Tous les indicateurs sont dans le rouge à tous les niveaux. Désormais, un Ukrainien moyen, avec un salaire moyen de 450 euros, doit faire face à une inflation d'environ 13% qui réduit son pouvoir d'achat. S'il veut acheter des produits importés comme des vêtements ou des voitures, il souffre de la dépréciation du hryvnia, la monnaie nationale, qui a perdu un tiers de sa valeur par rapport à l'euro ; ce qui fait encore monter les prix à l'achat. S'il a une voiture, les prix de l'essence, qui sont indexés sur le dollar, ont quasiment doublé en quelques mois. Et alors si on ajoute que cet Ukrainien moyen est un fonctionnaire d'Etat. Son salaire a été réduit d'environ 10%, sans perspectives d'augmentation, pour respecter les conditions drastiques de l'aide du FMI, qui a véritablement placé l'Ukraine sous perfusion.
Aide liée du FMI
Une des conditions de l'aide du FMI a été d'augmenter aussi les prix de l'énergie qui frappe directement les ménages. Une première augmentation de 50% des prix du gaz naturel a déjà été adoptée au printemps, et d'autres hausses sont prévues régulièrement d'ici à 2018. Encore que dans l'immédiat, la question se pose différemment, car il n'y a plus d'énergie depuis que la Russie a stoppé ses livraisons de gaz en juillet, officiellement à cause d'une dette impayée. Dans les grandes villes du pays, on met en place des régimes d'économie ; pas d'eau chaude jusqu'à au moins fin novembre à Kiev, la capitale. Des coupures d'électricité à Lviv, dans l'Ouest, tous les matins et tous les soirs. En plus de tout le reste, le retour des pénuries fait ici écho au traumatisme historique de la fin de l'Union soviétique. C'est encore une autre donnée qui perturbe le quotidien de notre Ukrainien lambda et de millions de concitoyens.
Situation calme, mais jusqu’à quand?
Pour l'instant, tout est calme en effet. D'une part à cause de l'urgence de la guerre, et aussi grâce à une sorte de consensus : les sondages d'opinion montrent que les Ukrainiens ont conscience d'avoir été très mal gouvernés pendant des années, et il y a un besoin de réformes douloureuses. Se remettent en place des vieux systèmes de débrouillardise. Par exemple, beaucoup de familles vivant en ville ont de la famille à la campagne, qui peut les fournir en produits de première nécessité. On dirait que la population est résignée, prête à endurer.
En fait, ce qui va faire la différence, c'est la lutte contre la corruption. C'était un des objectifs premier de la révolution, et c'est avant tout la corruption qui a mis le pays à genou. Le consensus social peut tenir bon si la population observe des résultats. Mais si la majorité souffre le martyr et constate qu'une minorité continue à s'enrichir sur son dos, alors il faudra s'attendre à tout, explosion sociale comme révolte politique.