En vertu des dispositions de l’article LO.183, alinéa 1er du code électoral, « au plus tard soixante jours avant le scrutin, le Ministre chargé des élections arrête et publie les déclarations reçues, modifiées éventuellement, compte tenu des dispositions des articles L.179 et L.182 ».
Il apparaît qu’au terme du délai de deux (2) jours fixé à l’article L.179, le Ministre ne saurait déclarer une liste irrecevable pour l’un des motifs énumérés à l’article L.178. En effet, L.179, alinéa 3 dispose que « dans le cas où, pour l’un des motifs énumérés à l’article L.178, le Ministre chargé des élections estime qu’une liste n’est pas recevable, il notifie, par écrit, les motifs de sa décision au mandataire de ladite liste dans les deux premiers jours suivant le début de l’analyse pour la recevabilité juridique ».
L’appréciation judicieuse de l’objet et de la nature de l’arrêté réclame qu’il se borne à publier les déclarations reçues. Il ne peut porter ni sur le rejet ni l’invalidation de candidature. En conséquence, l’article premier de l’arrêté doit être annulé.
Il y a lieu de préciser que l’arrêté portant publication des listes de candidatures doit intégrer les cas de remplacement de candidats inéligibles (L.179 et LO.182) ainsi que les décisions prises par le Conseil constitutionnel statuant sur la recevabilité des listes de candidatures comme la décision n°8/E/2022 par laquelle le Conseil a autorisé le retrait et la substitution de candidat de la liste Yewwi Askan wi au scrutin majoritaire départemental de Dakar.
C’est dire que l’arrêté ne doit pas tenir compte des constats faits par les mandataires au terme du délai prévu à L.179, dans le cadre de l’exercice de leur droit de vérification des listes de candidatures et des pièces qui les accompagnent que leur confère l’article L.177. Toutefois, il leur est permis de se pourvoir devant le Conseil constitutionnel contre l’arrêté du Ministre de l’Intérieur dans le respect des formes et délais prescrits par la loi, notamment l’article LO.184.
Ainsi il revient au Conseil de traiter des contentieux soulevés relativement à la conformité des listes de parrainages et la validité des listes de Benno Bokk Yaakaar de même que la régularisation du cas d’inéligibilité d’un candidat de Yewwi Askan Wi.
Dans un avis publié récemment, nous avions bien rappelé la différenciation à faire entre l’inéligibilité et l’irrecevabilité. L’inéligibilité étant une situation qui empêche une personne d’être investie sur les listes de candidatures concerne la personne et ne saurait rendre une liste irrecevable tel que l’indique L.179, alinéa 2. Les motifs d’irrecevabilité sont énumérés à l’article L.178 du code électoral. Or l’inéligibilité d’un candidat est traitée selon les trois (3) périodes où elle est constatée (L.179, LO.182 et LO.185).
En tout état de cause, il est pourvu jusqu’à la veille du scrutin au remplacement de candidat en cas d’inéligibilité ou de décès.
Au surplus, l’article L.173, dispose en son dernier alinéa : « Pour le scrutin proportionnel, les listes présentées doivent être complètes. Une même personne ne peut être candidate à la fois au scrutin majoritaire et au scrutin proportionnel ni se présenter dans plusieurs départements ».
Il en résulte donc clairement que le code électoral ne considère nullement le cas où une même personne figure sur une liste, à la fois, comme candidat titulaire et candidat suppléant. Par conséquent, cela ne rend pas la liste incomplète et dès lors en cas d’erreur sur la déclaration complémentaire, le mandataire doit pouvoir faire à nouveau la régularisation qui s’impose dès lors que le code électoral ne limite pas le nombre de régularisation autorisée contrairement l’article R.76 alinéa 7 concernant le parrainage.
Il va de soi qu’à titre subsidiaire, le traitement de ce cas de doublon non prévu par le code électoral, devrait logiquement favoriser la validation de la liste des titulaires qui en principe est examinée en premier lieu.
Aussi la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 1 E/2022) fonde l’appréciation du caractère complet ou incomplet d’une liste au moment du dépôt des candidatures.
En définitive, le raisonnement du juge constitutionnel sénégalais (voir décision n°8/E/2022), tendant à interpréter les ambiguïtés juridiques en faveur, et non à l’encontre des droits fondamentaux protégés par la Constitution et les engagements internationaux qui font partie intégrale du bloc constitutionnel, notamment le droit des partis politiques et des coalitions de partis politiques de concourir à l’expression des suffrages, fonde notre espoir de voir les listes rétablies.
Ndiaga SYLLA, Expert électoral
Président du Dialogue Citoyen