Je trouve qu’il y a quelque chose de vexant à ce que le Sénégal devienne un narco-état sans que j’en sois prévenu. C’est comme toute cette histoire de Obama qui vient au Sénégal mais qui ne fait aucun effort pour me rencontrer !
Plus sérieusement, du temps de Wade, j’avais eu une discussion avec un ami spécialiste de ces choses là et je lui disais que le Sénégal était bien paradoxal. La condition pour que Wade pille le pays était qu’il nomme à tous les leviers de pouvoir de êtres non seulement incompétents mais totalement dénués de scrupules. Il ne s’en est pas privé et tous les rapports de la Cour des Comptes et des organisme étatiques chargés de signaler les faits de corruption montraient que les gangsters de Wade ne se privaient pas de piller le pays avec encore moins de subtilité que le Président et sa famille. La presse sénégalaise, étant bien plus libre que la française, ne se privait pas de signaler ces turpitudes même si elles étaient royalement ignorées par notre justice aux ordres. Au moins deux États voisins du Sénégal (la Guinée Bissau et la Gambie) étaient devenues des plaques tournantes du trafic de drogue. Le paradoxe
sénégalais que j’identifiais était que le Sénégal ne s’était de toute évidence pas transformé en narco-état. Je n’arrivais pas à comprendre une aussi anormale vertu de la part de la bande de gangsters dont le président Wade s’était entouré. Notre hypothèse était que le Sénégal était bien trop sous la coupe de la France et des USA pour que cette ligne rouge soit franchie.
À présent, il y a deux bonnes raisons de croire que le Sénégal est bien un narco état mais que, aussi vexant et douloureux à envisager que ce soit pour moi, je n’en ai pas été informé.
La première raison est l’épisode de ABC. Alioune Badara Cissé, ancien ministre des affaires étrangères et très proche du Président Macky Sall avait été viré sans ménagement du gouvernement. Peu après la presse (un exemple…) avait commencé à dire qu’il l’avait été parce qu’il avait des accointances avec un trafiquant de drogue nigérian incarcéré à Saint Louis. Ça m’avait paru tellement énorme que j’avais mis ça sur le compte des exagérations habituelles d’une presse trop libre. Quelle ne fut ma surprise de prendre un verre à Paris avec un prof spécialiste du Sénégal et de me voir confirmer que non seulement c’était vrai mais qu’en plus c’étaient les américains qui avaient intercepté ses conversations et exigé sa tête. Merci Prism :-) !
Seconde raison de se poser des questions. Bien avant que cette histoire n’éclate un ami m’avait confié qu’après avoir arrêté un trafiquant de drogue, le nouveau chef de notre service antidrogues (le Commissaire Keita) s’était vu proposé de reconduire le même deal que le trafiquant de drogues avait avec son prédécesseur. Quel deal donc? interrogea le commissaire alléché Vous me confiez toute drogue que vous saisissez et je la revends pour votre compte ! Lui fut-il répondu. Le commissaire stupéfait écrivit vertueusement un rapport retranscrivant ce dialogue et le transmit à qui de droit. Maintenant, il faut savoir que le prédécesseur en question (le Commissaire Niang) était entre temps devenu Directeur Général de la Police Nationale ! Que se passa-t-il donc ? Le vertueux commissaire Keita se fit relever de ses fonctions et on essaya de faire passer toute cette histoire pour un règlement de comptes entre flics. Sauf
que la presse a eu vent de l’affaire et qu’apparemment Interpol et les services US s’intéressent à notre DGPN.Au total, nous avons deux cas de personnes très proches du cœur du pouvoir sur lesquels des soupçons de narcotrafic se portent.
J’ai tendance à penser qu’un cas isolé peut être ignoré mais que quand il y en a deux, ça devient suspect. Certaines questions se posent. Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de procédure judiciaire dans le cas ABC ? Pourquoi la première réaction de notre gouvernement a-t-elle été d’essayer d’étouffer toute cette histoire ? Y a-t-il de vraies enquêtes de moralité avant que notre Président de la République ne nomme ministre et hauts fonctionnaires ou bien le fait-il au gré de ses humeurs ? Et enfin, le Sénégal est-il -et jusqu’à quel point- gangrené par des réseaux trafics de drogue qui seraient nichés au cœur du pouvoir ? Si ces questions ne sont pas franchement posées et si une réponse claire n’est pas apportée à chacune d’elles, il sera logique de penser que nous sommes un narco-état à l’instar de la Gambie et de la Guinée Bissau… auquel cas, le commissaire Keita (et dans une moindre mesure l’auteur
de ce post) pourrait bien être victime d’un accident pas très accidentel.....
Repris du blog de Mouhamadou El Hady Ba
Philosophe
Plus sérieusement, du temps de Wade, j’avais eu une discussion avec un ami spécialiste de ces choses là et je lui disais que le Sénégal était bien paradoxal. La condition pour que Wade pille le pays était qu’il nomme à tous les leviers de pouvoir de êtres non seulement incompétents mais totalement dénués de scrupules. Il ne s’en est pas privé et tous les rapports de la Cour des Comptes et des organisme étatiques chargés de signaler les faits de corruption montraient que les gangsters de Wade ne se privaient pas de piller le pays avec encore moins de subtilité que le Président et sa famille. La presse sénégalaise, étant bien plus libre que la française, ne se privait pas de signaler ces turpitudes même si elles étaient royalement ignorées par notre justice aux ordres. Au moins deux États voisins du Sénégal (la Guinée Bissau et la Gambie) étaient devenues des plaques tournantes du trafic de drogue. Le paradoxe
sénégalais que j’identifiais était que le Sénégal ne s’était de toute évidence pas transformé en narco-état. Je n’arrivais pas à comprendre une aussi anormale vertu de la part de la bande de gangsters dont le président Wade s’était entouré. Notre hypothèse était que le Sénégal était bien trop sous la coupe de la France et des USA pour que cette ligne rouge soit franchie.
À présent, il y a deux bonnes raisons de croire que le Sénégal est bien un narco état mais que, aussi vexant et douloureux à envisager que ce soit pour moi, je n’en ai pas été informé.
La première raison est l’épisode de ABC. Alioune Badara Cissé, ancien ministre des affaires étrangères et très proche du Président Macky Sall avait été viré sans ménagement du gouvernement. Peu après la presse (un exemple…) avait commencé à dire qu’il l’avait été parce qu’il avait des accointances avec un trafiquant de drogue nigérian incarcéré à Saint Louis. Ça m’avait paru tellement énorme que j’avais mis ça sur le compte des exagérations habituelles d’une presse trop libre. Quelle ne fut ma surprise de prendre un verre à Paris avec un prof spécialiste du Sénégal et de me voir confirmer que non seulement c’était vrai mais qu’en plus c’étaient les américains qui avaient intercepté ses conversations et exigé sa tête. Merci Prism :-) !
Seconde raison de se poser des questions. Bien avant que cette histoire n’éclate un ami m’avait confié qu’après avoir arrêté un trafiquant de drogue, le nouveau chef de notre service antidrogues (le Commissaire Keita) s’était vu proposé de reconduire le même deal que le trafiquant de drogues avait avec son prédécesseur. Quel deal donc? interrogea le commissaire alléché Vous me confiez toute drogue que vous saisissez et je la revends pour votre compte ! Lui fut-il répondu. Le commissaire stupéfait écrivit vertueusement un rapport retranscrivant ce dialogue et le transmit à qui de droit. Maintenant, il faut savoir que le prédécesseur en question (le Commissaire Niang) était entre temps devenu Directeur Général de la Police Nationale ! Que se passa-t-il donc ? Le vertueux commissaire Keita se fit relever de ses fonctions et on essaya de faire passer toute cette histoire pour un règlement de comptes entre flics. Sauf
que la presse a eu vent de l’affaire et qu’apparemment Interpol et les services US s’intéressent à notre DGPN.Au total, nous avons deux cas de personnes très proches du cœur du pouvoir sur lesquels des soupçons de narcotrafic se portent.
J’ai tendance à penser qu’un cas isolé peut être ignoré mais que quand il y en a deux, ça devient suspect. Certaines questions se posent. Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de procédure judiciaire dans le cas ABC ? Pourquoi la première réaction de notre gouvernement a-t-elle été d’essayer d’étouffer toute cette histoire ? Y a-t-il de vraies enquêtes de moralité avant que notre Président de la République ne nomme ministre et hauts fonctionnaires ou bien le fait-il au gré de ses humeurs ? Et enfin, le Sénégal est-il -et jusqu’à quel point- gangrené par des réseaux trafics de drogue qui seraient nichés au cœur du pouvoir ? Si ces questions ne sont pas franchement posées et si une réponse claire n’est pas apportée à chacune d’elles, il sera logique de penser que nous sommes un narco-état à l’instar de la Gambie et de la Guinée Bissau… auquel cas, le commissaire Keita (et dans une moindre mesure l’auteur
de ce post) pourrait bien être victime d’un accident pas très accidentel.....
Repris du blog de Mouhamadou El Hady Ba
Philosophe