Les principaux partis tunisiens s'étaient donnés un an à compter de l'élection de l'Assemblée nationale constituante (ANC), le 23 octobre 2011, pour doter le pays d’une nouvelle constitution. Le calcul est rapide, ce délai a été largement dépassé. Pis, beaucoup de temps risque encore de s’écouler avant que la Tunisie post-Ben Ali soit officiellement institutionnalisée. Et pour cause, le projet de Constitution est au cœur d'une bataille politico-juridique qui risque de retarder la date d'examen du projet de loi fondamentale alors que le texte a été finalisé il y a trois semaines.
"Aujourd'hui, l'incertitude continue", regrette Karima Souid, une élue de l'opposition, chargée des relations de l'ANC avec les médias, interrogée par l’AFP. Aucun des calendriers annoncés jusqu'à présent n'a été respecté, sachant que le précédent prévoyait que le texte soit débattu et voté, article par article en séance plénière, du 20 juin au 8 juillet. Karima Souid, par ailleurs assesseur du président de l'ANC, a indiqué que le bureau de la Constituante se réunirait le 21 juin, les présidents des groupes et commissions parlementaires le 22, et qu'à l'issue de ces réunions un nouveau calendrier pourrait être annoncé.
Les raisons du nouveau blocage
Une plainte déposée par des élus d'opposition auprès d'un tribunal administratif pour des vices de procédures lors de la finalisation du texte peut encore ralentir le processus. Une partie de l'opposition au parti islamiste au pouvoir Ennahda mais aussi le parti du président Moncef Marzouki contestent des dispositions controversées. Elles auraient été introduites, selon eux, de manière discrétionnaire par Habib Kheder, le rapporteur du texte, lui-même membre du parti islamiste.
En outre, le simple fait que le projet, présenté début juin, ait été qualifié de projet définitif par la présidence de l'Assemblée nationale constituante (ANC), avait déclenché un tollé parmi les députés, en particulier ceux de l'opposition, qui ont dénoncé un texte taillé sur mesure pour Ennahda.
De son côté, l'ONG Amnesty international avait souligné que le texte présenté "porte atteinte à des principes de la législation internationale en matière des droits de l'Homme, comme l'universalité des droits de l'Homme, la suprématie de la loi internationale sur la loi nationale".
Les élections en 2013 compromises
Pour être adoptée, la Constitution doit obtenir le soutien des deux tiers des députés de l'ANC, où Ennahda compte 89 élus sur 217, faute de quoi elle devra être soumise au référendum. Son adoption est indispensable pour fixer le calendrier électoral, alors que le chef du gouvernement Ali Larayedh a promis des élections avant la fin de l'année.
Selon les observateurs, la tenue d’un scrutin en 2013 est peu probable, vu que ni l'instance chargée d'organiser les élections ni la loi électorale n'ont jusqu’ici été mises en place.