauréat du Grand Prix International de Poésie Africaine, Rabat, Maroc.