Connectez-vous S'inscrire
PRESSAFRIK.COM , L'info dans toute sa diversité (Liberté - Professionnalisme - Crédibilité)

Meurtre dans une mosquée en France: la colère et l'anxiété de la communauté musulmane

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé ce dimanche 27 avril un renforcement de la sécurité autour des mosquées en France, au surlendemain du meurtre d'un jeune Malien dans une salle de prière du Gard. À Paris, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées contre l'islamophobie.



Près de trois jours après, la traque se poursuivait ce dimanche soir pour interpeller le meurtrier d'Aboubakar Cissé, tué dans la mosquée de la petite commune gardoise de La Grande-Combe . Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a indiqué avoir envoyé un télégramme à « tous les préfets pour que toutes les mosquées en France soient davantage protégées qu'elles ne le sont ».

L'homme filmé par les caméras de surveillance de la salle de prière a été identifié comme étant un certain « Olivier A. », né à Lyon en 2004, de nationalité française et issu d'une famille bosnienne, sans emploi et sans aucun antécédent judiciaire. Le procureur d'Alès, Abdelkrim Grini, l'a qualifié de « potentiellement extrêmement dangereux » et a jugé « primordial » de l'interpeller avant qu'il ne fasse de nouvelles victimes. 

Dans « les propos décousus » que le jeune homme tient dans une vidéo qu'il a lui-même réalisée après avoir frappé sa victime de plusieurs coups de couteau, il semble « manifester son intention de recommencer », avait précisé samedi le procureur à l'AFP. Dans cette vidéo, le meurtrier se félicite de son acte et insulte la religion de la victime. Selon Bruno Retailleau, il aurait déclaré dans cette même vidéo, partagée sur un réseau social avant d'être effacée, « vouloir tuer deux autres personnes » pour devenir « un tueur en série ».

« À qui le tour ? »

« Mon sentiment, c'est un sentiment de colère, de rage, à l'égard de tels individus qui commettent des attentats », a réagi Abdallah Zekri, vice-président du Conseil français du Culte Musulman et président de l'Observatoire national de lutte contre l'islamophobie, au micro de Laura Martel, du service France de RFI. « Naturellement, la communauté musulmane est très inquiète, que ce soit à La Grande-Combe, dans le Gard ou dans l'ensemble du territoire (...) Chacun se demande s'il va recommencer, où il va recommencer, quand il va recommencer... Les musulmans s'interrogent : à qui le tour ? »

Si la piste d'un acte islamophobe est celle sur laquelle les 70 enquêteurs « travaillent en priorité, (...) ce n'est pas la seule », avait insisté le procureur d'Alès, évoquant « certains éléments (qui) pourraient laisser penser que ce mobile n'était peut-être pas le mobile premier (...) ou le seul mobile ». La piste de l'acte islamophobe est en tout cas celle qui est majoritairement retenue par la classe politique, à l'image du Premier ministre François Bayrou, qui a dénoncé samedi sur X « une ignominie islamophobe ». Le délégué national de la Conférence des évêques de France, Jean-François Bour, a pour sa part estimé qu'« une réponse ferme à la haine antimusulmane » était « urgente ».

Dans la commune de La Grande-Combe encore traumatisée, une marche blanche en souvenir de la victime a été organisée dans l'après-midi. Partis de la mosquée où s'est déroulé le drame, un millier de personnes se sont dirigées en direction de la mairie. Parmi eux, Abdallah Zekri, le recteur de la mosquée de la Paix à Nîmes, ne cachait pas son « sentiment de colère et de haine à l'égard de ceux qui ont commis ce crime ». « Du matin au soir, vous allumez la télévision, qu'est-ce que vous entendez, l'islam, les musulmans, les migrants, les OQTF (Obligation de quitter le territoire français), il n'y a que ça », a-t-il accusé.

« Une islamophobie rampante »

En réaction à ce meurtre, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées ce dimanche place de la République à Paris dans une manifestation contre l'islamophobie. Parmi elles, Yoro Cissé, le frère de la victime. Sa haute silhouette dressée un peu à l'écart de la foule, il confie que voir cette foule lui a « apaisé le cœur ». « On a confiance en la justice française. Hier, c'était Aboubakar, demain ça peut être quelqu'un d'autre. Soyons tous solidaires face à ce fléau », demande-t-il au micro d'Aurélien Devernoix, du service Politique de RFI.

 

À quelques mètres, Kadija peine, elle, à dissimuler sa colère et son inquiétude. « On s'y attendait. On savait bien qu'un jour, un illuminé, un terroriste s'en prendrait à des musulmans. Jusque-là, on s'en est pris à nous de manière verbale, parfois physique avec des arrachages de voiles, c'est la continuité logique d'une islamophobie qui monte depuis plusieurs années », estime-t-elle. Kadija en veut particulièrement aux responsables politiques. « Nous seulement, on ne nous protège pas, mais on nous met une cible dans le dos. Le gouvernement actuel, nous met une cible dans le dos, insiste-t-elle. Et ça n'ira pas en s'arrangeant, sauf si nous et nos concitoyens nous soulevons contre ces injustices. »

Plusieurs personnalités politiques, dont le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon ou la patronne des Verts Marine Tondelier, étaient également présentes place de la République. « Ça fait des semaines, des mois, des années que tout le monde alerte sur le climat ambiant dans notre pays, sur cette islamophobie rampante sur les plateaux de télévision, véhiculée par les femmes et les hommes politiques et les médias », dénonce la députée écologiste Sabrina Sebaihi, coautrice d'un récent rapport sur le sujet .

« Quand on avait remis ce rapport, on avait dit que la question de l'islamophobie était totalement sous-estimée et que le fait de mettre une cible dans le dos des musulmans allait contribuer à augmenter les violences, rappelle Sabrina Sebaihi. On avait surtout dit que tous les textes proposés à l'Assemblée ces derniers mois ne stigmatisaient qu'une partie de nos concitoyens, à savoir les Français de confession musulmane. On avait malheureusement créé toutes les conditions pour aboutir à ce type de drame. »  

« Une ambiance, un climat islamophobe a été entretenu, cultivé, et des mois durant, et chacun jusqu'aux plus officiels, s'est senti autorisé à faire des déclarations dont sans doute, ils ne mesuraient pas toute la portée et toute la violence pour ceux qui avaient à la subir », a déclaré Jean-Luc Mélenchon à la presse, visant Bruno Retailleau. Interrogé au même moment sur BFMTV, le ministre de l'Intérieur a exclu de participer à ce rassemblement, jugeant que les Insoumis « instrumentalisent ce crime ».


RFI

Lundi 28 Avril 2025 - 00:18


div id="taboola-below-article-thumbnails">

Nouveau commentaire :
Facebook Twitter