A Tripoli, une pause dans les combats sur la route de l'aéroport a permis aux pompiers d'éteindre progressivement l'incendie de deux énormes dépôts d'hydrocarbures, mais le feu a repris, mardi soir. Un des dépôts brûle toujours. Les habitants de la capitale libyenne redoutent toujours une explosion des cuves de gaz situées à proximité. Dès hier, l’Italie s’était proposée pour envoyer des canadairs mais ils n’ont pas décollé à cause de la persistance des combats à proximité de l’aéroport de Tripoli. Les Italiens réclamaient une trêve officielle avant de prendre le risque d'envoyer leurs canadairs, ce que les groupes armés n'avaient pas accepté.
Tripoli et Benghazi sous les combats : qui sont les belligérants ?
A Tripoli, les combats opposent la milice de Zintan - qui défend la ville - à celles de Misrata épaulée par ce que l'on appelle le « bouclier du centre », c'est-à-dire un agrégat de milices qui ont participé à la révolution contre Kadhafi, venues de plusieurs régions. Difficle de dire si ces milices veulent renverser le pouvoir ou simplement neutraliser la milice de Zintan qui est accusée d'être un nid d'anciens Khadafistes souhaitant reprendre le contrôle du pays.
Derrière ces combats de Tripoli, se dessine une bataille politique entre, d'un côté les révolutionnaires - ces milices qui ont renversé Kadhafi - et de l'autre, des groupes armés plus proches idéologiquement de l'ancien régime. Il y a aussi, en toile de fond, une lutte entre les courants politiques démocrates et islamistes qui perturbe encore un peu plus les jeux d'alliance.
A Benghazi, le poids des islamistes est nettement plus patent. En effet, les milices radicales affiliées à al-Qaïda, comme Ansar al-Charia et le Conseil de la Choura, ont attaqué la caserne des forces spéciales du général Wanis Abou Khamada. Ce général, allié au général Haftar qui a lancé une croisade contre les milices islamistes, a promis de les chasser de Benghazi.
Pour l'instant, l'issue des combats est incertaine et les attaques sont limitées à certains quartiers. Cependant, les dégâts collatéraux sont importants. On parle de trente personnes tuées, dans la nuit de lundi à mardi, notamment dans des tirs de roquette ou de missiles qui atteignent des habitations.
Là encore les deux camps opposent des rhétoriques pro ou anti-khadaffi, pro ou anti-islamiste, pour justifier leur action. Mais ce qui transparait en filigrane, c'est que bien avant d'être une bataille idéologique, cette guerre est une lutte pour le contrôle des ressources pétrolières du pays, une lutte pour le pouvoir, et une lutte sur les décombres d'un état central faible et incapable de préserver l'unité du pays.
La communauté internationale semble impuissante
Il reste encore une centaine de Français et de binationaux en Libye et la France s'apprête à les évacuer par voie maritime. Sur le plan diplomatique, les Etats-Unis ainsi que la Grande-Bretagne, le Portugal ont évacué leur personnel diplomatique. La Bulgarie et le Canada ont appelé à leur tour mardi leurs ressortissants à quitter le pays. Cela ressemble à une fuite généralisée.
Les appels au calme n'ont produit aucun effet et la communauté internationale n'a manifestement aucune solution à proposer aux Libyens. Le risque est pourtant réel de voir l'Etat libyen s'effondrer. Les experts pointent d'ailleurs, depuis plusieurs mois, la faiblesse de cet Etat central et le poids grandissant des logiques tribales et régionales.
Ce qui se joue à Tripoli et Benghazi, en ce moment, est une recomposition du pouvoir et un redécoupage du partage des ressources pétrolières selon d'autres lignes. En effet, nous le savons, depuis Carl von Clausewitz, auteur du traité de stratégie militaire « De la guerre », la guerre n'est que la continuation de la politique par d'autres moyens.
Source : Rfi.fr