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Mali, Assimi Goita seul contre tous : chronique d'une chute programmée et inévitable (Par Samir Moussa)



Et si le départ mouvementé et prémédité de l'ancien premier ministre de la transition malienne , Choguel Maiga, n'était que l'orage qui annonce la tempête? Le politique, chevronné, véritable félin, a dû flairer la fin de la transition version Assimi Goita, avant de se lancer dans une  dissidence ouverte et de s'engager dans une fronde assumée. 

 En homme averti, il a fait bon cœur contre mauvaise fortune. C'est ce que l'on comprend à l'occasion de chacune de ses sorties depuis la veille de son limogeage jusqu'à ce jour. L'ancien premier ministre, prenant son courage à deux mains, n'a pas attendu d'être remercié pour s'épancher. Et, désormais plus libre encore de sa parole, avec aplomb et une certaine verve, il éclaire la lanterne publique à propos de sa mésaventure avec certains des ténors de la junte, en prenant soin d'expliquer dans le menu détail les ratés et insuffisances du processus en cours piloté par le Généralissime Assimi Goita. Il apparaît clairement que des serments ont été violés, des engagements n'ont pas été respectés. Bref,  le parjure est patent. 

L'ancien premier ministre laisse entendre un exercice solitaire du pouvoir, relève l'impasse politique et le flou autour de l'agenda électoral donc du retour attendu à l'ordre constitutionnel.  Le M5, fer de lance de la contestation populaire contre le régime d'Ibrahim Boubacar Keita a été sans doute le déclic qui a permis le coup d'État qui a eu l'accent d'une révolution. Si le conglomérat de forces et d'entités composites n'avait pas organisé l'insurrection, l'armée n'aurait pas eu d'alibis ni de légitimité à intervenir. Choguel Maiga et ses pairs, idem que l'imam Mahmoud Dicko qui fut l'égérie des mouvements des foules qui ont déferlé sur Bamako pour exiger la rupture, peuvent revendiquer d'avoir chauffé la place pour les officiers, à la tête, aujourd'hui du Mali.

 Ces leaders d'opinion et figures de proue politiques sont des actionnaires de la transition que le Général Assimi Goita veut traiter comme ses pensionnaires. Le putchiste d'ailleurs a maintenant la fâcheuse réputation de vouloir faire des bébés dans le dos de tout le monde. Le divorce brutal avec Choguel Maiga est aussi un acte imprudent de rupture avec le M5 qui ne s'avoue pas vaincu. Au contraire, sous la houlette du premier ministre déchu, le M5, qui s'est voulu partenaire des putschistes jusqu'au bout et ces derniers mois a été l'assurance vie de la junte, s'est remis en ordre de bataille, de plus belle. Il y'a comme une envie de se racheter de ses erreurs en même temps que l'on sent un air de regrets profonds d'avoir couvert des dérives, d'avoir gardé le silence devant les errements.  

Quoi qu'il en soit, Choguel Maiga s'illustre dans une guerre frontale contre la frange au pouvoir, le groupe civilo-militaire, opposés au respect du calendrier et à la finalité de la transition. Il s'est assuré, à n'en point douter, au préalable, qu'il n'est pas esseulé et peut compter sur des soutiens précieux, capables de faire la décision. Il est un habitué des intrigues de pouvoir et des manœuvres politiques. A ce propos, le ministre de la défense, Sadio Camara qui a réussi l'exploit de perpétrer deux coups d'Etats successifs, en un temps record, s'avère un allié sûr , car c'est à lui, en premier,  que Choguel devrait sa nomination comme premier ministre. C'est l'homme fort du Mali qui continuerait encore de protéger le politique revanchard. 

Le ministre de la défense, à son tour, a une relation privilégiée avec Malick Diaw, le président du CNT.  Celui-ci semble, en rupture de banc avec Assimi Goita, car il n'est pas d'accord que son institution soit une simple chambre d'enregistrement.  Il n'est pas à l'aise avec certains excès comme la vague d'arrestations dans le pays et ne voudrait pas que les délais de la transition soient indéfiniment prolongés. Assimi Goita et son clan envisageraient de dissoudre le CNT pour pouvoir se débarrasser d'un collaborateur peu accommodant. Pour ce faire,  une campagne est organisée contre Malick Diaw afin de le discréditer avec pour argument que le budget qui est alloué au CNT a connu une augmentation significative. Comme si c'était un cas isolé ou de son fait. Le Président du CNT n'est pas une proie facile , proche des troupes et leader naturel. 

L'on pointe du doigt Malick Diaw alors que les crédits de la Présidence ont connu une plus forte hausse. Tout le monde sait aussi au Mali que le clan Goita a fait main basse sur le pays et se taille la part du lion dans l'attribution et l'utilisation des ressources publiques. Alors, doit-on parler de corde dans la maison d'un pendu?

Choguel Maiga, n'ignore rien de toutes ses tensions, des divergences graves au sommet de l'Etat, de la grogne sourde au sein de la grande muette. Il souffle sur les braises et œuvre à pourrir davantage la situation pour tirer les marrons du feu,  à moins qu'il ne s'agisse pour lui au compte de son camp de préparer l'opinion à une révolution de palais en expliquant à chacun et tous que la coupe est pleine. Il semble sûr de son fait au point de ne pas craindre de représailles ni trembler en faisant ses révélations accablantes contre la junte. De quoi est-il fort? A-t-il reçu des assurances? Se fait-il le porte-parole et porte-étendard de tous les déçus, floués, de Assimi Goita, très nombreux du reste au Mali, dans les rangs des forces armées,  de la classe politique, parmi les forces vives?

En tout cas, Choguel Maiga n'est pas suicidaire pour s'aventurer dans une bataille perdue d'avance,  consentir  un suicide volontaire. 
Qui mieux que lui sait que l'occasion fait le larron?
A suivre…

Samir Moussa

Babou Diallo

Mercredi 5 Mars 2025 - 21:30


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