Mali-Palais de Koulouba : Des cicatrices durables


Rédigé le Jeudi 31 Mai 2012 à 16:09 | Lu 2282 fois | 0 commentaire(s)


En l’espace de deux mois, ce lieu symbole du pouvoir a été victime d’un déchaînement de violences inédit dans son histoire plus que centenaire.


Perché sur une colline qui surplombe Bamako, le palais de Koulouba incarne le pouvoir. Le bâtiment où vit et travaille le chef de l’Etat en temps normal a été construit par le général De Trentinian, lieutenant-gouverneur du Soudan Français de 1895 à 1899.

Témoins de notre histoire récente, le palais de Koulouba n’a pas été épargné par les soubresauts de cette même histoire. Mais jamais, il n’avait connu un tel déchaînement de violence que ces derniers mois. Lors du coup d’Etat du 22 mars, le palais a été partiellement détruit à coups de canon. L’aile où était supposé se trouver le chef de l’Etat a été systématiquement pilonnée. Suivront les saccages et les pillages. Le majestueux bâtiment qui symbolise la force de la première institution de la République n’est plus que l’ombre de lui-même.
Le rez-de-chaussée abrite des salons de réception et quelques bureaux d’intendance. Rien ne subsiste pratiquement de ces bureaux. En somme, le vénérable édifice est devenu un palais fantôme comme nous l’écrivions il y a quelques jours.

Mais les espaces verts qui longent la route principale qui traverse le quartier sont encore bien entretenus. Il semble que le travail des fleuristes et jardiniers n’a pas été très perturbé par les violences. L’entreprise chargée du nettoyage continue également son travail.

RETOUR A LA CASE DEPART.
 
Mais les traces de combat sont encore visibles dans certains endroits et les chenilles des engins blindés ont imprimé des traces indélébiles sur le bitume.
Après le bombardement et les pillages du 22 mars, l’on pensait que rien de pire ne pouvait plus arriver au palais. L’on ne pouvait évidemment imaginer que deux mois plus tard, le prestigieux complexe serait victime d’une nouvelle folie humaine.

Le bâtiment du secrétariat général qui avait été relativement épargné lors du coup d’Etat s’est retrouvé au cœur des violences du 21 mai. C’est ici que travaillent le secrétaire général de la présidence, le directeur de cabinet et la majorité des conseillers techniques, les services du protocole ainsi que les informaticiens. Autant dire la cheville ouvrière de la première institution de la République.

L’imposant immeuble construit avec l’aide de la coopération chinoise avait été partiellement pillé en mars. Depuis, des efforts avaient été faits pour réhabiliter les bureaux et recréer des conditions minimales de travail.
Les bureaux du secrétaire général avaient ainsi été aménagés pour que le président par intérim, Dioncounda Traoré, y prenne ses quartiers. Quelques équipements informatiques, des tables et des chaises avaient été achetés pour le personnel essentiel. Et voilà que le 21 mai, un nouveau malheur s’abat sur les lieux. Au terme d’une marche pour exiger la démission du président de la Transition, un groupe de manifestants déchaînés, envahi les bureaux et agresse physiquement Dioncounda Traoré. On connaît la suite.

Depuis l’agression du président, c’est la désolation dans le bâtiment. Les bureaux du rez-de-chaussée et du 1er étage ont été tous pillés et saccagés. Les installations de communication sécurisées qui avaient été partiellement rétablies récemment sont en miettes. C’est pratiquement le retour à la case départ.
De fait, presque personne ne vient travailler. Au manque de matériel, s’ajoute le sentiment général d’insécurité.
Avant de parvenir aux bureaux du président de la Transition, le visiteur doit franchir deux barrages. Le dispositif de sécurité est renforcé selon les moments et les circonstances. Lorsque que le président est sur place, l’arrêt au check-point est obligatoire. Les véhicules sont sommairement fouillés. Le visiteur doit également donner les raisons de sa visite qui doivent être « valables ».

Mais quand le président est absent comme c’est le cas actuellement, le dispositif de sécurité est allégé. L’on peut alors passer sans trop de formalités. C’est justement pourquoi notre véhicule ne sera pas fouillé lundi dernier.
Ce jour-là, après un long week-end de trois jours, le hall attenant aux bureaux du président de la Transition était quasiment vide. Le bureau de l’accueil était occupé par quelques agents de sécurité. Le secrétaire général de la présidence, Baba Berthé, était l’un des rares responsables à être à son bureau.
Après quelques entretiens avec des collaborateurs, il nous reçoit dans son bureau, celui qu’occupait l’un de ses prédécesseurs au poste, l’ancien Premier ministre, Modibo Sidibé. « Mon bureau a été épargné », indique Baba Berthé.
 
CONSTATS D’HUISSIERS.
 
La petite salle est sommairement meublée : une grande table sur laquelle des dossiers sont rangés, un fauteuil, une armoire, un petit réfrigérateur.
Installé à sa table de travail, le secrétaire général de la présidence examine des dossiers. « Vous savez, aucun dossier ne passe la nuit ici. Il faut tout diligenter. Je travaille consciencieusement pour servir mon pays », confie le technicien en soulignant que le stade des accusations mutuelles doit être dépassé.

« Il faut continuer à travailler avec le peu de ressources disponibles », préconise Baba Berthé en comprenant cependant l’absence de nombre de ses collaborateurs. Ces absences s’expliquent aussi par les difficultés d’accès du palais. Sans bureau, sans véhicule de service et sans carburant, c’est compliqué, souligne-t-il.
Parlant justement des véhicules, le secrétaire général a indiqué qu’avec le concours des militaires de Kati, des recherches sont en cours pour reconstituer le parc automobile de la présidence. Il explique que certains véhicules enlevés lors du coup d’Etat sont aux mains de particuliers malintentionnés, tandis que d’autres sont encore utilisés par les militaires installés à Kati.

Et la sécurité du palais présidentiel ? Baba Berthé précise que ce volet ne relève pas de ses compétences. « La sécurité est gérée par d’autres personnes », dit-il en relevant qu’une enquête est en cours pour situer les responsabilités des graves incidents du 21 mai. « Tout citoyen peut monter à Koulouba, mais qu’il parvienne à y poser des actes aussi graves, là on doit s’interroger », poursuit notre interlocuteur qui a commis deux huissiers pour évaluer l’étendu des dégâts. Comme il l’avait déjà fait après le coup d’Etat et les pillages qui s’ensuivirent.
Peut-on déjà penser à la reconstruction du palais présidentiel ? Le secrétaire général répond que les huissiers viennent de terminer leur travail et que le dossier sera transmis à qui de droit.

Dans tous les cas, la reconstruction du palais ressort des compétences du gouvernement, dit-il. D’ores et déjà, l’on peut être sûr que la note sera très salée. Les dommages psychologiques causés aux travailleurs, eux, ne sont pas chiffrables.


Source : L’essor
 



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