Ligue 1 - Comment l'OM s'est piégé

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Le marché des transferts de l'OM est devenu un noeud d'une grande complexité. En voulant prendre son temps pour faire baisser les enchères (Diarra) et en désignant une liste de joueurs non retenus, le champion de France a envoyé des messages contradictoires et rendu caduc le projet de Deschamps.



C'est comme dans un film de Stanley Kubrick : un plan millimétré qui foire sur un malentendu, victime de ses propres contradictions. Marseille se rendra samedi à Valenciennes dans la peau d'un champion de France battu par un promu lors de la première journée et incapable de se préparer dans des conditions dignes de son standing. Cela risque de durer jusqu'à la fin du marché des transferts, le 31 août. L'imbroglio Ben Arfa a succédé à l'imbroglio Niang. Le calendrier les a directement liés. Ils prennent en otage la venue de Luis Fabiano, et en vident une partie de l'intérêt. La venue d'Alou Diarra, elle, est carrément au frigo et franchement hypothétique. L'opération "renfort" voulue par le champion du monde tourne à la bérézina. Trois mois après un doublé national qui avait coïncidé avec l'accroissement de son crédit en interne, il doit bien y avoir un souci quelque part.

Rompant avec des années de transferts sensationnels, nombreux et rarement pérennes, Deschamps avait rassuré ses dirigeants en présentant un projet clair : renforcer l'équipe par petites touches. S'il a pu évoquer à un moment le rafraîchissement de "30%" de l'effectif, il a fini par se projeter sur trois profils. Un par ligne, avec ce préalable : avoir affaire à des joueurs de niveau international, et seulement à ça. Pour situer le niveau de la discussion, des gens comme Gignac ou Gameiro ont été jugés hors concours pour le maillot floqué du n°9. L'OM s'est parfaitement échauffé en recrutant un arrière droit courtisé en Europe pour remplacer Laurent Bonnart, Cesar Azpilicueta, pour 7 millions d'euros, puis en affichant une fermeté totale face aux velléités de départ de Taye Taiwo. Le message était clair : on ne renforce par une équipe en la vidant de ses piliers. L'image était belle : un club solide, en ordre de marche, le sportif et le financier main dans la main.

"Diarra, on pouvait le faire il y a un mois"


Le dossier du milieu défensif a créé la première brèche. Signer Alou Diarra pour 7,5 millions d'euros était dans les cordes de l'OM, malgré un salaire d'international (environ 300.000 euros mensuels contre 230.000 à Bordeaux). "Diarra, on pouvait le faire il y a un mois", glisse-t-on à Marseille, "mais on craignait qu'il n'y ait plus suffisamment de sous pour faire venir l'attaquant, qui était la priorité." C'est ici qu'intervient le manque de lisibilité de la politique du club. Deux signaux contradictoires sont envoyés par l'OM depuis des semaines. D'un côté, le coup de pouce qu'aurait promis l'actionnaire pour réaliser une belle signature. De l'autre, la nécessité de faire baisser la masse salariale de 10%, qui rend délicate la négociation avec les recrues visées et qui oblige, en interne, à cibler un peu fort quelques "non retenus". Koné est parti. Be. Cheyrou a porte ouverte. Ben Arfa aussi, on y reviendra... Et quelques solides gaillards (E.Cissé, Kaboré) constatent que cette politique condamne leur fiche de paie à trop de légèreté. "C'est Niang qui a tout perturbé, explique-t-on à Marseille. On a beau dire qu'il est intransférable, c'est invivable. Il peut avoir en net ce qu'on lui donne en brut." Et tant pis pour le "challenge sportif" envolé avec l'élimination de Fenerbahçe en Ligue des champions. Quand Jean-Claude Dassier a changé de stratégie dimanche soir ("Tout est ouvert"), Deschamps n'en était pas informé. Reste, pour l'OM, à obtenir un transfert digne de ce nom pour son meilleur buteur et capitaine, sous contrat jusqu'en 2014. Sous les 8 millions d'euros, ce serait un échec.

L'ouverture faite à Niang est intervenue au lendemain de la bonne entrée de Ben Arfa contre Caen (1-2). Le surlendemain de son retour en équipe de France... Comme si une petite voix avait décidé de dire à l'OM, au sujet de l'ex-prodige: "Vous allez faire une bêtise...". Dans l'esprit de Deschamps, il est devenu impensable de laisser partir Niang et Ben Arfa dans un même élan. Et comme le départ du Sénégalais se dessine, l'idée s'est imposée d'une mise en concurrence avec Brandao aux côtés de Luis Fabiano. Encore faut-il que les choses soient récupérables envers l'ex-Lyonnais... Celui-ci a bien intériorisé qu'il n'en faisait pas assez pour exister au haut niveau. Qu'il n'était pas retenu. Il a aussi entendu les sarcasmes, en interne, sur le fait que les offres ne se bousculaient pas à son sujet, ce qui est vrai. Son discours post-OM-Caen semblait matérialiser une envie de rester. La presse marseillaise lui prête une position plus radicale avant samedi (ne pas aller à Nungesser). Une chose est sûre et rend sa situation particulièrement fragile : il veut rejoindre Newcastle, dont les offres sont irrecevables par leur faiblesse, alors que le joueur ne veut pas d'Hoffenheim, pourtant prêt à sortir le chéquier à hauteur convenable (7 à 8 millions). S'il est aussi peu conciliant avec l'OM qu'il l'avait été avec Lyon en 2008 au moment de son départ, il va y avoir de l'électricité dans l'air. Et s'il voit le dossier de Niang avancer dans le sens du joueur après autant de fermeté affichée, il aura évidemment du mal à intérioriser qu'il redevient désirable.

Luis Fabiano, pas plus de 12 millions


Reste le cas de Luis Fabiano. Il devait être LE renfort. Il pourrait devenir l'alibi qui cachera la saignée. Pas dit que cela fasse baisser son prix. L'attaquant de pointe titulaire du Brésil à la Coupe du monde, c'est cher, même à un an de la fin de son contrat. Séville met la barre à 18 millions d'euros mais l'OM n'aurait, selon nos informations, pas l'intention ni la possibilité d'aller au-delà des 12 millions. Ses prétentions salariales (4 millions d'euros annuels) refroidissent l'ambiance mais, à titre de comparaison, Gabriel Heinze perçoit davantage. Cela placerait le Brésilien sensiblement au niveau du Lyonnais Lisandro. Il est évident que l'OM ne pourra pas gratter grand chose dans cette colonne. Pendant ce temps, "l'excellent professionnel" qu'est Deschamps aux yeux de Dassier contient son agacement. Il y a huit jours, au moment de l'envoi du premier fax à Séville et à l'agent de Luis Fabiano, quand Niang avait encore porte close et que Ben Arfa n'avait aucune idée de son retour en grâce, Deschamps regrettait que Jean-Claude Dassier et Antoine Veyrat soient en vacances. "Comment cela est-ce possible pour un champion de France?" interroge le pôle sportif de la Commanderie. La récré est terminée. Elle sera un lointain souvenir si l'OM ne fait pas le plein à Valenciennes.u[

Cédric ROUQUETTE / Eurosport

Vendredi 13 Aout 2010 22:20


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