Les causes de la hausse des dépenses d’électricité des ménages (Par Mamadou Thiombane)



Depuis un certain temps, les ménages sénégalais font face à une hausse extraordinaire de leurs dépenses en électricité. Ils se rendent compte qu’ils paient beaucoup plus chers qu’avant. Pourtant la Sénélec et le Gouvernement démentent toute révision récente des tarifs.

Qu’en est il ?

Par décision N° 2022-54, La Commission de Régulation du Secteur de l’Énergie (CRSE) approuvait une nouvelle grille tarifaire de la Sénélec, applicable à compter du 1er janvier 2023. Cette nouvelle grille consacrait pour l’« Usage Domestique Petite Puissance » :
- une augmentation de 24 FCFA par kWh sur la deuxième tranche 
- une augmentation de plus de 34 FCFA par kWh sur la troisième tranche de consommation. 
- l’introduction d’une troisième tranche pour les clients Woyofal, avec sa soumission dorénavant à la TVA.

Pourquoi cela n’est ressenti que maintenant ?

L’augmentation, intervenue en janvier, coïncidait avec le froid donc en période de basse consommation. Nombre de ménages (plus d’1.150.000 familles), durant cette période, ne consommaient pas au-delà de la première tranche (de 0 à 150Kwh) dans le mois donc n’atteignaient pas les tranches concernées par la hausse, donc ne la ressentaient pas.
 
Avec la période de chaleur, presque tous les ménages consomment au-delà de 150Kwh dans le mois et se retrouvent dans les tranches ayant fait l’objet d’une augmentation de tarif et d’une taxation nouvelle. Ce qui explique le doublement (au moins) de la facture en quelques mois et une différence notable d’avec les factures à la même période de l’année passée. 

En somme, le gouvernement a pris des décisions de hausse en janvier tout en sachant que les effets ne se feront sentir par les couches vulnérables que 7 à 8 mois après.

Les causes de cette hausse de l’énergie:

Cette décision de hausse fait suite à des injonctions de certains bailleurs de fonds notamment le FMI, pour qui, le niveau de subvention à l’énergie était insupportable par les finances de l’État. Ainsi pour un décaissement de fonds, dont avait grandement besoin l’État, le FMI avait posé, parmi les conditionnalités , la diminution conséquente de la subvention à l’énergie, à défaut d’une suppression pure et simple.

Effectivement, les coûts de production d’électricité au Sénégal sont tellement élevés que l’État est obligé de subventionner pour maintenir les tarifs à un niveau accessible pour les usagers. En 2022, cette subvention s’était établie à 266 milliards. 
Face à l’accroissement de ces charges d’exploitation, la décision a été alors prise de faire supporter dorénavant une grande partie de cette subvention par les usagers.

Analyse de la situation:

Toute la communication du gouvernement sur cette affaire est orientée sur qui doit supporter une partie des coûts de revient de la production de l’électricité (entre l’État, la classe moyenne et aisée…). la possibilité d’une rationalisation de ces coûts, pour réduire éventuellement le niveau de subvention, n’est pas sérieusement traitée. 
 
En vérité, si les coûts de production ont considérablement augmenté, cela n’est pas seulement dû à des facteurs exogènes, notamment le renchérissement du baril du pétrole au niveau mondial. La mal gouvernance du secteur de l’électricité occasionne des surcoûts superflus que l’on met aujourd’hui sur le dos des usagers consommateurs.
 
Le circuit de commande de la principale matière première, qu’est le pétrole,  n’est pas rigoureusement organisé de sorte à avoir les meilleurs prix du marché. Certains contrats opaques avec des producteurs privés participent à alourdir les coûts de revient du KW : l’histoire du bateau dénommé « Aysegul Sultan » est assez illustrative. La gestion de la Société Nationale en charge exclusivement de la distribution de l’électricité avec des recrutements massifs et toutes les tares observées dans ce climat généralisé de prévarication des ressources est aussi pour beaucoup dans ces charges mirobolantes. 

En sus, les investissements massifs de ces derniers temps dans le mix énergétique (éolienne et solaire), sils avaient produits les résultats annoncés (35% de la production), devaient faire baisser les coûts et permettre d’être moins exposés aux chocs liés aux fluctuations du baril du pétrole.

En conclusion:

Si en cette période de canicule, les Sénégalais paient plus chère l’électricité, c’est parce que une augmentation des tarifs et une taxation supplémentaire sont intervenues en janvier 2023 et ont été orchestrées de sorte que les effets ne se ressentent que maintenant. 

Si cette augmentation pour les ménages est justifiée par un besoin de réduire la subvention qui devenait insupportable, il faut préciser que cette diminution pouvait se faire par une meilleure maitrise des coûts d’exploitation de la Société nationale avec une meilleure gouvernance. La politique politicienne et la délinquance financière dans le secteur de l’électricité occasionnent des charges que l’on fait supporter aujourd’hui aux pauvres sénégalais.

Par Mamadou Thiombane

AYOBA FAYE

Mardi 17 Octobre 2023 19:50


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