En 2006, le RFD d'Amed Ould Daddah, Rassemblement des forces démocratiques, et l'UFP, Union des forces de progrès, de Mohamed Ould Maouloud, comptaient à eux deux 25 députés, dont 17 au seul RFD, faisant d'Ould Daddah le chef de file de l'opposition. Boycotter le scrutin d'aujourd'hui est donc un pari risqué pour ces deux formations, qui perdent de facto toute représentation. Et la place de leader d'opposition devient donc à prendre.
Qui sera le leader de l'opposition ?
Trois partis la convoitent : l'APP, Alliance populaire progressiste du président de l'Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir ; El Wiam, de Boidiel Ould Houmeid, mais aussi le parti islamiste de Tawasoul, dont le score est la grande inconnue du scrutin. En 2006, les partis islamistes étant interdits, les candidats de cette obédience avaient dû se présenter en indépendants, remportant quatre sièges à l'Assemblée. Lors de son congrès il y a un an, Tawasoul s'était dit prêt à une « révolution par les urnes », revendiquant 75 000 adhérents et des sections dans 48 des 54 départements.
Autre question : si le parti islamiste Tawasoul devance effectivement l'APP et El Wiam, que fera-t-il ? En 2009, Tawasoul s'était allié au parti au pouvoir pour les sénatoriales partielles, avant de réclamer en 2011 le départ du président avec la COD, la Coordination de l'opposition démocratique, qu'il a finalement abandonné dans sa décision de boycott aujourd'hui.
« Notre ambition est de gouverner le pays, mais pas avec Aziz [Mohammed Ould Abdel Aziz, président de la Mauritanie, ndlr]. Pour le moment, nous restons de farouches opposants à son régime », déclarait récemment le secrétaire général de Tawasoul.
Rebattre les cartes politiques
Parmi les enjeux de ces élections, également, la désignation d'un nouveau chef de file de l'opposition, puisque le RFD fait partie des dix partis de la COD, la Coordination de l'opposition démocratique, qui boycotte le scrutin. Le parti au pouvoir, l'UPR, devrait s'imposer, mais pourrait devoir former une coalition, à cause de l'éparpillement des voix entre les nombreux partis pro-pouvoir. Ce scrutin est en tous cas l'occasion de rebattre les cartes politiques après le report répété des élections, initialement prévues en 2011.
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Principale raison du report répété des élections, le blocage politique entre pouvoir et opposition. Fin 2011, suite à un premier report, quatre partis d'opposition dont l'APP du président de l'Assemblée nationale Ould Boulkheir et El Wiam de Boidiel Ould Houmeid avaient ouvert le dialogue avec les autorités.
Espoir d'un consensus global
Les discussions avaient abouti à plusieurs réformes électorales, à commencer par la création de la Céni, Commission électorale nationale indépendante. Les onze partis de la COD avaient quant à eux refusé ce dialogue, dénonçant notamment un choix unilatéral de l'ordre du jour par le pouvoir. En août 2013, la COD avait annoncé le boycott des élections, alors prévues en octobre.
Quelques jours plus tard, le président Ould Abdel Aziz avait parlé d'un report de quelques semaines et envisagé l'élargissement de la Céni et la création d'un observatoire de surveillance des élections. La COD avait maintenu sa position de boycott, à l'exception des islamistes de Tawasoul. En octobre dernier, un dialogue inédit entre le pouvoir et la COD avait laissé entrevoir un espoir de consensus global. Il n'aura duré que trois jours.
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C'est donc dans un climat toujours pas apaisé que se déroule le vote d'aujourd'hui, entre le boycott de la COD mais aussi la méfiance des partis d'opposition participants. Tous ont accusé la Céni de partialité, critiqué la mise en place très tardive de l'observatoire et émis des réserves, plus ou moins fortes, sur la crédibilité du scrutin.
Source : Rfi.fr