Sicap Liberté, le 13 août 2012
Cher Monsieur NIANG,
Je vous ai lu attentivement et j’ai toujours admiré en vous l’intégrité et la rigueur du raisonnement. Vous vous êtes confronté au régime de Wade avec courage et détermination, vous l’avez fait seul, que je sache, sans le soutien d’aucun Parti et avec vos propres moyens. Le régime de Wade était une abomination, mais cette abomination a une histoire, et Wade n’en était que le symptôme ! Pendant douze ans, il a dévalisé le Sénégal, en racontant au peuple, des inepties qui relevaient de la folie. Ce qu’il nous a fait, il l’a fait avec la complicité objective d’une opposition inexistante et d’un certain « Nombre de nos chefs religieux, qui ne croient plus qu’à l’argent et aux honneurs».
Wade n’était pas seul, il a perpétré ses crimes dans le silence complice de ses faux adversaires ! Il est de notoriété publique que le PS n’a pas fait campagne. Notre Secrétaire Général, Ousmane Tanor Dieng, avait pourtant cinq années devant lui pour ne pas réitérer la défaite de 2007. Mais, curieusement, deux jours après le début de la présidentielle, il n’avait toujours pas de directeur de campagne. C’est vous dire la pauvreté de l’organisation et le peu d’attention accordée aux aspirations populaires. Les jeunes militants que je rencontrais lors de mes visites dans la sous-région pensaient sincèrement que nous avions une vision et un programme de développement pour le Sénégal ; que nous allions nous mobiliser pour reconstruire l’administration, éradiquer la corruption qui empêche entre autre, un jeune bachelier, dans un pays qui compte 69% d’illettrés, de s’inscrire à l’université !
Lorsque les résultats de la présidentielle furent connu, nous étions anéantis. Wade avait certes perdu, mais nous étions loin, très loin d'avoir gagné !
Et lorsque nous avons appris qu’Ousmane Tanor Dieng sans avoir consulté les membres du bureau politique avait envoyé des ministres de son choix, siéger dans le gouvernement de Macky Sall, nous avons compris le but de la manœuvre. Il ne comptait plus se retirer, comme il l’avait promis dans une interview accordé à Jeune Afrique. Il allait user de toutes les stratégies pour rester à la tête du PS !
Citant Iba der Thiam, vous avez montré dans un récent article les véritables enjeux des législatives, en concluant : « Peut-on raisonnablement reprocher aux électeurs potentiels d’avoir boudé le scrutin du 1er juillet 2012 ? Quel intérêt y aurait-il à aller voter pour des candidats-députés qui, une fois élus, se comporteraient devant le président de l’Assemblée nationale comme des esclaves devant le gros planteur portugais ou brésilien maître de la senzala ? Nous comprenons donc parfaitement aujourd’hui, pourquoi la majorité de nos compatriotes ont préféré rester chez eux plutôt que d’aller envoyer à l’Assemblée nationale des députés dont la mission pourrait se réduire à cirer les bottes de leur président, à voter des lois aussi scélérates que les lois « Ezzan » et « Sada Ndiaye », à passer le plus clair de leur temps à modifier docilement la Constitution pour des raisons proprement politiciennes et électoralistes. »
Vos craintes ont été confirmées par l’ouverture du Bureau de l’Assemblée Nationale, où les députés de la coalition présidentielle, Bennoo Bokk Yaakaar, ont été convoqués dans la Salle de réunion des commissions techniques, pour écouter Mbaye Ndiaye, le nouveau ministre de l’intérieur, venu leur transmettre les directives du Palais. Pour prévenir la montée des frustrations et toute fronde éventuelle, Mbaye Ndiaye annonça en début de séance que « tout le monde ne peut pas être membre du Bureau… mais il y a aussi les postes pour les députés au Parlement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et bien d’autres fonctions de représentation, qui sont aussi bien rémunérées » !!!
Voilà donc ce dont il s’agit, aux élèves obéissants, le partage de postes bien rémunérés ! A l’ordre du jour, et l’expression est de mise : « Que tout le monde vote pour Moustapha Niasse ». Et lorsque la députée du Fsd/Bj, Ndèye Dieynaba Ndiaye objecte, Moutapha Diakhaté, président du groupe parlementaire, lui fait clairement savoir « qu’il n’y a pas de place pour un débat ».
Curieuse façon de promouvoir la démocratie et la parité dans une Assemblée qui se veut Nationale. Vous connaissez la suite, le vote à main levée au sein de l’Assemblée, véritable résidu de la dictature du Parti unique, achèvera d’assurer le contrôle par la majorité, comme sous Wade, de ce qu'il nous faut par antiphrase appeler « l'opposition ».
Dans un article publié le 25 Juillet 2012, vous nous rappeliez les promesses faites par Macky Sall à la veille du deuxième tour lorsqu’il disait que « …nul ne peut être nommé ou affecté à un poste comportant des responsabilités financières sans qu’aient été vérifiées préalablement ses compétences techniques, ses aptitudes professionnelles et les garanties de déontologie qu’il présente », pour ensuite nommer un professeur d’Éducation physique et sportive, Directeur de l’Administration Générale et de l’Équipement (DAGE), au Ministère de la Famille et de l’Enfance !
Alors, permettez-moi d’être surpris, lorsque vous conseillez à Macky Sall de compter sur « l’alliance avec des hommes d’État réputés, en l’occurrence Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse, connaissant la République dans ses moindres recoins et se prévalant d’excellentes relations internationales. »
A quoi nous ont servi leurs expériences et leurs relations internationales pendant les douze années durant lesquelles Wade et son administration nous détroussaient, inventaient des festivals pour mieux détourner les fonds publics, construisaient des monuments d’un gigantisme Stalinien dans un pays sans hôpitaux ? Que faisaient-ils, ces hommes d'État réputés, lorsque vous écriviez vos livres et vos articles pour dénoncer ce débraillé dans le crime ? Quelques déclarations de principe et autres indignations du bout des lèvres !
Il ne faut jamais protester mollement. Il faut écrire la vérité avec du sang de tigre et des larmes de chien sans maitre ! La démocratie des troubadours et des ménestrels ne fonctionnera pas. Il y a aujourd’hui trop de signes prémonitoires, trop de connivences secrètes, trop de consensus et pas assez d’opposition, pour espérer des lendemains qui chantent ; et Wade, contrairement à ce que l’on pense, n’était malheureusement pas un homme seul, mais bel et bien l’expression d’une culture.
Respectueusement.
Malick Noel Seck
SG Convergence Socialiste
malicknoelseck@gmail.com
www.convergence-socialiste.com
Cher Monsieur NIANG,
Je vous ai lu attentivement et j’ai toujours admiré en vous l’intégrité et la rigueur du raisonnement. Vous vous êtes confronté au régime de Wade avec courage et détermination, vous l’avez fait seul, que je sache, sans le soutien d’aucun Parti et avec vos propres moyens. Le régime de Wade était une abomination, mais cette abomination a une histoire, et Wade n’en était que le symptôme ! Pendant douze ans, il a dévalisé le Sénégal, en racontant au peuple, des inepties qui relevaient de la folie. Ce qu’il nous a fait, il l’a fait avec la complicité objective d’une opposition inexistante et d’un certain « Nombre de nos chefs religieux, qui ne croient plus qu’à l’argent et aux honneurs».
Wade n’était pas seul, il a perpétré ses crimes dans le silence complice de ses faux adversaires ! Il est de notoriété publique que le PS n’a pas fait campagne. Notre Secrétaire Général, Ousmane Tanor Dieng, avait pourtant cinq années devant lui pour ne pas réitérer la défaite de 2007. Mais, curieusement, deux jours après le début de la présidentielle, il n’avait toujours pas de directeur de campagne. C’est vous dire la pauvreté de l’organisation et le peu d’attention accordée aux aspirations populaires. Les jeunes militants que je rencontrais lors de mes visites dans la sous-région pensaient sincèrement que nous avions une vision et un programme de développement pour le Sénégal ; que nous allions nous mobiliser pour reconstruire l’administration, éradiquer la corruption qui empêche entre autre, un jeune bachelier, dans un pays qui compte 69% d’illettrés, de s’inscrire à l’université !
Lorsque les résultats de la présidentielle furent connu, nous étions anéantis. Wade avait certes perdu, mais nous étions loin, très loin d'avoir gagné !
Et lorsque nous avons appris qu’Ousmane Tanor Dieng sans avoir consulté les membres du bureau politique avait envoyé des ministres de son choix, siéger dans le gouvernement de Macky Sall, nous avons compris le but de la manœuvre. Il ne comptait plus se retirer, comme il l’avait promis dans une interview accordé à Jeune Afrique. Il allait user de toutes les stratégies pour rester à la tête du PS !
Citant Iba der Thiam, vous avez montré dans un récent article les véritables enjeux des législatives, en concluant : « Peut-on raisonnablement reprocher aux électeurs potentiels d’avoir boudé le scrutin du 1er juillet 2012 ? Quel intérêt y aurait-il à aller voter pour des candidats-députés qui, une fois élus, se comporteraient devant le président de l’Assemblée nationale comme des esclaves devant le gros planteur portugais ou brésilien maître de la senzala ? Nous comprenons donc parfaitement aujourd’hui, pourquoi la majorité de nos compatriotes ont préféré rester chez eux plutôt que d’aller envoyer à l’Assemblée nationale des députés dont la mission pourrait se réduire à cirer les bottes de leur président, à voter des lois aussi scélérates que les lois « Ezzan » et « Sada Ndiaye », à passer le plus clair de leur temps à modifier docilement la Constitution pour des raisons proprement politiciennes et électoralistes. »
Vos craintes ont été confirmées par l’ouverture du Bureau de l’Assemblée Nationale, où les députés de la coalition présidentielle, Bennoo Bokk Yaakaar, ont été convoqués dans la Salle de réunion des commissions techniques, pour écouter Mbaye Ndiaye, le nouveau ministre de l’intérieur, venu leur transmettre les directives du Palais. Pour prévenir la montée des frustrations et toute fronde éventuelle, Mbaye Ndiaye annonça en début de séance que « tout le monde ne peut pas être membre du Bureau… mais il y a aussi les postes pour les députés au Parlement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et bien d’autres fonctions de représentation, qui sont aussi bien rémunérées » !!!
Voilà donc ce dont il s’agit, aux élèves obéissants, le partage de postes bien rémunérés ! A l’ordre du jour, et l’expression est de mise : « Que tout le monde vote pour Moustapha Niasse ». Et lorsque la députée du Fsd/Bj, Ndèye Dieynaba Ndiaye objecte, Moutapha Diakhaté, président du groupe parlementaire, lui fait clairement savoir « qu’il n’y a pas de place pour un débat ».
Curieuse façon de promouvoir la démocratie et la parité dans une Assemblée qui se veut Nationale. Vous connaissez la suite, le vote à main levée au sein de l’Assemblée, véritable résidu de la dictature du Parti unique, achèvera d’assurer le contrôle par la majorité, comme sous Wade, de ce qu'il nous faut par antiphrase appeler « l'opposition ».
Dans un article publié le 25 Juillet 2012, vous nous rappeliez les promesses faites par Macky Sall à la veille du deuxième tour lorsqu’il disait que « …nul ne peut être nommé ou affecté à un poste comportant des responsabilités financières sans qu’aient été vérifiées préalablement ses compétences techniques, ses aptitudes professionnelles et les garanties de déontologie qu’il présente », pour ensuite nommer un professeur d’Éducation physique et sportive, Directeur de l’Administration Générale et de l’Équipement (DAGE), au Ministère de la Famille et de l’Enfance !
Alors, permettez-moi d’être surpris, lorsque vous conseillez à Macky Sall de compter sur « l’alliance avec des hommes d’État réputés, en l’occurrence Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse, connaissant la République dans ses moindres recoins et se prévalant d’excellentes relations internationales. »
A quoi nous ont servi leurs expériences et leurs relations internationales pendant les douze années durant lesquelles Wade et son administration nous détroussaient, inventaient des festivals pour mieux détourner les fonds publics, construisaient des monuments d’un gigantisme Stalinien dans un pays sans hôpitaux ? Que faisaient-ils, ces hommes d'État réputés, lorsque vous écriviez vos livres et vos articles pour dénoncer ce débraillé dans le crime ? Quelques déclarations de principe et autres indignations du bout des lèvres !
Il ne faut jamais protester mollement. Il faut écrire la vérité avec du sang de tigre et des larmes de chien sans maitre ! La démocratie des troubadours et des ménestrels ne fonctionnera pas. Il y a aujourd’hui trop de signes prémonitoires, trop de connivences secrètes, trop de consensus et pas assez d’opposition, pour espérer des lendemains qui chantent ; et Wade, contrairement à ce que l’on pense, n’était malheureusement pas un homme seul, mais bel et bien l’expression d’une culture.
Respectueusement.
Malick Noel Seck
SG Convergence Socialiste
malicknoelseck@gmail.com
www.convergence-socialiste.com