« La France ne peut pas nous humilier chez elle et chez nous » S’il nous faut célébrer le 4 avril, Je voudrais que nous le célébrions comme une défaite nationale et une victoire française, en lieu et place de notre indépendance. Ce n’est pas pour rien que l’on parle de décolonisation française, c’est parce que c’est la France qui décolonise, c’est elle qui décide de repenser l’administration de son empire ; et même si quelques membres de «l’élite africaine» sont conviés à y participer, le législateur français seul, est en mesure d’entreprendre un ré-aménagement du régime colonial.
En 1947, la représentation des groupes de territoires, c’est-à-dire l’AOF et l’AEF, est de 22 députés pour une population de 20 millions d’habitants, contre 544 sièges de députés que la métropole s’accorde pour une population de 40 millions d’hommes. Dès lors deux choix s’offrent aux parlementaires africains, deux attitudes possibles face à l’autorité coloniale : ils la reconnaissent, dans ce cas un dialogue s’établit et aboutit à une indépendance octroyée suivie d’accords de coopération pour organiser le pillage des ressources nationales ; ils la contestent, rejettent tous les compromis qu’elle propose, l’autorité coloniale se désagrège, et recourt à l’assassinat :
Ouandié fusillé, Boganda, Diori, Sankara, Kadhafi assassiné, Gbagbo livré pantelant aux convulsions du brigandage sous nos yeux, pendant que l'on nous divertissait avec des sommets, des procès, des festivals, et des kermesses électorales. C’est de ce rapport bipolaire que nous sommes nés, et c’est pour cela que nous n’avons jamais été libres, et c’est ce mensonge qui nous consume. Les régimes africains en place n'existent que pour gérer le statu quo. Les "colonies africaines" sont indispensables à la France. Elles lui permettent de disposer au sein de l'ONU d’un cortège d'Etats clients qui votent à sa suite, d’établir des bases militaires stratégiques, d'avoir un accès illimité à nos matières premières et d'assurer à travers le prélèvement sur l'aide publique au développement le financement de la vie politique française.
Aucune décision n’est prise par rapport aux urgences nationales : la santé, l’éducation, la sécurité, la création d’emplois. Les administrations ne se succèdent que pour gérer les remboursements des dettes contractées par leurs prédécesseurs, et lorsqu’ils en sont incapables, ils sont immédiatement soumis aux ajustements structurels imposés par leurs créanciers (FMI, Banque Mondiale, Banque de France). Ces ajustements structurels encouragent la suppression des barrières douanières (APE), qui nous prive de revenus essentiels à notre économie, la privatisation des entreprises nationales (eau, activité portuaire, compagnie téléphonique etc) au seul bénéfice de compagnies étrangères, qui s’accompagne d’un assouplissement du droit du travail pour limiter les droits des travailleurs (baisse des salaires ; recul de l’âge de la retraite; détérioration des conditions de travail).
Comment parler d’indépendance lorsque nos pays sont littéralement aux enchères ? Le prix élevé des denrées alimentaires et de la demande pour de nouveaux types de carburants font que la terre est devenue un investissement plus rentable, et c’est la Banque mondiale qui finance les transactions foncières et qui détermine la manière dont les terres sont achetées et vendues. Au Sénégal, 600 000 hectares de terres arables ont été accaparées par les investisseurs étrangers bénéficiant de complicités au niveau du pouvoir. La richesse soudaine et inexplicable de Macky Sall, révélée dans sa déclaration de patrimoine devrait entraîner une indignation nationale.
Comment peut-on accepter moralement le leadership d’un homme qui fiscalement ne pourrait pas expliquer l’origine de sa fortune ? Pourquoi condamner Karim Wade pour des crimes que l’on pourrait reprocher au chef de l’Etat ? Aucune logique dans sa méthode d’administration. Trois premiers Ministres en trois ans de pouvoir. Il emprunte cinquante-huit milliards pour organiser l’ignoble sommet de la Francophonie et dans le même geste, dans la même foulée, il sollicite une aide de deux milliards auprès du Japon pour acheter et distribuer au Sénégal le riz de la région du fleuve ! Où sont les thuriféraires de la bonne gouvernance, ceux qui indexent l’aide au développement sur la transparence de l’Etat et la manière avec laquelle le pouvoir est exercé dans la gestion publique des ressources économiques et sociales ?
Heureux soient les collabos car ils ne se retrouveront jamais devant la CPI ! Il n’y a ni élan fraternel du «peuple noir», ni démocratie pour les proscrits, ni justice pour les inexaucés, ni souveraineté nationale pour les «damnés de la terre». Il n’y a que l’opportunisme des coalitions, la trahison des élites, des premières dames engoncées dans des tailleurs Chanel, flanquées de maris grassouillets du cou, qui parcourent le monde en jet privé pour aller quémander des sous au nom de la misère africaine, et des peuples qui l’acceptent. Et il n’y a personne pour écrire «J’Accuse» !
«Ma race raisins mûrs pour pieds ivres » disait Césaire, mon Dieu qu'il avait raison ! Gérard Soete, le commissaire belge responsable du dépeçage du cadavre de Lumumba, exhibe dans un reportage de la BBC deux dents qu'il aurait arrachées à son crâne avant de dissoudre ses membres dans un baril d'acide (YouTube). "Il avait une bonne dentition vous savez", ajoutait-il ! Et pendant que la DGSE s'active à effectuer les ajustements qui s'imposent par l'assassinat politique et le coup d'Etat militaire, la Banque Mondiale les ajustements économiques, les flics de la presse organisent la désinformation. C’est la civilisation des monstres en costume et des alligators souriants que l’on veut nous vendre.
Tout reste à construire ! La Démocratie, la vraie, celle qui permet à un peuple de décider souverainement de son sort, ne se suffit pas d’une parade militaire tous les 4 Avril. Lorsque les Sénégalais se préoccuperont davantage du mal qu’on leur fait plutôt que de «lutte traditionnelle» et des mondanités de la vie publique, lorsqu’ils comprendront qu’aucun changement, aucune aide réelle ne viendra de l’extérieur, lorsqu’ils mesureront l’humiliation d’avoir un chef d’Etat qui célèbre la présence de l’armée française sur nos territoires, alors, seulement alors, nous nous porterons mieux. Mais pour l’instant, il nous faut manger en silence cette misère qui est le mauvais fruit de notre fausse liberté.
Malick Noel SECK
En 1947, la représentation des groupes de territoires, c’est-à-dire l’AOF et l’AEF, est de 22 députés pour une population de 20 millions d’habitants, contre 544 sièges de députés que la métropole s’accorde pour une population de 40 millions d’hommes. Dès lors deux choix s’offrent aux parlementaires africains, deux attitudes possibles face à l’autorité coloniale : ils la reconnaissent, dans ce cas un dialogue s’établit et aboutit à une indépendance octroyée suivie d’accords de coopération pour organiser le pillage des ressources nationales ; ils la contestent, rejettent tous les compromis qu’elle propose, l’autorité coloniale se désagrège, et recourt à l’assassinat :
Ouandié fusillé, Boganda, Diori, Sankara, Kadhafi assassiné, Gbagbo livré pantelant aux convulsions du brigandage sous nos yeux, pendant que l'on nous divertissait avec des sommets, des procès, des festivals, et des kermesses électorales. C’est de ce rapport bipolaire que nous sommes nés, et c’est pour cela que nous n’avons jamais été libres, et c’est ce mensonge qui nous consume. Les régimes africains en place n'existent que pour gérer le statu quo. Les "colonies africaines" sont indispensables à la France. Elles lui permettent de disposer au sein de l'ONU d’un cortège d'Etats clients qui votent à sa suite, d’établir des bases militaires stratégiques, d'avoir un accès illimité à nos matières premières et d'assurer à travers le prélèvement sur l'aide publique au développement le financement de la vie politique française.
Aucune décision n’est prise par rapport aux urgences nationales : la santé, l’éducation, la sécurité, la création d’emplois. Les administrations ne se succèdent que pour gérer les remboursements des dettes contractées par leurs prédécesseurs, et lorsqu’ils en sont incapables, ils sont immédiatement soumis aux ajustements structurels imposés par leurs créanciers (FMI, Banque Mondiale, Banque de France). Ces ajustements structurels encouragent la suppression des barrières douanières (APE), qui nous prive de revenus essentiels à notre économie, la privatisation des entreprises nationales (eau, activité portuaire, compagnie téléphonique etc) au seul bénéfice de compagnies étrangères, qui s’accompagne d’un assouplissement du droit du travail pour limiter les droits des travailleurs (baisse des salaires ; recul de l’âge de la retraite; détérioration des conditions de travail).
Comment parler d’indépendance lorsque nos pays sont littéralement aux enchères ? Le prix élevé des denrées alimentaires et de la demande pour de nouveaux types de carburants font que la terre est devenue un investissement plus rentable, et c’est la Banque mondiale qui finance les transactions foncières et qui détermine la manière dont les terres sont achetées et vendues. Au Sénégal, 600 000 hectares de terres arables ont été accaparées par les investisseurs étrangers bénéficiant de complicités au niveau du pouvoir. La richesse soudaine et inexplicable de Macky Sall, révélée dans sa déclaration de patrimoine devrait entraîner une indignation nationale.
Comment peut-on accepter moralement le leadership d’un homme qui fiscalement ne pourrait pas expliquer l’origine de sa fortune ? Pourquoi condamner Karim Wade pour des crimes que l’on pourrait reprocher au chef de l’Etat ? Aucune logique dans sa méthode d’administration. Trois premiers Ministres en trois ans de pouvoir. Il emprunte cinquante-huit milliards pour organiser l’ignoble sommet de la Francophonie et dans le même geste, dans la même foulée, il sollicite une aide de deux milliards auprès du Japon pour acheter et distribuer au Sénégal le riz de la région du fleuve ! Où sont les thuriféraires de la bonne gouvernance, ceux qui indexent l’aide au développement sur la transparence de l’Etat et la manière avec laquelle le pouvoir est exercé dans la gestion publique des ressources économiques et sociales ?
Heureux soient les collabos car ils ne se retrouveront jamais devant la CPI ! Il n’y a ni élan fraternel du «peuple noir», ni démocratie pour les proscrits, ni justice pour les inexaucés, ni souveraineté nationale pour les «damnés de la terre». Il n’y a que l’opportunisme des coalitions, la trahison des élites, des premières dames engoncées dans des tailleurs Chanel, flanquées de maris grassouillets du cou, qui parcourent le monde en jet privé pour aller quémander des sous au nom de la misère africaine, et des peuples qui l’acceptent. Et il n’y a personne pour écrire «J’Accuse» !
«Ma race raisins mûrs pour pieds ivres » disait Césaire, mon Dieu qu'il avait raison ! Gérard Soete, le commissaire belge responsable du dépeçage du cadavre de Lumumba, exhibe dans un reportage de la BBC deux dents qu'il aurait arrachées à son crâne avant de dissoudre ses membres dans un baril d'acide (YouTube). "Il avait une bonne dentition vous savez", ajoutait-il ! Et pendant que la DGSE s'active à effectuer les ajustements qui s'imposent par l'assassinat politique et le coup d'Etat militaire, la Banque Mondiale les ajustements économiques, les flics de la presse organisent la désinformation. C’est la civilisation des monstres en costume et des alligators souriants que l’on veut nous vendre.
Tout reste à construire ! La Démocratie, la vraie, celle qui permet à un peuple de décider souverainement de son sort, ne se suffit pas d’une parade militaire tous les 4 Avril. Lorsque les Sénégalais se préoccuperont davantage du mal qu’on leur fait plutôt que de «lutte traditionnelle» et des mondanités de la vie publique, lorsqu’ils comprendront qu’aucun changement, aucune aide réelle ne viendra de l’extérieur, lorsqu’ils mesureront l’humiliation d’avoir un chef d’Etat qui célèbre la présence de l’armée française sur nos territoires, alors, seulement alors, nous nous porterons mieux. Mais pour l’instant, il nous faut manger en silence cette misère qui est le mauvais fruit de notre fausse liberté.
Malick Noel SECK