Le sabbat des faux imams






Selon le Petit Larousse, le mot sabbat désigne ’une prétendue assemblée cérémonielle de sorciers marquée par le culte rendu au diable’ ; une autre définition donnée par le Larousse Expression en fait ‘une assemblée nocturne de sorciers et de sorcières qui, suivant la tradition populaire, se tenait sous la présidence de Satan’. Encore une fois, fidèle à sa devise : ‘Le président, notre raison d'être’, la télévision libérale nous a servi le mercredi 23 juin une cérémonie indigne d'une démocratie laïque, mais digne d'une cérémonie de sabbat. Ceux qui s'étonnaient du silence honteux de l'association des imams et oulémas lors du débat sur le monument de la renaissance sont maintenant édifiés ; une vérité dans l'orthodoxie musulmane est que celui qui se tait devant la vérité est un Satan muet, mais une condamnation de ces horribles statues aurait compromis à jamais cette audience de la honte.

‘Pour une poignée de dollars’, une meute d'aventuriers qui se font appeler pompeusement imams et oulémas, ont donné une image très négative de la religion musulmane en vendant leurs âmes au diable. On se souvient que les imams de Guédiawaye avaient, en son temps, fait l'objet d'attaques perfides et injustes de la part du chef de file de ces ‘oulémas’ qui, pourtant, devrait être le dernier à donner des leçons de vertu. Le bonhomme, sans doute le plus vieux transhumant du Sénégal (il a commencé à militer chez les étudiants arabes du Mjups), s'est distingué lors de la précampagne de l'élection présidentielle de 1993 en faveur du candidat du Ps. On se rappelle ses tournées dans les capitales régionales pour animer des conférences sur le thème invariable ‘Islam et politique ’ visant à défendre son candidat et pourfendre tous ses adversaires.

Le Pr Iba Der Thiam ne me démentira pas, lui qui a été la cible privilégiée de ce transhumant ingrat et particulièrement querelleur, surtout quand celui-là avait suggéré qu'on fît du Magal de Touba une journée fériée. Sa conférence de Dakar, tenue à la Maison du Parti socialiste, fut terriblement houleuse. On se rappelle son mot de la fin, quand il lança, dépité au représentant du président Diouf, ancien ministre de l'Intérieur, aujourd'hui grand transhumant : ‘Allez dire au président qu'il peut dormir tranquille, il a déjà gagné’. Aujourd'hui, tout ce vilain monde a tourné casaque. Quel pays ! Je ne parlerai pas du scandale dont a fait état un hebdomadaire de la place il y a quelques années quand les douaniers de l'aéroport avaient pris ce grand imam (…). Comment s'est-il tiré de ce guêpier ? Yalla rekka xam pour emprunter une de ses formules favorites.

En voulant justifier sa démarche le jour de l'audience, il a fait référence au verset 59 de la sourate IV, Les Femmes : ‘O les croyants ! Obéissez à Allah, et obéissez au Messager et à ceux d'entre vous qui détiennent le pouvoir.’ Ce verset est le prétexte tout trouvé par tous les soi-disant marabouts fourbes pour justifier leur allégeance au pouvoir en place. Heureusement que beaucoup d'interprétations en ont été faites par les vrais oulémas pour éclairer la lanterne des fidèles. Dans ‘le Saint Coran et la traduction en langue française du sens de ses versets’, l'auteur nous dit : ‘Ceux qui détiennent le pouvoir sont les oulémas et les chefs. L'obéissance est due à ces derniers uniquement lorsqu'ils ordonnent le bien, et se conforment au principe : ‘Point d'obéissance à qui ordonne de désobéir au Créateur.’ Abul A'la Maudidi dans son exégèse du Coran : ‘The Meaning of the Quran’ (La signification du Coran) Volume I (Islamic Publications, Lahore) écrit : ‘Ce verset est la base de tout le système religieux, culturel et politique d'un Etat islamique. Les principes fondamentaux suivants ont de tout temps été reconnus:
a) dans le système islamique, on ne doit obéissance qu'à Allah qui est le seul détenteur de l'autorité.
b) Le second principe fondamental du système islamique est l'allégeance et l'obéissance au Saint Prophète (Psl)
c) Après les deux premiers, les musulmans doivent allégeance à ceux qui sont investis de l'autorité ; cette expression a un sens exhaustif : elle comprend tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, s'occupent des affaires des musulmans, érudits, leaders politiques, administrateurs etc. pourvu qu'ils obéissent eux-mêmes à Allah et à son Messager.’

Quelles sont les qualités qu'on attend du chef à qui le verset 59 fait référence ? Selon Abou Hourayra (Ra), le Messager de Dieu (Psl) a dit : ‘Sept personnes seront abritées par Dieu sous Son ombre le jour où il n'y aura d'autre ombre que la Sienne; la première d'entre elles est un dirigeant équitable...’ (Suivent six autres catégories de personnes que nous ne mentionnerons pas pour des considérations d'espace). Le dirigeant équitable, c'est celui qui met tous les groupes de citoyens sur un pied d'égalité, qui ne prend pas de parti-pris en cas de concurrence, qui ne favorise pas un groupe au détriment d'un autre en s'investissant personnellement, bref un dirigeant qui fait du ‘yamalé’ ; c'est aussi celui qui respecte tous les adeptes des autres religions ; le Prophète (Psl) n'a jamais eu de mots déplacés à l'endroit des juifs et des chrétiens de Médine, il a même permis à une délégation de chrétiens de Najraan de célébrer la messe dans sa mosquée.

Le dirigeant auquel le musulman doit obéissance, Monsieur le grand imam, n'est pas celui qui fait la promotion du riba (usure), qui érige des statues à coups de milliards, qui dit sciemment des choses contraires à la vérité, qui gaspille l'argent des contribuables et qui ouvre et ferme les prisons à sa guise. Soit nos dignes imams ignorent ces considérations religieuses, alors, ce sont des ignorants et ils ne méritent pas le titre d'ulémas, soit ils les connaissent, auquel cas ils sont des hypocrites ; il est même plus probable qu'ils soient les deux à la fois. Un internaute a même suggéré de cibler les mosquées où ces gens-là officient et de les fuir comme la peste ; il n'a pas tort...

Il est illusoire, à moins qu'on ne veuille faire un effet d'annonce, de croire qu'un groupe d'imams décrédibilisés peuvent faire gagner des élections ; même les anciens lutteurs sont entrés dans l'arène. Après, ce sera le tour des anciens jockeys qui céderont la place aux anciens régatiers, etc. Mais le peuple souverain n'a pas encore dit son dernier mot.


Yatma DIEYE Professeur d'anglais, Rufisque

Mardi 29 Juin 2010 17:58


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