C’est en apercevant un manteau flotter sur l’eau alors qu’elle faisait une croisière en yacht sur la Méditerranée que Regina Catrambone, une riche entrepreneuse, a réalisé qu’elle devait aider les migrants tentant de rejoindre l’Europe au péril de leur vie. Aujourd'hui, son bateau, " Le Phoenix", sillonne les zones à risque et vient en aide aux embarcations en détresse. Un projet qui peut sembler utopique, mais qui s’avère efficace.
"Pour notre première intervention, nous avons fait monter plus de 300 personnes à bord"
C’est la première initiative privée du genre. "Le Phoenix" est décrit comme une station d’aide humanitaire en mer (MOAS). Son objectif est d’apporter une aide d’urgence aux bateaux de migrants ayant besoin d’assistance afin de limiter au maximum les pertes en vies humaines. Long de quarante mètres, l’ancien bateau de pêche est équipé de barques et accueille deux drones permettant à son équipage de repérer les embarcations en danger.
Les fondateurs de Moas, Regina et Christopher Catrambone, sont à la tête d’une florissante compagnie d’assurances et d’assistance basée à Malte. Ces deux fervents catholiques expliquent que le pape François, qui avait critiqué "l'indifférence mondiale" après le naufrage de centaines de migrants en juillet 2013, a été un autre élément déclencheur. Aujourd’hui, ils disent dépenser plus de 350 000 euros par mois pour faire vivre la station, une somme payée pour l’heure exclusivement de leur poche.
Des gilets de sauvetage envoyés au migrants. Photo envoyée par la fondation.
Des gilets de sauvetage envoyés au migrants. Photo envoyée par la fondation.
Contributeurs
Ancien commandant des armées maltaises, Martin Xuereb a choisi de rejoindre l’aventure dès ses premières semaines. Il est actuellement le directeur de MOAS.
En janvier dernier, Regina Catrambone et son mari ont acheté le bateau et les premières opérations ont été lancées sept mois plus tard. Depuis, nous avons aidé 2 200 personnes au cours de différentes opérations. Et à quatre ou cinq reprises, la situation était telle que nous avons fait monter les migrants sur la station.
Nous opérons en totale coordination avec les équipes officielles de sauvetage en Italie et à Malte. Il arrive aussi que nous tombions nous-mêmes sur des embarcations en péril, auquel cas nous en informons directement les employés de la centrale de sauvetage en charge de la zone. Ces derniers nous contactent quand ils repèrent un bateau dans une situation difficile et nous donnent toutes les indications nécessaires. Ensuite, nous naviguons vers la zone mais nous pouvons aussi utiliser les drones pour mieux localiser les embarcations. Dans l’attente des équipes de sauvetage, nous analysons la situation en envoyant d’abord un canot de sauvetage puis on transfère les informations sur le nombre de personnes et l’état des passagers aux autorités, qui nous donnent les instructions à suivre.
Photo envoyée par la fondation.
Photo envoyée par la fondation.
Lors de notre première intervention, le 30 août, nous avons fait monter plus de 300 personnes à bord car quand nous sommes arrivés leur bateau prenait l’eau. C’était essentiellement des Syriens et des Palestiniens. Une autre fois, un jerrican de fuel avait fuit dans le bateau et tous les migrants avaient les vêtements imbibés d’essence. En général, les problèmes arrivent dès les premières heures de navigation. On est tombé sur des embarcations parties depuis plus de 48 heures et qui ne faisaient que dériver.
Vidéo de la première intervention en mer le 30 août. Postée par Moas.
Vidéo de la première intervention en mer le 30 août. Postée par Moas.
Notre premier réflexe, c’est de distribuer des gilets de sauvetage. S’ils ne montent pas sur notre bateau, on distribue de l’eau et des biscuits. S’ils montent à bord, on identifie les personnes les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants. Une fois sur la station, on les rassemble par groupes, enfants, femmes, hommes et l’équipe médicale commence à les ausculter, [les problèmes de santé les plus fréquents sont des fièvres, le paludisme ainsi que des fractures osseuses]. Le maximum de temps qu’un groupe de migrants a passé sur notre bateau c’est 30 heures.
" Notre rôle est humanitaire. Il s’arrête lorsque nous avons remis les migrants aux autorités compétentes"
Dans tous les cas, notre rôle s’arrête lorsque nous les avons remis aux autorités compétentes. Nous sommes tout à fait au courant des lois européennes en matière d’immigration [amener les migrants à terre pourrait être assimilé à de l’aide à l’immigration illégale, NDLR]. Évidemment notre rôle n’est pas d’essayer de savoir qui est passeur ou autre. Nous considérons que la vie est sacrée et faisons tout pour en sauver le maximum.
Photo envoyée par la fondation.
Moas a montré de quoi une initiative privée était capable. Nos fondateurs n’ont pas attendu de trouver des fonds extérieurs pour se lancer. Ce dont il faut être conscient, c’est que cette crise sans précédent, due notamment à la guerre en Libye, ne va pas s’arrêter. Et pour poursuivre sa mission, Moas a besoin de lever des fonds.
Photo envoyée par la fondation.
Moas a montré de quoi une initiative privée était capable. Nos fondateurs n’ont pas attendu de trouver des fonds extérieurs pour se lancer. Ce dont il faut être conscient, c’est que cette crise sans précédent, due notamment à la guerre en Libye, ne va pas s’arrêter. Et pour poursuivre sa mission, Moas a besoin de lever des fonds.
Moas travaille essentiellement en coordination avec l’opération militaro-humanitaire de contrôle et de sauvetage en mer, "Mare Nostrum", lancée en octobre 2013 par les autorités italiennes. Un dispositif qui en un an a permis de sauver 144 000 personnes et d’arrêter quelque 500 trafiquants selon la marine italienne, mais qui pourrait ne pas être reconduits faute de moyen.
Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, plus de 165 000 migrants ont traversé la Méditerranée depuis le début de l’année, et plus de 3 000 personnes ont péri en mer d’après l’organisation internationale des migrations.
Billet écrit avec la collaboration de Ségolène Malterre, journaliste à France 24.
Billet écrit avec la collaboration de Ségolène Malterre, journaliste à France 24.