La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains vient de rompre l’habitude parlementaire qui consistait à bannir, systématiquement, les projets de loi. Oui, notre Assemblée nationale perpétue une tradition bien sénégalaise, à savoir une Opposition parlementaire réfractaire. Ainsi, la situation en cours rentre bien dans cette logique soumettant le jeu des institutions de la République au goût des enjeux des partis politiques.
Dans cet ordre d’idées, il nous revient de mettre le focus sur les impasses politiques et les issues juridiques du projet de loi portant révision de la Constitution à l’effet de mieux apprécier la portée de son rejet en Commission. En d’autres termes, l’alternative, c’est de NEGOCIER ou de RETIRER.
I/ Les impasses politiques
Les impasses dont il s’agit sont aux couleurs de la réalité politique sénégalaise. C’est ainsi qu’en décidant de poursuivre la procédure législative en question, notre Gouvernement se livre sans contexte à la vindicte parlementaire. Ce serait sans doute l’occasion pour les députés du Groupe parlementaire Benno bokk Yakaar d’exposer des sujets inconfortables pour les Ministres appelés à représenter le Gouvernement (le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux et le Ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les Institutions).
Au menu des discussions générales, des interpellations porteront inévitablement sur des points sans connexion aucune avec le projet de loi inscrit à l’ordre du jour.
En outre, et c’est la préoccupation nodale de la plénière fixée le lundi 02 septembre 2024, le Gouvernement devra résoudre l’équation d’adoption du projet de texte. Déjà, le rejet en Commission est une alerte à prendre au sérieux, d’autant plus que les deux camps font l’apologie du statu quo sur l’appartenance politique. En l’absence d’une intelligence politique entre les deux états-majors politiques, le passage du projet de loi pourrait être compromis.
Au Sénégal, la gestion des institutions politiques souffre, en permanence, de certains paradoxes. Souvent, nous cherchons à trouver des solutions juridiques formelles à des problèmes politiques pratiques. Parfois, nous nous efforçons de négocier des solutions juridiques en faveur de nos choix politiques. A notre avis, aucune de ces occurrences ne convient au cas d’espèce.
De sorte, il est important de transcender les paradoxes pour trouver des issues juridiques au projet de loi portant révision de la Constitution aux fins de suppression du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Par ailleurs, il est nécessaire de considérer que tout député a le droit d’assister aux séances des commissions et de participer à leurs débats. Mais, seuls les membres de la commission ou leurs suppléants ont le droit de participer aux votes. C’est pourquoi les 16 voix « contre » et les 14 voix « pour » réunies reflètent exactement la composition de la Commission, soit 30 membres.
Aussi importe-t-il de noter que le rejet du projet de révision de la Constitution par la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains n’a qu’une valeur platonique (de pure forme, sans effet pratique).
La Commission n’est qu’un bras technique de l’Assemblée nationale. Ses rapports visent simplement à éclairer l’Assemblée plénière qui conserve la souveraineté des délibérations. Il ressort des dispositions de l’article 74 du règlement intérieur que « les affaires, propositions et projets de loi sont soumis à une seule délibération en séance plénière, sous réserve des dispositions de l’article 81 [relatives à la seconde délibération] ».
II/ Les issues juridiques
A défaut d’une solution politique, le Gouvernement a la liberté de trouver des issues juridiques au projet de révision de la Constitution.
D’une part, le Gouvernement peut offrir à la majorité parlementaire le luxe d’imposer au Gouvernement sa loi aussi bien dans les débats que lors du vote. Sur ce terrain, les gains politiques seraient quasi-nuls pour les deux parties au regard de l’état d’esprit des Sénégalais assoiffés des fruits de leurs épiques batailles politiques (alternance en 2000, alternative en 2012 et rupture en 2024).
D’autre part, le Gouvernement peut prendre l’initiative de retirer le projet de texte.
A la suite de la lecture du rapport de la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains, le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, serait fondé à demander le retrait du projet de loi portant révision de la Constitution ; ce fut, in extremis, le scénario joué le 23 juin 2011). Sur ces entrefaites, le Président de l’Assemblée nationale en tiendra informé les Députés. Il s’ensuivra donc la clôture de à la Session extraordinaire.
Le rejet d’un projet de révision de la Constitution en Commission est exceptionnel. Habituellement, la complicité entre l’Exécutif et le Législatif permet d’éviter un tel éclat. Nous avons été présent quand la même Commission demandait à l’Exécutif de retirer, avant examen, le projet de loi uniforme n° 2004-09 du 6 février 2004 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. En effet, lorsque les opérations mettent en évidence des faits susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment de capitaux, la Cellule nationale de Traitement des Informations financières (CENTIF) transmet un rapport sur ces faits au Procureur de la République (PR), « qui saisit immédiatement le juge d’instruction ». Selon le Gouvernement d’alors, cette obligation faite au PR porte atteinte à l’opportunité des poursuites consacrée par le Code pénal. Après avoir auditionné Ngouda Fall Kane, Président de la CENTIF, les membres de la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains ont contraint l’Exécutif à l’abandon du projet de loi initié à cet effet.
Plus récemment, en juillet 2023, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice écrit au Président de l’Assemblée nationale : « Je vous adresse cette correspondance ayant pour objet de retirer les modifications prévues à l’article 87 de la Constitution ». La modification de cette disposition donnerait au président de la République le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale sans délai, après avoir recueilli les avis de son président et du Premier Ministre.
Nous sommes tenté également de rappeler à notre mémoire la proposition de loi de l’honorable Député Tafsir Thioye sur le drapeau national. Dans l’exposé des motifs, il préconise que le drapeau national et ses symboles, la maîtrise de leur sens et leur appropriation constituent un devoir pour tout bon citoyen. Dans le dispositif, la proposition de loi interdit aussi formellement de brûler ou de déchirer le drapeau national, sous peine de sanctions. Malgré son enrôlement, le texte est soudainement rangé dans les placards parlementaires.
Tout aussi, le Président de la République pourrait adresser au Président de l’Assemblée nationale une correspondance pour l’informer de sa décision de retirer purement et simplement le projet de loi portant révision de la Constitution. Cette hypothèse ouvrirait la voie à la dissolution apaisée de l’Assemblée nationale en mi-septembre.
Quelles en seront les conséquences sur l’examen du projet de loi des finances 2025 et l’agenda des élections législatives anticipées ? Notre droit compte à son actif des solutions (à suivre).
Thiès, le 1er septembre 2024
Dans cet ordre d’idées, il nous revient de mettre le focus sur les impasses politiques et les issues juridiques du projet de loi portant révision de la Constitution à l’effet de mieux apprécier la portée de son rejet en Commission. En d’autres termes, l’alternative, c’est de NEGOCIER ou de RETIRER.
I/ Les impasses politiques
Les impasses dont il s’agit sont aux couleurs de la réalité politique sénégalaise. C’est ainsi qu’en décidant de poursuivre la procédure législative en question, notre Gouvernement se livre sans contexte à la vindicte parlementaire. Ce serait sans doute l’occasion pour les députés du Groupe parlementaire Benno bokk Yakaar d’exposer des sujets inconfortables pour les Ministres appelés à représenter le Gouvernement (le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux et le Ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les Institutions).
Au menu des discussions générales, des interpellations porteront inévitablement sur des points sans connexion aucune avec le projet de loi inscrit à l’ordre du jour.
En outre, et c’est la préoccupation nodale de la plénière fixée le lundi 02 septembre 2024, le Gouvernement devra résoudre l’équation d’adoption du projet de texte. Déjà, le rejet en Commission est une alerte à prendre au sérieux, d’autant plus que les deux camps font l’apologie du statu quo sur l’appartenance politique. En l’absence d’une intelligence politique entre les deux états-majors politiques, le passage du projet de loi pourrait être compromis.
Au Sénégal, la gestion des institutions politiques souffre, en permanence, de certains paradoxes. Souvent, nous cherchons à trouver des solutions juridiques formelles à des problèmes politiques pratiques. Parfois, nous nous efforçons de négocier des solutions juridiques en faveur de nos choix politiques. A notre avis, aucune de ces occurrences ne convient au cas d’espèce.
De sorte, il est important de transcender les paradoxes pour trouver des issues juridiques au projet de loi portant révision de la Constitution aux fins de suppression du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Par ailleurs, il est nécessaire de considérer que tout député a le droit d’assister aux séances des commissions et de participer à leurs débats. Mais, seuls les membres de la commission ou leurs suppléants ont le droit de participer aux votes. C’est pourquoi les 16 voix « contre » et les 14 voix « pour » réunies reflètent exactement la composition de la Commission, soit 30 membres.
Aussi importe-t-il de noter que le rejet du projet de révision de la Constitution par la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains n’a qu’une valeur platonique (de pure forme, sans effet pratique).
La Commission n’est qu’un bras technique de l’Assemblée nationale. Ses rapports visent simplement à éclairer l’Assemblée plénière qui conserve la souveraineté des délibérations. Il ressort des dispositions de l’article 74 du règlement intérieur que « les affaires, propositions et projets de loi sont soumis à une seule délibération en séance plénière, sous réserve des dispositions de l’article 81 [relatives à la seconde délibération] ».
II/ Les issues juridiques
A défaut d’une solution politique, le Gouvernement a la liberté de trouver des issues juridiques au projet de révision de la Constitution.
D’une part, le Gouvernement peut offrir à la majorité parlementaire le luxe d’imposer au Gouvernement sa loi aussi bien dans les débats que lors du vote. Sur ce terrain, les gains politiques seraient quasi-nuls pour les deux parties au regard de l’état d’esprit des Sénégalais assoiffés des fruits de leurs épiques batailles politiques (alternance en 2000, alternative en 2012 et rupture en 2024).
D’autre part, le Gouvernement peut prendre l’initiative de retirer le projet de texte.
A la suite de la lecture du rapport de la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains, le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, serait fondé à demander le retrait du projet de loi portant révision de la Constitution ; ce fut, in extremis, le scénario joué le 23 juin 2011). Sur ces entrefaites, le Président de l’Assemblée nationale en tiendra informé les Députés. Il s’ensuivra donc la clôture de à la Session extraordinaire.
Le rejet d’un projet de révision de la Constitution en Commission est exceptionnel. Habituellement, la complicité entre l’Exécutif et le Législatif permet d’éviter un tel éclat. Nous avons été présent quand la même Commission demandait à l’Exécutif de retirer, avant examen, le projet de loi uniforme n° 2004-09 du 6 février 2004 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. En effet, lorsque les opérations mettent en évidence des faits susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment de capitaux, la Cellule nationale de Traitement des Informations financières (CENTIF) transmet un rapport sur ces faits au Procureur de la République (PR), « qui saisit immédiatement le juge d’instruction ». Selon le Gouvernement d’alors, cette obligation faite au PR porte atteinte à l’opportunité des poursuites consacrée par le Code pénal. Après avoir auditionné Ngouda Fall Kane, Président de la CENTIF, les membres de la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains ont contraint l’Exécutif à l’abandon du projet de loi initié à cet effet.
Plus récemment, en juillet 2023, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice écrit au Président de l’Assemblée nationale : « Je vous adresse cette correspondance ayant pour objet de retirer les modifications prévues à l’article 87 de la Constitution ». La modification de cette disposition donnerait au président de la République le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale sans délai, après avoir recueilli les avis de son président et du Premier Ministre.
Nous sommes tenté également de rappeler à notre mémoire la proposition de loi de l’honorable Député Tafsir Thioye sur le drapeau national. Dans l’exposé des motifs, il préconise que le drapeau national et ses symboles, la maîtrise de leur sens et leur appropriation constituent un devoir pour tout bon citoyen. Dans le dispositif, la proposition de loi interdit aussi formellement de brûler ou de déchirer le drapeau national, sous peine de sanctions. Malgré son enrôlement, le texte est soudainement rangé dans les placards parlementaires.
Tout aussi, le Président de la République pourrait adresser au Président de l’Assemblée nationale une correspondance pour l’informer de sa décision de retirer purement et simplement le projet de loi portant révision de la Constitution. Cette hypothèse ouvrirait la voie à la dissolution apaisée de l’Assemblée nationale en mi-septembre.
Quelles en seront les conséquences sur l’examen du projet de loi des finances 2025 et l’agenda des élections législatives anticipées ? Notre droit compte à son actif des solutions (à suivre).
Thiès, le 1er septembre 2024
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