Le ton du dialogue



Dans les prochains jours ou semaines, le Chef de l’Etat devrait rencontrer les leaders de la classe politique pour un dialogue national. Nous ne pouvons que saluer cette initiative républicaine. Des acteurs qui partagent un même espace et un destin national commun ne peuvent manquer de d’échanger, dans le respect des divergences, au risque de plonger dans le chaos, à l’instar des nombreux exemples que nous connaissons en Afrique et dans le monde. Adversité et compétition ne doivent point signifier haine et inimitié. L’arbre à palabres, ancêtre de la démocratie, est une donnée historique chez nous. Les succès enregistrés par la diplomatie sénégalaise en Mauritanie et ailleurs peuvent valablement se réaliser en interne. Ils auraient ainsi plus d’éclat et de sincérité.

Il y a deux mois, juste après les élections locales, nous appelions de toux nos vœux, dans ces mêmes colonnes, à une entente nationale dans une chronique intitulée : « Le «Benno» et le «And» du G20 pour un «Sopi» mondial ». En voici quelques extraits : « L’expression est lâchée : rassemblement. Rien de moins ! Au Sénégal, toutes proportions gardées et devant les nombreux défis qui nous assaillent, c’est ce qui nous fait cruellement défaut ! (…) Tourner la page des élections, s’impose mais à commencer par le président de la République, la clé de voûte des institutions pour ne pas dire le maître du jeu habitué à déplacer constamment des pions sur l’échiquier politique. Ces postures ludiques deviennent à la longue caduques. Quant à l’opposition, l’oreille citoyenne lui dit de cesser de jouer sur le tempo suranné et peu agréable du fichier électoral. Les dernières consultations du 22 mars ont su démontrer que le contentieux électoral est plus virtuel que réel. Le seul contentieux qui vaille est celui du management des affaires publiques. Tout le reste n’est que dérision et supputation.

La crise actuelle appelle à la mobilité des lignes rigides entre la traditionnelle gouvernance solitaire et l’opposition de dénonciation stérile. Le message électoral pourrait s’imaginer ainsi qu’il suit : trêve de chicaneries, unissez-vous (Benno) et cheminez ensemble (And) pour changer les choses (Sopi). Nous passerions de l’état brut des slogans de campagne au stade de la réalité palpable pour le bien-être et l’épanouissement des Sénégalais. Les lignes sont appelées à évoluer sensiblement au bénéfice de tous. Ce qui est urgent, c’est de réfléchir sur un consensus dynamique et non monolithique pour sortir du creux de la vague et débloquer notre Etat-Nation, bloqué par des querelles de bas étage. C’est à cette condition seulement que la locomotive qu’est la classe politique dirigeante pourra conduire la nation à bonne destination (…)»

Malheureusement, il a fallu le décès de la belle-fille et de la sœur du Président comme déclic pour le renouage des fils rompus du dialogue. Ces occasions ont servi de taire quelques rancoeurs pour se retrouver autour d’un essentiel. Il faut noter avec fierté la réponse positive de principe de l’opposition à la main tendue présidentielle. Cependant il reste à préciser d’un commun accord les contours de ce « nouveau départ » afin de ne pas en faire un fourre-tout inopérationnel.

A notre avis les partis doivent s’engager au moins sur les points suivants :

- Le respect scrupuleux de la Constitution, des lois et règlements en vigueur. Il n’est plus question de tripatouiller la charte fondamentale à des fins bassement politiciennes. Un consensus fort doit être obtenu sur la transparence du processus électoral du début jusqu’à la fin.

Il est nécessaire également de renoncer à la création unilatérale du poste de vice-président, objet de polémiques.

- Le respect scrupuleux de la séparation des pouvoirs. Indépendance de la justice et recrédibilisation du Parlement.

- Le respecter tous les droits et libertés et mettre fin à l’impunité sous toutes ses formes.

- La réduction drastique du train de vie de l’Etat par des économies budgétaires afin de mieux faire face à la crise économique et sociale.

- La préparation d’une campagne agricole digne de ce nom en tenant compte des propositions issues des assises nationales.

-Une entente sur la gestion collégiale de l’assainissement des quartiers notamment ceux qui sont inondés. Il faut mettre fin à la vile querelle de compétences entre l’Etat et les collectivités locales.

-La promotion des valeurs d’éthique et de patriotisme.

-L’Instauration de la confiance et réduction de la méfiance et de la défiance réciproques.

Les protagonistes de ce débat national doivent faire des concessions et ne pas camper sur des positions claniques afin de faire avancer ce pays qui souffre d’un déficit d’engagement à son égard. Sans se compromettre l’opposition peut aider à la marche du pays, et le gouvernement, aussi, sans perdre la face. Une approche constructiviste est possible si les intentions proclamées sont sincères et dépourvues de toute manœuvre sordide

La classe politique sénégalaise n’a plus le droit à l’erreur, après le rappel à l’ordre collectif du 22 mars. Un nouvel ordre politique national est devenu plus qu’urgent. Le temps du dialogue a sonné. Le ton est donné. Evitons d’en faire un simple tube d’été !

Abdoulaye SYLLA
syllaye@gmail.com

Abdoulaye SYLLA

Mardi 16 Juin 2009 12:36


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