Dieynaba Tall, énième victime ou la victime de trop, en tout cas, cette affaire fait couler beaucoup d’encre et de salive ces derniers jours. Une femme victime de violences conjugales et qui se retrouve condamnée pour collecte de données à caractère personnel. À ce qu’il parait, elle aurait filmé son mari en tenue d’Eve. Une histoire qui en dit long et qui remet sur la table la lancinante question de la violence conjugale au Sénégal. En effet, ce phénomène constitue un problème général, une réalité dans tous les pays du monde. Cependant, les formes sont spécifiques au contexte socioculturel.
Dans notre pays, les violences conjugales sont exacerbées par les facteurs suivants : les inégalités de genre, les traditions ou les normes sociales. Souvent, beaucoup de personnes se limitent à l’aspect physique lorsqu’on parle de violences conjugales, alors qu’elle n’en est qu’un aspect. Ces types de violences sont souvent d’ordre sexuel, psychologique, émotionnel, économique, etc.
En effet, notre pays est connu pour ses normes patriarcales profondément enracinées où l’homme joue le rôle de chef de famille et la femme une soumise à son autorité. Ce qui peut très souvent légitimer ou normaliser cette violence comme un moyen d’imposer son autorité et d’exercer un moyen de contrôle sur la femme. D’ailleurs, dans certaines traditions, les inégalités de genre sont toujours d’actualité à travers le mariage forcé ou précoce, ce qui expose certaines femmes ou jeunes filles à des relations déséquilibrées marquées par une certaine violence. Selon des données de l’UNICEF de 2020, environ 31 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. Les mariages précoces augmentent la vulnérabilité des jeunes filles aux violences conjugales, car elles ont moins de pouvoir de décision et sont souvent dépendantes financièrement et émotionnellement de leur mari.
Il y va de même pour le mariage polygame où beaucoup d’hommes ne respectent pas les recommandations de la religion. Le sentiment de domination masculine pousse souvent certains à des comportements violents. Elles sont nombreuses, ces femmes qui souffrent en silence pour garder ou garantir cet « honneur familial » par crainte de subir une certaine stigmatisation sociale. Malheureusement, la culture du silence autour de ce phénomène est une réalité, disons même un fardeau qui pèse sur le dos de ces victimes fragilisées par des contre-valeurs. Cette situation se présente comme un goulot d’étranglement de nos sociétés traditionnalistes. Autres facteurs de ces violences, il s’agit des inégalités économiques. En effet, la dépendance financière des femmes vis-à-vis de leurs époux constitue une contrainte majeure et limite leur capacité à faire face à ces situations. Il est aujourd’hui très difficile d’obtenir des chiffres concernant ce phénomène à cause du faible taux de signalement des victimes. En 2019, une enquête démographique et de santé menée par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) a révélé qu’environ 25 % des femmes sénégalaises âgées de 15 à 49 ans ont déclaré avoir subi des violences physiques au moins une fois dans leur vie de la part de leur conjoint ou partenaire ; environ 12 % des femmes ont déclaré avoir subi des violences psychologiques dans le cadre de leur relation conjugale et environ 10 % des femmes déclarent qu’elles ont été victimes de violences sexuelles par leur conjoint ou partenaire intime.
Plus loin, un rapport de l’ONG Human Rights Watch de 2020 indique que seules 5 % des femmes victimes déclarent officiellement les abus à la police ou aux autorités compétentes. Ce qui est assez révélateur sur le silence autour de ce phénomène. Les plus vulnérables sont celles qui vivent en milieu rural en raison de l’isolement géographique, de l’accès limité à l’information et aux ressources, et de la forte imprégnation des normes patriarcales. L’ANSD indique que les violences sont plus fréquentes dans les zones rurales, avec un taux d’environ 30 %, contre 20 % dans les zones urbaines. Nonobstant les efforts du gouvernement, notamment l’adoption en 2017 d’une Stratégie nationale pour l’égalité de genre qui vise à combattre les violences faites aux femmes, y compris les violences conjugales, et la mise en place en 2020 de plusieurs centres de soutien dans les grandes villes comme Dakar, Thiès et Saint-Louis ; il y a toujours une certaine réticence notée chez les victimes. Actuellement, il serait opportun de renforcer la sensibilisation pour changer les perceptions et promouvoir l’égalité de genre.
Concernant la législation, le Sénégal dispose d’un cadre juridique général pour lutter contre les violences conjugales, mais il reste beaucoup à faire en termes de sensibilisation, de protection des victimes et de mise en œuvre des lois. L’adoption d’une loi spécifique sur les violences conjugales, ainsi que le renforcement des mécanismes de protection et de prise en charge, pourraient contribuer à une meilleure réponse à ce phénomène accru. En outre, pour une meilleure prise en compte de la lutte contre les violences conjugales, il faudrait une implication de l’ensemble des acteurs : autorités étatiques, religieuses, coutumières, la société civile, les populations en général. Cette implication facilitera la promotion de la culture de la non-violence et du respect des Droits des femmes.
Néné Jupiter NDIAYE
Journaliste/Sociologue
Dans notre pays, les violences conjugales sont exacerbées par les facteurs suivants : les inégalités de genre, les traditions ou les normes sociales. Souvent, beaucoup de personnes se limitent à l’aspect physique lorsqu’on parle de violences conjugales, alors qu’elle n’en est qu’un aspect. Ces types de violences sont souvent d’ordre sexuel, psychologique, émotionnel, économique, etc.
En effet, notre pays est connu pour ses normes patriarcales profondément enracinées où l’homme joue le rôle de chef de famille et la femme une soumise à son autorité. Ce qui peut très souvent légitimer ou normaliser cette violence comme un moyen d’imposer son autorité et d’exercer un moyen de contrôle sur la femme. D’ailleurs, dans certaines traditions, les inégalités de genre sont toujours d’actualité à travers le mariage forcé ou précoce, ce qui expose certaines femmes ou jeunes filles à des relations déséquilibrées marquées par une certaine violence. Selon des données de l’UNICEF de 2020, environ 31 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. Les mariages précoces augmentent la vulnérabilité des jeunes filles aux violences conjugales, car elles ont moins de pouvoir de décision et sont souvent dépendantes financièrement et émotionnellement de leur mari.
Il y va de même pour le mariage polygame où beaucoup d’hommes ne respectent pas les recommandations de la religion. Le sentiment de domination masculine pousse souvent certains à des comportements violents. Elles sont nombreuses, ces femmes qui souffrent en silence pour garder ou garantir cet « honneur familial » par crainte de subir une certaine stigmatisation sociale. Malheureusement, la culture du silence autour de ce phénomène est une réalité, disons même un fardeau qui pèse sur le dos de ces victimes fragilisées par des contre-valeurs. Cette situation se présente comme un goulot d’étranglement de nos sociétés traditionnalistes. Autres facteurs de ces violences, il s’agit des inégalités économiques. En effet, la dépendance financière des femmes vis-à-vis de leurs époux constitue une contrainte majeure et limite leur capacité à faire face à ces situations. Il est aujourd’hui très difficile d’obtenir des chiffres concernant ce phénomène à cause du faible taux de signalement des victimes. En 2019, une enquête démographique et de santé menée par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) a révélé qu’environ 25 % des femmes sénégalaises âgées de 15 à 49 ans ont déclaré avoir subi des violences physiques au moins une fois dans leur vie de la part de leur conjoint ou partenaire ; environ 12 % des femmes ont déclaré avoir subi des violences psychologiques dans le cadre de leur relation conjugale et environ 10 % des femmes déclarent qu’elles ont été victimes de violences sexuelles par leur conjoint ou partenaire intime.
Plus loin, un rapport de l’ONG Human Rights Watch de 2020 indique que seules 5 % des femmes victimes déclarent officiellement les abus à la police ou aux autorités compétentes. Ce qui est assez révélateur sur le silence autour de ce phénomène. Les plus vulnérables sont celles qui vivent en milieu rural en raison de l’isolement géographique, de l’accès limité à l’information et aux ressources, et de la forte imprégnation des normes patriarcales. L’ANSD indique que les violences sont plus fréquentes dans les zones rurales, avec un taux d’environ 30 %, contre 20 % dans les zones urbaines. Nonobstant les efforts du gouvernement, notamment l’adoption en 2017 d’une Stratégie nationale pour l’égalité de genre qui vise à combattre les violences faites aux femmes, y compris les violences conjugales, et la mise en place en 2020 de plusieurs centres de soutien dans les grandes villes comme Dakar, Thiès et Saint-Louis ; il y a toujours une certaine réticence notée chez les victimes. Actuellement, il serait opportun de renforcer la sensibilisation pour changer les perceptions et promouvoir l’égalité de genre.
Concernant la législation, le Sénégal dispose d’un cadre juridique général pour lutter contre les violences conjugales, mais il reste beaucoup à faire en termes de sensibilisation, de protection des victimes et de mise en œuvre des lois. L’adoption d’une loi spécifique sur les violences conjugales, ainsi que le renforcement des mécanismes de protection et de prise en charge, pourraient contribuer à une meilleure réponse à ce phénomène accru. En outre, pour une meilleure prise en compte de la lutte contre les violences conjugales, il faudrait une implication de l’ensemble des acteurs : autorités étatiques, religieuses, coutumières, la société civile, les populations en général. Cette implication facilitera la promotion de la culture de la non-violence et du respect des Droits des femmes.
Néné Jupiter NDIAYE
Journaliste/Sociologue
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