Le dépôt des listes de candidatures aux élections locales vient de se terminer avec son lot de forclusions, d’invalidations, de déchirements et de d'amertume chez les uns et les autres et pourtant cette situation pouvait être évitée pour peu qu'on eut été plus attentif aux alertes que nous n’avons cessé de lancer. Maintenant qu'en sera t-il des élections du 29 juin ? La question mérite tout son sens au regard des incertitudes et des risques inhérents à la nature des processus électoraux dans les démocraties à consolider.
Jamais préparation d'élections n'a été aussi chaotique et laborieuse si on se réfère déjà au démarrage du processus électoral.
Tout d'abord, le nouveau pouvoir a tenu coute que coûte à mettre en œuvre une réforme territoriale et locale baptisée ACTE III DE LA DÉCENTRALISATION, sans évaluation de la réforme de 1996 et une nécessaire concertation inclusive avec qui aurait eu au moins l'avantage d'être une œuvre partagée par l'ensemble des acteurs politiques comme de la société civile ; mais que nenni, le pouvoir a peine installé s'est plutôt mis dans une dynamique de calculs politiciens dans la perspective obsessionnelle d'un second mandat ; car pour la première fois, un Président est élu sans que son parti ne dispose d'une majorité à l'Assemblée Nationale et n’ exerce de contrôle sur les collectivités locales les plus importantes que compte Le pays. Dés lors on comprend l'empressement avec lequel l'acte III a été concocté par les experts du pouvoir sous des moutures différentes car le code général des collectivités locales présenté aux élus locaux ne sera finalement pas le même que celui que l'Assemblée a voté dans la plus grande précipitation sans compter les retouches apportées par le pouvoir et soumis au parlement concernant les articles 31, 92 et 168.
Ensuite ce fut au tour du code électoral de subir les conséquences du forcing de l'acte 3 à travers la mise en place de la CTRCE, qui installée par le Ministre de l'Intérieur le 28 janvier, n'a pu démarrer ses travaux que le 07 février du fait que le document devant servir de base de travail ainsi que les termes de références n'étaient pas prêts. La revue du code électoral ainsi démarré connut des difficultés dues :
- 1/ au nombre pléthorique de ses membres (50)
-2/ au calcul politique du pouvoir qui tenait à changer vaille que vaille le mode de scrutin sur la ville ainsi que le département collectivité locale nouvellement créée.
Après près d'un mois de travaux caractérisés par des échanges parfois houleux et tendus entre d'une part le pôle présidentiel et d'autre part les pôles opposition et non alignés , la commission acheva son travail avec des avancées certes mais également des désaccords politiques très profonds sur des questions qui constituaient les enjeux réels de ces concertations : notamment le mode d'élections des conseillers à la ville et la déchéance de mandat pour les conseillers démissionnaires de leur parti. Soumise à l'arbitrage du Président de la République, la question du mode de scrutin fut tranchée dans le sens des propositions du camp présidentiel lesquelles constituaient un véritable recul démocratique au vu de la pratique ante fondée sur la nécessaire promotion du pluralisme politique et sociale, dimension essentiel de la démocratie post moderne, qui permettait l'élection de la moitié des conseillers de ville sur une liste proportionnelle.
Notre propos n'étant pas ici de revenir sur le débat concernant le mode de scrutin qui est avant tout une question politique à laquelle les experts ne sont pas en mesure d'apporter une réponse technique ; car elle constitue un choix qui influence fortement la nature des systèmes démocratiques dans la mesure ou les gouvernants cherchent toujours à tirer un profit immédiat du mode de scrutin qu'ils jugent le plus conforme à leurs intérêts politiques du moment sans en mesurer les conséquences à long terme.
La suite, on la connaît, le gouvernement s'empressa , toujours dans la logique du forcing, de faire voter en procédure d'urgence le code électoral devant la capitulation de l'opposition parlementaire qui jugea inutile de porter le combat pour le respect des acquis démocratiques, ratant ainsi une occasion de discuter à fond d’un texte important qui détermine les règles du jeu électoral. Ce débat aurait pu par ailleurs anticiper sur les problèmes que pose l’application de la parité.
Après le vote du code électoral, le pouvoir dans sa précipitation, contrairement à la logique républicaine qui consacre la primauté de la loi sur un acte administratif, prit les décrets de répartition du nombre de conseillers à élire dans les différentes circonscriptions à la date du 10 avril sans attendre la promulgation de la loi ; laquelle promulgation qui n'intervint que le 15 avril suivant. Pour faire face à la saisine de la cour suprême pour excès de pouvoir déposée par mon ami Ndiaga Sylla, le gouvernement, subrepticement tenta de rectifier une bourde monumentale qui venait d'être commise en abrogeant les décrets attaqués par une fusion absorption dans le décret n° 2014-518 du 18 avril portant promulgation de la loi sur le Code électoral qu’il a essayé de justifier dans l’exposé des motifs « pour des raisons d’harmonisation et de cohérence ». Au demeurant, le décret de promulgation de la loi électorale (partie législative) qui a fait l'objet d'une édition spéciale du Journal officiel en date du 18 avril ne fut disponible que le mardi 29 avril, jour ultime pour le dépôt des listes de candidatures. Dés lors on peut se poser la question de savoir quel sort devrait être réservé aux listes déposées dans la période du 24 au 28 par dérogation à l'article L.238 ramenant les délais de dépôt de 85/80 jours à 65/ 60 jours. En outre, la totalité des autorités administratives, sinon la plupart ne disposait pas du nouveau code électoral, il en était de même des acteurs politiques qui ont éprouvé d'énormes difficultés à confectionner les listes de candidature. Cette situation a donné naissance à des interprétations erronées de certaines dispositions du code. Il m'a été donné de constater qu'une autorité administrative a menacé un mandataire de parti de ne pas recevoir sa liste le 29 s'il ne déposait pas son attestation de mandataire la veille alors que ce parti se présentait sous sa propre bannière. La multitude de forclusions et d’invalidation enregistrées à l'échelle du territoire national dont le plus éloquent est celui du département de Vélingara ou aucun parti ou coalition de partis n'a pu présenter de candidats suppléants sur la liste majoritaire émanant des communes du département est révélateur à plus d'un titre de la précipitation avec laquelle on a voulu organiser ces élections locales. Certes, des séminaires de formation ont été organisés par ci, par la à l’intention des autorités administratives et des partis politiques, mais force est de reconnaitre que pour des élections locales de nature très complexes, les délais étaient très insuffisants pour permettre aux uns et aux autres de cerner le caractère technique de ces consultations. Avec la publication des arrêtes portant publication des listes de candidats, des secousses telluriques ne manqueront pas d’ébranler la cohésion de beaucoup de partis et coalitions.
Pour tout ce qui précède et que je viens de développer, la question qui se pose est la suivante : n'eut il pas été plus judicieux et réaliste d’entamer plus tôt le processus de réforme de tous les textes (constitutions, code des collectivités locales et code électoral afin que l’ensemble des acteurs puisse discuter de tout quand on sait les liens qui existent entre tous ces instruments quitte à repousser la tenue des élections afin que de ces concertations, jaillisse de larges consensus porteurs de progrès pour notre démocratie sans calcul politicien, ni forfaiture au lieu d'organiser au forceps ces consultations dans la douleur ? Le vin est tiré, maintenant il faut le boire ; pour ma part, je souhaite malgré ces difficultés, que les élections du 29 juin se déroulent dans la paix et la sérénité quelque qu’en soit par ailleurs les enjeux, afin que la démocratie en sorte renforcée ; notre pays en a grandement besoin. C’est le lieu de lancer ici et maintenant un appel pressant pour qu’au sortir de ces élections un nouveau tournant soit abordé dans les relations entre le pouvoir et l’opposition dans le cadre d’un dialogue franc et constructif car les défis qui interpellent notre pays sont énormes. Les informations relatives à la baisse drastique des recettes budgétaires de l’Etat, si elles s’avèrent justes, constituent des indicateurs probants du niveau de dégradation de notre économie qui peine à décoller, entrainant du coup une précarité et une détérioration sans précédent des conditions de vie de nos populations durement frappés par la pauvreté. Les logiques de confrontation ne nous ouvriront pas les portes de l’émergence et il est déjà minuit.
ABABACAR FALL
EXPERT ELECTORAL
COORDONNATEUR DES PLENIPOTENTAIRES DU POLE DE L’OPPOSITION A LA CTRCE
MEMBRE DE L’INITIATIVE POUR LA PRESERVATION DES ACQUIS DEMOCRATIQUES – IPAD.
Jamais préparation d'élections n'a été aussi chaotique et laborieuse si on se réfère déjà au démarrage du processus électoral.
Tout d'abord, le nouveau pouvoir a tenu coute que coûte à mettre en œuvre une réforme territoriale et locale baptisée ACTE III DE LA DÉCENTRALISATION, sans évaluation de la réforme de 1996 et une nécessaire concertation inclusive avec qui aurait eu au moins l'avantage d'être une œuvre partagée par l'ensemble des acteurs politiques comme de la société civile ; mais que nenni, le pouvoir a peine installé s'est plutôt mis dans une dynamique de calculs politiciens dans la perspective obsessionnelle d'un second mandat ; car pour la première fois, un Président est élu sans que son parti ne dispose d'une majorité à l'Assemblée Nationale et n’ exerce de contrôle sur les collectivités locales les plus importantes que compte Le pays. Dés lors on comprend l'empressement avec lequel l'acte III a été concocté par les experts du pouvoir sous des moutures différentes car le code général des collectivités locales présenté aux élus locaux ne sera finalement pas le même que celui que l'Assemblée a voté dans la plus grande précipitation sans compter les retouches apportées par le pouvoir et soumis au parlement concernant les articles 31, 92 et 168.
Ensuite ce fut au tour du code électoral de subir les conséquences du forcing de l'acte 3 à travers la mise en place de la CTRCE, qui installée par le Ministre de l'Intérieur le 28 janvier, n'a pu démarrer ses travaux que le 07 février du fait que le document devant servir de base de travail ainsi que les termes de références n'étaient pas prêts. La revue du code électoral ainsi démarré connut des difficultés dues :
- 1/ au nombre pléthorique de ses membres (50)
-2/ au calcul politique du pouvoir qui tenait à changer vaille que vaille le mode de scrutin sur la ville ainsi que le département collectivité locale nouvellement créée.
Après près d'un mois de travaux caractérisés par des échanges parfois houleux et tendus entre d'une part le pôle présidentiel et d'autre part les pôles opposition et non alignés , la commission acheva son travail avec des avancées certes mais également des désaccords politiques très profonds sur des questions qui constituaient les enjeux réels de ces concertations : notamment le mode d'élections des conseillers à la ville et la déchéance de mandat pour les conseillers démissionnaires de leur parti. Soumise à l'arbitrage du Président de la République, la question du mode de scrutin fut tranchée dans le sens des propositions du camp présidentiel lesquelles constituaient un véritable recul démocratique au vu de la pratique ante fondée sur la nécessaire promotion du pluralisme politique et sociale, dimension essentiel de la démocratie post moderne, qui permettait l'élection de la moitié des conseillers de ville sur une liste proportionnelle.
Notre propos n'étant pas ici de revenir sur le débat concernant le mode de scrutin qui est avant tout une question politique à laquelle les experts ne sont pas en mesure d'apporter une réponse technique ; car elle constitue un choix qui influence fortement la nature des systèmes démocratiques dans la mesure ou les gouvernants cherchent toujours à tirer un profit immédiat du mode de scrutin qu'ils jugent le plus conforme à leurs intérêts politiques du moment sans en mesurer les conséquences à long terme.
La suite, on la connaît, le gouvernement s'empressa , toujours dans la logique du forcing, de faire voter en procédure d'urgence le code électoral devant la capitulation de l'opposition parlementaire qui jugea inutile de porter le combat pour le respect des acquis démocratiques, ratant ainsi une occasion de discuter à fond d’un texte important qui détermine les règles du jeu électoral. Ce débat aurait pu par ailleurs anticiper sur les problèmes que pose l’application de la parité.
Après le vote du code électoral, le pouvoir dans sa précipitation, contrairement à la logique républicaine qui consacre la primauté de la loi sur un acte administratif, prit les décrets de répartition du nombre de conseillers à élire dans les différentes circonscriptions à la date du 10 avril sans attendre la promulgation de la loi ; laquelle promulgation qui n'intervint que le 15 avril suivant. Pour faire face à la saisine de la cour suprême pour excès de pouvoir déposée par mon ami Ndiaga Sylla, le gouvernement, subrepticement tenta de rectifier une bourde monumentale qui venait d'être commise en abrogeant les décrets attaqués par une fusion absorption dans le décret n° 2014-518 du 18 avril portant promulgation de la loi sur le Code électoral qu’il a essayé de justifier dans l’exposé des motifs « pour des raisons d’harmonisation et de cohérence ». Au demeurant, le décret de promulgation de la loi électorale (partie législative) qui a fait l'objet d'une édition spéciale du Journal officiel en date du 18 avril ne fut disponible que le mardi 29 avril, jour ultime pour le dépôt des listes de candidatures. Dés lors on peut se poser la question de savoir quel sort devrait être réservé aux listes déposées dans la période du 24 au 28 par dérogation à l'article L.238 ramenant les délais de dépôt de 85/80 jours à 65/ 60 jours. En outre, la totalité des autorités administratives, sinon la plupart ne disposait pas du nouveau code électoral, il en était de même des acteurs politiques qui ont éprouvé d'énormes difficultés à confectionner les listes de candidature. Cette situation a donné naissance à des interprétations erronées de certaines dispositions du code. Il m'a été donné de constater qu'une autorité administrative a menacé un mandataire de parti de ne pas recevoir sa liste le 29 s'il ne déposait pas son attestation de mandataire la veille alors que ce parti se présentait sous sa propre bannière. La multitude de forclusions et d’invalidation enregistrées à l'échelle du territoire national dont le plus éloquent est celui du département de Vélingara ou aucun parti ou coalition de partis n'a pu présenter de candidats suppléants sur la liste majoritaire émanant des communes du département est révélateur à plus d'un titre de la précipitation avec laquelle on a voulu organiser ces élections locales. Certes, des séminaires de formation ont été organisés par ci, par la à l’intention des autorités administratives et des partis politiques, mais force est de reconnaitre que pour des élections locales de nature très complexes, les délais étaient très insuffisants pour permettre aux uns et aux autres de cerner le caractère technique de ces consultations. Avec la publication des arrêtes portant publication des listes de candidats, des secousses telluriques ne manqueront pas d’ébranler la cohésion de beaucoup de partis et coalitions.
Pour tout ce qui précède et que je viens de développer, la question qui se pose est la suivante : n'eut il pas été plus judicieux et réaliste d’entamer plus tôt le processus de réforme de tous les textes (constitutions, code des collectivités locales et code électoral afin que l’ensemble des acteurs puisse discuter de tout quand on sait les liens qui existent entre tous ces instruments quitte à repousser la tenue des élections afin que de ces concertations, jaillisse de larges consensus porteurs de progrès pour notre démocratie sans calcul politicien, ni forfaiture au lieu d'organiser au forceps ces consultations dans la douleur ? Le vin est tiré, maintenant il faut le boire ; pour ma part, je souhaite malgré ces difficultés, que les élections du 29 juin se déroulent dans la paix et la sérénité quelque qu’en soit par ailleurs les enjeux, afin que la démocratie en sorte renforcée ; notre pays en a grandement besoin. C’est le lieu de lancer ici et maintenant un appel pressant pour qu’au sortir de ces élections un nouveau tournant soit abordé dans les relations entre le pouvoir et l’opposition dans le cadre d’un dialogue franc et constructif car les défis qui interpellent notre pays sont énormes. Les informations relatives à la baisse drastique des recettes budgétaires de l’Etat, si elles s’avèrent justes, constituent des indicateurs probants du niveau de dégradation de notre économie qui peine à décoller, entrainant du coup une précarité et une détérioration sans précédent des conditions de vie de nos populations durement frappés par la pauvreté. Les logiques de confrontation ne nous ouvriront pas les portes de l’émergence et il est déjà minuit.
ABABACAR FALL
EXPERT ELECTORAL
COORDONNATEUR DES PLENIPOTENTAIRES DU POLE DE L’OPPOSITION A LA CTRCE
MEMBRE DE L’INITIATIVE POUR LA PRESERVATION DES ACQUIS DEMOCRATIQUES – IPAD.