Le Mali, nouveau bastion djihadiste du globe ? Inquiétude en Europe


Rédigé le Mardi 5 Juin 2012 à 15:50 | Lu 1492 fois | 0 commentaire(s)


L’implantation d’islamistes dans le nord du Mali fait craindre l’apparition d’un nouveau bastion de l’islam radical dans un territoire désertique grand comme l’Espagne où une intervention étrangère semble peu probable.


La lutte des Touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) pour un Etat indépendant a été éclipsée par la percée des islamistes d’Ansar Dine, qui veulent imposer la charia dans l’ancienne colonie française.
Ce territoire est déjà considéré par certains comme un sanctuaire pour les islamistes radicaux.
« Nous sommes à la première phase d’un nouvel Afghanistan ou d’une nouvelle Somalie. Pour moi, ça ne fait aucun doute », dit Ahmedou Ould-Abdallah, diplomate mauritanien et émissaire des Nations unies en Afrique de l’Ouest et en Somalie.

Experts en sécurité et diplomates font état d’un afflux de combattants étrangers, d’une rivalité entre les Etats voisins et d’une circulation importante de fonds illégaux qui font du Mali, et plus généralement du Sahel, le prochain point chaud du globe en matière de terrorisme.
« Il faut éviter, selon la formule du président de l’Union africaine, un ‘Afghanistan africain’. La situation au Mali est très préoccupante », a prévenu le nouveau ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

INQUIÉTUDE EN EUROPE

La prise de trois pistes d’atterrissage par les rebelles, non loin de Gao, Tombouctou et Tessalit, fait qu’en l’absence d’une armée de l’air malienne opérationnelle les insurgés peuvent faire transiter à peu près tout ce qu’ils veulent, des armes, des drogues ou des combattants étrangers.

Certains observateurs pensent que la menace est circonscrite au nord du Mali, d’autres jugent en revanche qu’elle pourrait faire tâche d’huile.
« Partout en Europe l’inquiétude grandit », remarque un diplomate travaillant dans la région. « Nous devons admettre qu’on ne peut pas contenir la menace dans le nord du Mali ou même en Afrique de l’Ouest », dit-il.
De nombreux réseaux affiliés à la nébuleuse Al Qaïda ont été vus dans les principales villes du Mali, parmi lesquels le MUJWA, organisation dont on ne sait pas grand-chose, ou Boko Haram, qui opère au Nigeria.
« C’est devenu un endroit tranquille pour les djihadistes de la région », dit un responsable américain, ajoutant que des hommes armés arrivent de Tunisie, du Maroc et de Mauritanie.
Depuis deux mois, le MNLA et Ansar Dine, qui dispose d’environ 500 combattants, contrôlent ensemble le nord du Mali.

Au début, les populations locales n’ont pas vu d’un mauvais oeil l’arrivée des islamistes, apportant un semblant d’ordre après trois mois de violences et d’anarchie. Mais désormais, l’hostilité croît à mesure que les islamistes tentent d’imposer la charia, la loi coranique, dans un pays où un islam modéré a toujours prévalu.
Filles et garçons sont désormais séparés à l’école. Des habitants ont été fouettés pour avoir bu de l’alcool ou fumé des cigarettes. Le mois dernier, des centaines de personnes sont descendues dans la rue à Gao pour protester contre l’interdiction du football et de la télévision.

RAPPROCHEMENT AQMI-ANSAR DINE

Si l’instauration de la charia n’a pas contribué à la popularité du chef d’Ansar Dine, Iyiad Ag Ghali, elle lui a permis de se rapprocher d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Selon certains informations, il aurait dorénavant un nom de guerre à la mode Al Qaïda : Abou Fadhil.
Une des principales questions à présent est de connaître le rapport entre Touaregs et islamistes. Des dirigeants du MNLA ont dénoncé vendredi le projet de fusion conclu en mai avec Ansar Dine, qu’ils jugent contraire à leurs principes laïques.
En l’état actuel, une intervention étrangère armée semble peu probable. Les pays voisins sont dans l’ensemble divisés, et une opération soutenue par les Nations unies apparaît impossible, le souvenir de la Somalie en 1993 et l’Afghanistan est encore trop vivace.

Certes, la France a des bases militaires au Sénégal et en Côte d’Ivoire, mais Paris, tout comme Washington, a jusqu’à présent seulement offert un soutien à une mission africaine.
La France « n’a pas vocation à intervenir directement. Nous préférons de beaucoup que les autorités africaines, et notamment la Cédéao (la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), soient à l’action », a dit Laurent Fabius.

La Cédéao dit disposer d’une force composée de milliers d’hommes prête à intervenir, mais elle ne détient aucun mandat pour cela. Des observateurs jugent en outre qu’il est encore possible d’espérer une scission entre Touaregs et Ansar Dine.
« Si une force est envoyée, avant toute négociation, cela risquerait de jeter les modérés dans les bras des extrémistes », glisse un diplomate.
 
Reuters



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