La communauté française de Kafountine est sous le choc. Durant la nuit du 1er au 2 février, elle a perdu l'un des siens dans des circonstances tragiques. Depuis lors, elle entend faire rectifier l'information selon laquelle Bernard, un retraité français installé dans ce village de Basse-Casamance depuis une dizaine d'années, se serait donné la mort pendant l'attaque menée cette nuit-là contre une banque de Kafountine par un commando présumé appartenir au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC).
Véronique Chiche, consul honoraire de France à Ziguinchor, est catégorique : « Il est mort à son domicile et son décès n'a rien à voir avec l'attaque. » Le colonel El Hadji Babacar Faye, commandant de la zone n°5 (Ziguinchor), confirme lui aussi à Jeune Afrique que les deux événements sont déconnectés : « A priori, il n'y a aucun lien entre son décès et l'attaque rebelle. » Suite aux premiers constats opérés par les gendarmes de Diouloulou, chargés de l'enquête, le procureur a d'ores et déjà accordé le permis d'inhumer.
Ce soir-là, un commando armé d'AK-47 et de RPG7 donne l'assaut à l'agence du Crédit mutuel de Kafountine. Suite à un échange de feu nourri avec les forces armées sénégalaises, les assaillants prennent la fuite, emportant avec eux un butin estimé à 4 millions de francs CFA [6 000 euros]. Trois civils trouveront la mort pendant l'attaque, ainsi que deux membres du commando. Mais dès le lendemain, les dépêches et articles consacrés à l'incident font état d'un bilan de « cinq morts dont un Français », laissant entendre que ce dernier compte au nombre des victimes de la fusillade. Au cours du week-end, la version se modifie, des articles évoquant un suicide par arme à feu directement lié à la fusillade. Puis la version médiatique se romance radicalement, offrant moult détails imaginaires sur un suicide pour motifs personnels qui serait lié à une déception conjugale.
Ce scénario est largement contredit par l'entourage de Bernard et par les témoins directs de la scène. Jeune Afrique a ainsi pu s'entretenir avec Stéphane*, qui assista, bien malgré lui, au drame. Encore traumatisé par l'incident – et réclamant l'anonymat pour ne pas inquiéter sa famille en France –, il nous a relaté la soirée funeste du 1er février.
Une soirée qui finit mal
Stéphane, la quarantaine, est venu passer des vacances en Casamance avec l'un de ses proches – appelons-le Étienne* –, qui connaît bien Kafountine et fréquente Bernard, le Français décédé, depuis plusieurs années. Le vendredi matin, les trois hommes se rendent au marché avant de s'arrêter déjeuner au village. Bernard, un ancien restaurateur, consacrera l'après-midi à cuisiner pendant que Stéphane et Étienne, de leur côté, iront à la plage. À l'heure de l'apéritif, tous trois se retrouvent au domicile de Bernard.
« Dans la soirée, nous avons entendu des coups de feu provenant du village, comme des tirs de canon et de mitraillettes, relate Stéphane. Bernard est alors allé chercher son revolver. Il nous a lancé : “Si les rebelles viennent, j'ai de quoi les recevoir !” Après le dîner, Bernard a proposé à Étienne d'aller chercher le voisin, Michel, et son épouse, Khadija, pour venir boire un verre. Je suis donc resté seul avec Bernard, qui m'a dit : “On va jouer à un jeu. Je suis sûr que tu n'y as jamais joué.” Je l'ai alors vu vider le barillet de son révolver. En fait, il me proposait de jouer à la roulette russe ! Les choses sont allées très vite. Je lui ai dit : “Qu'est-ce que tu fais ? Non ! Ne fais pas ça !” Mais Bernard a pointé l'arme sur sa tempe et le coup est parti. Il s'est effondré devant moi. »
Un tempérament fanfaron et un bon vivant
Impossible de savoir si Bernard a réellement entendu jouer à la roulette russe, s'il a oublié par mégarde une balle dans le barillet ou s'il a pensé que la balle restante avait déjà été percutée. Stéphane, sous le choc, part immédiatement alerter Étienne et Michel dans la maison voisine. La gendarmerie se rendra sur place le lendemain matin. Michel et Khadija, les voisins de Bernard, confirment le déroulement des faits. Interrogé à propos de ce scénario, le colonel Faye, commandant de la région militaire de Ziguinchor, nous répondra : « Vous avez la bonne version. »
Pour les proches de Bernard avec qui nous nous sommes entretenus, le décès de leur ami n'a rien d'un suicide. Bernard était un bon vivant, qui cultivait les projets et adorait sa femme, institutrice à Ziguinchor, et leur petite fille, âgée d'un an. Il avait en revanche un goût prononcé pour les armes à feu, un tempérament un peu fanfaron et un penchant pour l'alcool, trois ingrédients qui ne font pas bon ménage. Aujourd'hui, ses amis souhaitent rétablir la vérité des faits. Par respect pour sa mémoire, mais aussi pour ne pas laisser la machine médiatique s'emballer.
* Le prénom a été changé.
Véronique Chiche, consul honoraire de France à Ziguinchor, est catégorique : « Il est mort à son domicile et son décès n'a rien à voir avec l'attaque. » Le colonel El Hadji Babacar Faye, commandant de la zone n°5 (Ziguinchor), confirme lui aussi à Jeune Afrique que les deux événements sont déconnectés : « A priori, il n'y a aucun lien entre son décès et l'attaque rebelle. » Suite aux premiers constats opérés par les gendarmes de Diouloulou, chargés de l'enquête, le procureur a d'ores et déjà accordé le permis d'inhumer.
Ce soir-là, un commando armé d'AK-47 et de RPG7 donne l'assaut à l'agence du Crédit mutuel de Kafountine. Suite à un échange de feu nourri avec les forces armées sénégalaises, les assaillants prennent la fuite, emportant avec eux un butin estimé à 4 millions de francs CFA [6 000 euros]. Trois civils trouveront la mort pendant l'attaque, ainsi que deux membres du commando. Mais dès le lendemain, les dépêches et articles consacrés à l'incident font état d'un bilan de « cinq morts dont un Français », laissant entendre que ce dernier compte au nombre des victimes de la fusillade. Au cours du week-end, la version se modifie, des articles évoquant un suicide par arme à feu directement lié à la fusillade. Puis la version médiatique se romance radicalement, offrant moult détails imaginaires sur un suicide pour motifs personnels qui serait lié à une déception conjugale.
Ce scénario est largement contredit par l'entourage de Bernard et par les témoins directs de la scène. Jeune Afrique a ainsi pu s'entretenir avec Stéphane*, qui assista, bien malgré lui, au drame. Encore traumatisé par l'incident – et réclamant l'anonymat pour ne pas inquiéter sa famille en France –, il nous a relaté la soirée funeste du 1er février.
Une soirée qui finit mal
Stéphane, la quarantaine, est venu passer des vacances en Casamance avec l'un de ses proches – appelons-le Étienne* –, qui connaît bien Kafountine et fréquente Bernard, le Français décédé, depuis plusieurs années. Le vendredi matin, les trois hommes se rendent au marché avant de s'arrêter déjeuner au village. Bernard, un ancien restaurateur, consacrera l'après-midi à cuisiner pendant que Stéphane et Étienne, de leur côté, iront à la plage. À l'heure de l'apéritif, tous trois se retrouvent au domicile de Bernard.
« Dans la soirée, nous avons entendu des coups de feu provenant du village, comme des tirs de canon et de mitraillettes, relate Stéphane. Bernard est alors allé chercher son revolver. Il nous a lancé : “Si les rebelles viennent, j'ai de quoi les recevoir !” Après le dîner, Bernard a proposé à Étienne d'aller chercher le voisin, Michel, et son épouse, Khadija, pour venir boire un verre. Je suis donc resté seul avec Bernard, qui m'a dit : “On va jouer à un jeu. Je suis sûr que tu n'y as jamais joué.” Je l'ai alors vu vider le barillet de son révolver. En fait, il me proposait de jouer à la roulette russe ! Les choses sont allées très vite. Je lui ai dit : “Qu'est-ce que tu fais ? Non ! Ne fais pas ça !” Mais Bernard a pointé l'arme sur sa tempe et le coup est parti. Il s'est effondré devant moi. »
Un tempérament fanfaron et un bon vivant
Impossible de savoir si Bernard a réellement entendu jouer à la roulette russe, s'il a oublié par mégarde une balle dans le barillet ou s'il a pensé que la balle restante avait déjà été percutée. Stéphane, sous le choc, part immédiatement alerter Étienne et Michel dans la maison voisine. La gendarmerie se rendra sur place le lendemain matin. Michel et Khadija, les voisins de Bernard, confirment le déroulement des faits. Interrogé à propos de ce scénario, le colonel Faye, commandant de la région militaire de Ziguinchor, nous répondra : « Vous avez la bonne version. »
Pour les proches de Bernard avec qui nous nous sommes entretenus, le décès de leur ami n'a rien d'un suicide. Bernard était un bon vivant, qui cultivait les projets et adorait sa femme, institutrice à Ziguinchor, et leur petite fille, âgée d'un an. Il avait en revanche un goût prononcé pour les armes à feu, un tempérament un peu fanfaron et un penchant pour l'alcool, trois ingrédients qui ne font pas bon ménage. Aujourd'hui, ses amis souhaitent rétablir la vérité des faits. Par respect pour sa mémoire, mais aussi pour ne pas laisser la machine médiatique s'emballer.
* Le prénom a été changé.
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