La stigmatisation systématique des 40 ans de règne du P.S dans le débat politique inter-partisan au Sénégal : un argument dépassé



Enfants du suffrage universel selon la typologie des partis de Maurice Duverger, les partis de masse constituent des phénomènes politiques explicatifs de la compétition politique. L’un de leurs objectifs est de rechercher le plus grand nombre d’électeurs contrairement aux partis de cadre qui visent plus l’efficacité dans l’action. Encore faut-il préciser que les partis de masse ne sont pas inefficaces dans l’action. En effet, l’accès et la conservation du pouvoir politique constituent des enjeux importants qui aident à comprendre la structure du débat politique. L’histoire politique du Sénégal est liée à celle du PS que l’on pourrait considérait aujourd’hui comme l’aîné des partis politiques mais surtout comme un parti de masse. Après sa lettre de démission adressée à Guy Mollet, Secrétaire général de la Section Française de l’Internationale Socialiste (SFIO), Léopold Sédar Senghor décida de créer sa propre formation politique en 1948. Cette création du BDS s’inscrit dans un contexte politique important : il s’agit de l’après-reconnaissance du droit de vote des femmes avec la loi de 1944 appliquée en 1945. C’est dire que le PS a longtemps participé au débat politique depuis le Sénégal colonial. Son hégémonie démocratique se manifeste déjà depuis la représentation du Sénégal à la Chambre des représentants de la France.

Si tantôt le débat politique se structurait à l’époque autour de la représentation parlementaire, il a aussi porté surtout sur le registre de la libération nationale, c’est-à-dire l’obtention de l’indépendance. En ce sens, l’espace public devient marqué par une expression plurielle des visions dans la mesure où d’autres mouvements et groupes politiques (PAI) vont émerger et lutter pour l’indépendance du Sénégal qui sera acquise le 20 août 1960. Il faut ajouter que cette période fut marquée par une prégnance des idéologies, surtout le marxisme-léninisme, le nationalisme et le communisme comme critiques de la domination coloniale. Sous ce rapport, on peut dire que le débat politique portait sur des questions structurantes de l’heure et de l’avenir du peuple sénégalais et même de l’Afrique en général. Mais depuis l’alternance du 19 mars 2000, un certain type de discours populiste récurrent qui est axé sur le nombre d’années de pouvoir du PS semble désorienter la vraie problématique du débat politique inter-partisan. En d’autres termes, le débat politique semble perdre de sa qualité si l’on porte même un regard sur certains acteurs et le type de discours dont ils sont porteurs.

Notre propos sera ici de montrer que les Sénégalais attendent plus de leurs hommes politiques des projets clairs de société que de vouloir faire systématiquement comme fonds de commerce électoral les quarante ans du PS. Ayant dirigé le pays depuis 1960, le PS a perdu le pouvoir le 19 mars 2000 et est devenu un parti d’opposition. Cette perte du pouvoir résulte donc de la sanction de son bilan par la majorité des Sénégalais qui ont voulu un changement. Mais depuis 2000, le PDS dirige le Sénégal et le regard devrait être objectivement plus porté, comme dans toute démocratie, sur la gestion du régime en place, autrement dit l’actuel régime libéral. Encore faut-il préciser qu’il n’est point interdit de se référer à des erreurs commises par le régime socialiste ! Mais le fait de s’éterniser sur le bilan socialiste jusqu’à vouloir lui refuser tout regard sur la vie politique nationale devient une forme d’ostracisme, voire un danger pour la démocratie. Car tout parti politique qui perd le pouvoir a le droit de travailler à le reconquérir comme le veut la logique démocratique. Sous ce rapport, on peut se demander en quoi la manipulation de la longévité du PS au pouvoir constitue-t-elle une stigmatisation qui détourne les Sénégalais de l’essentiel, c’est-à-dire l’offre politique à leur proposer ? Répondre à cette interrogation suppose de montrer qu’au-delà de l’usure du pouvoir dont était victime le PS en 2000, le vrai débat politique actuel devrait s’articuler plus autour de ce que propose le PS aujourd’hui, et surtout en termes prospectifs en partant des vraies aspirations des Sénégalais.

1. Un P.S victime de l’usure du pouvoir : l’alternance démocratique du 19 mars 2000

Si l’on date sa création depuis 1948 sous le label de Bloc Démocratique Sénégalais (BDS), le PS peut être considéré comme l’aîné des partis politiques qui évoluent aujourd’hui dans l’espace politique sénégalais. Sa trajectoire est de ce point de vue liée à l’histoire politique du Sénégal. Cette longévité lui a permis de construire un maillage territorial. Cette entreprise d’implantation nationale prend surtout sa source dans les luttes de positionnement entre Léopold Sédar Senghor et Lamine Guèye. Si le second avait plus axé sa campagne d’adhésion dans les Quatre Communes, le premier avait privilégié le monde rural. Ce qui lui vaudra d’ailleurs le surnom de « Député de la brousse ». L’implantation du PS sur l’ensemble du territoire national s’est ainsi construite sur ce socle. Ce qui met en relief sa bonne structuration si l’on entreprend une analyse institutionnelle de ce parti : il s’agit ici des structures qui organisent son architecture institutionnelle en partant du comité jusqu’au Bureau politique ou instance de direction. Nos recherches empiriques sur ce parti montrent une certaine démocratie interne à travers ses opérations régulières de renouvellement, même si l’on relève des formes de parachutage et quelques cas de violence lors de ces luttes de positionnement. Toutefois, le PS est le parti le mieux structuré dans l’espace politique sénégalais si l’on reste objectif. Peut-être que le fait d’avoir été au pouvoir a aussi aidé ce parti à mieux s’organiser. Mais d’autres partis, notamment les partis de gauche (PAI, PIT, LD, AJ) qui ont une longue expérience des luttes politiques, sont bien structurés et ont assuré une formation politique et idéologique de leurs militants afin de les préparer à leurs responsabilités futures dans la vie nationale. La qualité de débatteur de certains hommes politiques sénégalais qui ont milité dans ces partis se constate sans doute.
En outre, la longévité du PS au pouvoir a aussi comme corollaire le phénomène de l’usure du pouvoir qui est un des éléments explicatifs de sa perte du pouvoir le 19 mars 2000. Comme les pneus d’une voiture qui s’usent à force de rouler quotidiennement sur le goudron, le pouvoir connaît ce même phénomène. Il faut préciser que le phénomène d’usure du pouvoir a le défaut de donner l’impression d’un immobilisme dans l’action. Pourtant, nul ne peut nier cette volonté de changement qui animait le Président Abdou Diouf dès son arrivée au pouvoir. Mais plusieurs facteurs endogènes et exogènes ont contribué à gripper la machine. Parmi ces éléments, il y a la crise économique qui a entraîné au plan national la mise en place de plans d’urgence et d’ajustement structurel. Au plan social, on peut noter la pression des forces sociales, voire une certaine compression sociale, d’après la bonne analyse de Landing Savané à l’époque. Cette situation a ainsi offert des opportunités aux diverses oppositions politiques avec l’émergence de mouvements religieux très critiques envers le régime socialiste. Ce qui mettait à l’époque le SOPI sur orbite en tant que slogan mobilisateur. Les signes d’usure ont aussi provoqué des fissures, voire même des fractures au sein du P.S avec la dissidence de certaines personnalités qui ont choisi de créer leur propre parti : il s’agit d’abord de Messieurs Djibo Leity KA et Moustapha NIASSE qui ont respectivement créé l’Union pour le renouveau démocratique (URD) en 1998 et l’Alliance des Forces de Progrès (AFP) en 1999. Ce qui entraîne naturellement un effritement de l’électorat socialiste.

L’épuisement de l’image réformatrice, la mobilisation des forces sociales et la structuration de l’opposition en coalitions (CA 2000 et CODE 2000) ne constituaient guère des conditions favorables pour la réélection du Président Abdou DIOUF. Cette image réformatrice peut être relevée au plan agricole avec des programmes et projets déjà en place ou ficelés avec leurs financements obtenus ou en vue : c’est la création du Ministère de l’Elevage en 1998 avec son Programme d’amélioration génétique axé sur l’insémination artificielle et la constitution des réserves fourragères, le Haras de Dahra pour le développement de la filière équine, le Programme des Services Agricoles et des Organisations de Producteurs (PSAOP) au plan de l’élevage et de l’agriculture, le Programme de Mobilité Urbaine (PAMU) et le projet de Dakar Bus en remplacement de la SOTRAC au plan des infrastructures, le projet hydraulique de l’Axe Ndiosmone-Palmarin à partir des nappes d’eau douce de Fissel, etc. Le PAMU et le projet de remplacement de la SOTRAC, dans le cadre du principe de continuité de l’Etat, matérialisés sous d’autres appellations. Mais ce qu’il faut aussi préciser c’est qu’en 2000, le P.S ne pouvait pas porter en termes de discours politique le slogan du « Changement ». Jacques SEGUELA a été critiqué à tort sur son slogan « Changement dans la continuité ». Pourtant, il avait au plan de la communication et du marketing politique, très bien trouvé la clé de la campagne électorale. Seulement, le contexte politique de 2000 indiquait sans doute Me Abdoulaye Wade comme le candidat que le slogan « Changement » valorisait du point de vue électoral, d’autant plus qu’il s’agisse du « SOPI », slogan de son parti, le PDS. Sous ce rapport, le PS était devenu vulnérable face à la volonté populaire.

2. Le PS après sa défaite : un roseau qui plie sans rompre vers la reconquête du pouvoir

Si l’alternance démocratique est un des instruments de mesure d’un système démocratique, celle du 19 mars 2000 a amplifié une pratique politique au Sénégal : il s’agit de la transhumance partisane qui est le changement d’appartenance politique d’un parti à l’autre. Du point de vue épistémologique, la notion de transhumance partisane semble plus appropriée que celle de transhumance politique si l’on fait l’exégèse du nomadisme des hommes politiques d’un parti à l’autre. Car, la transhumance politique est une notion plus large qui dépasse même les frontières partisanes. En cela, elle intègre les syndicats et autres groupements politiques. Si la transhumance partisane peut être considérée du point de vue épistémologique comme un phénomène banal, elle reste toutefois méprisable du point de vue moral, c’est-à-dire en dehors de toute neutralité axiologique. Ce phénomène existe depuis la période coloniale lors des luttes politiques. L’analyse du clanisme qui continue d’ailleurs de structurer la vie politique sénégalaise permet de mieux saisir l’évolution de cette pratique politique.

La disparition du groupe parlementaire du PDS issu des élections législatives de 1978 n’a fait que rendre plus visible le phénomène de transhumance avec le départ massif de députés libéraux vers le PS. Mais en 2000, force est de noter que la transhumance partisane s’est plus amplifiée. Des études empiriques nous montrent que le P.S en a beaucoup souffert en termes de perte de militants. Précisément, beaucoup de membres de son Bureau politique ont migré vers les prairies bleues du nouveau parti au pouvoir : le PDS. Ce comportement d’anciens dignitaires du PS met en lumière la question des ressources d’allégeance dans les mobilisations politiques. Un type de discours du genre « politik agoul alakhéra » a été construit par des transhumants pour mieux légitimer leur nomadisme. Cette défaite du PS en 2000 lui a donc fait perdre d’importantes ressources d’allégeance en tant que parti au pouvoir. Ce qui pose des interrogations sur le principe de l’impartialité de l’Etat. L’autorisation du cumul des postes de Chef de l’Etat et de Chef de parti qui est bien inscrite sur le marbre de la loi fondamentale (Constitution) du Sénégal ne fait que conforter cette stratégie d’accaparement. En outre, ce nomadisme politique montre la perméabilité des frontières entre les partis, d’autant plus que les clivages idéologiques ne sont pas bien ancrés dans les cultures politiques en Afrique en général, et particulièrement au Sénégal. Ce que le Professeur Sémou Pathé GUEYE montrait bien dans sa théorie de la construction du consensus démocratique en Afrique d’une manière générale et singulièrement au Sénégal.

Les départs massifs de grands dignitaires politiques du PS en 2000 ont installé un climat de fébrilité avec des guerres de leadership au sein du parti. Dans ce contexte, le PS avait donc besoin d’un réarmement moral de ses militants au niveau de la base. Certains responsables comme Feu Pape Babacar Mbaye et Madame Aminata Mbengue Ndiaye ont entrepris à l’époque une caravane verte avec le soutien du Secrétaire général, M. Ousmane Tanor Dieng : il s’agissait de remobiliser les militants socialistes à la base. La mission n’était pas facile pour un parti qui venait de faire sa première expérience d’opposition. Ce n’est pas le cas de certains partis comme le PAI, le PIT, la LD ; AJ/PADS ou le PDS qui ont capitalisé plusieurs années d’opposition avec ses ficèles multiformes. Le conclave de Savana a également été un cadre de formulation d’une introspection pour le PS. Ce qui lui a permis de comprendre ses erreurs au pouvoir et ce qu’il fallait faire dans l’avenir pour revenir aux affaires comme c’est l’ambition de tout parti politique.

Par ailleurs, nos études empiriques faites en 2006 montrent un phénomène de résilience chez les responsables du PS qui n’ont pas transhumé : il s’agit de leur capacité de faire face et de franchir des difficultés dans cette expérience d’opposition. Précisément, le bon sens recommande de constater que le leader des socialistes, M. Ousmane Tanor Dieng a fait montre de dignité et de patience quoi qu’on dise pour reformater le PS avec d’autres responsables qui n’ont pas transhumé. Au début de l’alternance, il était difficile pour Tanor d’enregistrer de nombreuses audiences, ce qui n’était pas le cas avant la défaite du PS. La mise en place de structures comme Vision socialiste, Convergence socialiste ou Jeunesse pour le socialisme et la démocratie ont été pour beaucoup quant à ce réarmement moral des militants socialistes. Les expériences électorales sous la bannière de coalitions comme le CPC lui ont permis de conserver certaines bases politiques. C’est également le cas avec la coalition politique Benno Siggil Sénégal lors des élections locales du 22 mars 2009. L’élan entrepris par M. Khalifa Ababacar Sall dans la gestion de la ville de Dakar avec ses colistiers augure un bon bilan en matière d’administration locale.

Dans ce cadre, la cohabitation du PS avec des partis de gauche dans des coalitions lui a permis de s’acclimater à la réalité de l’opposition. Mais il faut préciser que le PS qui dirigeait le pouvoir devient l’opposant naturel du nouveau parti au pouvoir, le PDS qui l’a gagné en 2000 dans le cadre d’une coalition. On peut ainsi constater que le PS et le PDS constituent deux partis qui ont longtemps dominé le champ politique sénégalais. La constance des positions du PS dans l’opposition conforte la clarté de sa position d’opposant : il s’agit de s’opposer tout en clarifiant son refus de l’entrisme. Malgré les départs massifs d’anciens dignitaires et les harcèlements sporadiques (incendie de Thiès) dont il a été victime, le PS a su se tenir comme un roseau qui plie sans rompre. Car l’histoire politique et l’implantation locale de ce parti sur l’ensemble du territoire national constituent des faits qui démontrent qu’il est impossible de déraciner comme un arbre, ce parti dont sa trajectoire semble se confondre avec celle du Sénégal.

Ce parti de masse au sens de Maurice Duverger a su faire le deuil de sa défaite et renouer avec sa capacité de mobilisation comme le démontre sa dernière Université d’été de 2009. En cela, il peut légitiment aspirer à reconquérir le pouvoir. Dans toutes les grandes démocraties structurées par des partis dominants ou des partis de gouvernement la plupart de ces derniers ont reconquis le pouvoir : il s’agit des cas des partis de pays scandinaves, du Parti démocrate et du Parti Républicain aux USA, puis de la Droite et de la Gauche en France. Pourquoi alors vouloir s’éterniser sur une stigmatisation de quarante ans de pouvoir du PS jusqu’à clamer le barrage du retour de ce parti au pouvoir ? Serait-il, de la même manière, démocratique de refuser un jour au PDS son droit de reconquête du pouvoir s’il le perdait par exemple en 2012 ? Non ! Cette vision nombriliste de la politique ne construit pas une démocratie pluraliste !

3. Juger plutôt le PS à l’aune de son actuel projet de société en vue de reconquérir le pouvoir

Le discours politique reposant sur l’étiquetage, voire la stigmatisation des quarante ans de règne du PS est dépassé. Même s’il peut être inscrit dans une logique de positionnement de leurs auteurs dans l’espace politique, il porte les caractéristiques d’un ostracisme. Or, il est curieux de vouloir écarter du débat politique par le procédé de pensée unique la vision d’un parti qui a capitalisé une longue expérience de gouvernement du Sénégal. Il devient de ce point de vue un argument stérile car il traduit les germes d’un populisme, c’est-à-dire de la démagogie. Si les partis politiques concourent tous à l’expression des suffrages des Sénégalais, il devient plus pertinent de juger le PS sur son offre politique. Il s’agit de laisser les électeurs apprécier à juste valeur son projet de société au même titre que celui des autres partis politiques qui évoluent dans le champ politique sénégalais. Mais ce qui est curieux c’est de constater que les entrepreneurs de cette stigmatisation soient des hommes politiques qui étaient responsables et membres des gouvernements socialistes, voire même une nuée de transhumants.

En effet, c’est un secret de polichinelle de dire que le PS a commis des erreurs dans son exercice du pouvoir sinon il ne serait pas sanctionné par les Sénégalais le 19 mars 2000. En même temps, on ne peut pas nier qu’il a été victime de l’usure du pouvoir. C’est pourquoi il ne gère plus le gouvernement du Sénégal qui est entre d’autres mains. Donc, s’il doit y avoir une appréciation de bilan aujourd’hui, celui-ci doit plus porter sur celui de ceux qui dirigent le pays en ce moment, c’est-à-dire le PDS et ses alliés. Par conséquent, la fixation sur la longévité de pouvoir du PS appauvrit le débat politique inter-partisan au Sénégal qui devrait être prospectif. Elle pose en même temps des interrogations sur la rationalité du débat politique. Si le PS propose depuis sa défaite de 2000 un projet de société reconduisant ses erreurs de gestion d’antan, il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’il ne pourra recueillir l’adhésion ni la sympathie des Sénégalais. Par contre, s’il entreprend une ligne de rupture qui est novatrice en termes de gouvernance et d’apport de réponses crédibles aux priorités de développement du Sénégal, il peut être attrayant. C’est dans ce cadre qu’il est plus pertinent et convaincant de juger le PS aujourd’hui et à l’orée des échéances électorales qui pointent à l’horizon.

Si l’on veut donc redonner le goût de la chose publique et de l’engagement politique aux Sénégalais, il est important de rehausser le niveau et la qualité du débat politique inter-partisan en termes d’approche constructive de l’avenir du pays. Les Sénégalais aiment souvent solidariser avec le martyr et le fait de s’éterniser sur les quarante ans de règne du PS crédite ce parti au niveau de l’opinion qui bonifie cela avec son professionnalisme politique. Ainsi, le rabaissement du niveau du débat politique pose la question des connaissances politiques au sens de Florence Haegel, mais aussi celle du désintéressement politique. Cette notion des connaissances politiques est la capacité des électeurs et des hommes politiques de faire des jugements sur les offres politiques des partis et d’opérer des choix. Sous ce rapport, on peut se demander si le fait de s’attarder à la longévité de règne du PS au pouvoir ne masque pas un déficit de connaissances politiques, voire de compétence politique ou de carence d’idées de certains acteurs. Cette situation traduit un phénomène de désenchantement, c’est-à-dire un désintéressement politique des citoyens. Sous ce rapport, tous les hommes politiques ont intérêt à mettre dans les poubelles, les propos de caniveaux qui dégradent leur propre image.

Au total, on constate que l’une des tendances du discours politique réside dans la double habileté du politicien à convaincre l'opinion publique que l'adversaire est directement responsable de ce qui va mal et à se faire attribuer le mérite de ce qui va bien. Or, cette stratégie du bouc-émissaire voile souvent la quintessence du vrai débat inter-partisan. Si la survie en politique est en grande partie une affaire de discours et de rhétorique, l’orientation de la contradiction dans l’espace politique doit se structurer autour de la problématique des solutions à apporter aux problèmes des Sénégalais : il s’agit par exemple des coupures sporadiques de courant, des inondations avec des compatriotes de la banlieue qui sont encore dans les eaux, des agressions, le chômage des jeunes, etc. En d’autres termes, le débat politique doit viser à améliorer l’ordre social et à construire des plages de convergence sur des questions d’intérêt national. Ce regard arborescent serait incomplet s'il ne faisait pas mention de l’esprit de tolérance dans le respect de l’expression plurielle des idées se structurant autour de schémas crédibles de développement du Sénégal. C’est à ce niveau que réside le vrai débat et que les Sénégalais attendent leurs politiques !




Abdourahmane Thiam Docteur en Sciences politiques

Mercredi 7 Avril 2010 02:01


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