C’est à Putrajaya, la capitale administrative de la Malaisie, que se sont réunis en urgence ce mercredi matin les ministres des Affaires étrangères malaisien, indonésien et thaïlandais au sujet du récent afflux de migrants dans la région. Notre correspondante à Singapour,Colombe Prins, rapporte qu’après plus de quatre heures de discussion, laMalaisie et l’Indonésie ont conjointement annoncé qu’elles arrêteraient de refouler au large les bateaux de migrants venus du Bangladesh et de Birmanie et qu’elles apporteraient uneaide humanitaire à ces 7 000 exilés toujours coincés en mer, selon les autorités malaisiennes. Les deux pays envisagent aussi de leur « offrir un refuge provisoire à condition que leur relocalisation ou leur rapatriement par la communauté internationale soient effectifs dans l’année », précise le communiqué.
Mais la Thaïlande, qui mène une nouvelle politique répressive à l’encontre de ces filières d’immigration clandestine, n’a pas souhaité s’associer à ces propositions. La Birmanie, d’où sont en partie originaires ces migrants, elle, était absente des discussions. Rangoon qui s’était jusque-là peu exprimée sur le sujet, a toutefois annoncé ce mercredi être « prête à fournir une assistance humanitaire ». Les Philippines, signataire de la Convention de Genève sur les réfugiés, ont été, mardi, le premier pays de la région disposé à accueillir ces naufragés à la dérive.
Le double jeu du gouvernement birman
Le gouvernement birman admet la souffrance des migrants rohingyas. Auparavant il niait le problème et se bornait à indiquer que ces migrants étaient des immigrés illégaux qui n'avaient pas la nationalité birmane. Rangoon a changé sa stratégie de communication, rapporte notre correspondant à Rangoon, Rémy Favre. La crise humanitaire est grave, la Birmanie met donc en avant ses efforts. Le ministère des Affaires étrangères indique que les autorités essaient de prévenir les migrations illégales et de démanteler les filières de passage : patrouilles dans les eaux territoriales, missions d'observation aérienne des côtes de l'ouest de la Birmanie.
Pourtant, sur le terrain, les passeurs et les candidats au départ ont toujours décrit une toute autre réalité. Depuis des années, ils disent que la police birmane laisse partir les bateaux de migrants, moyennant paiement. Les départs ont souvent lieu la nuit dans des zones parfois sous couvre-feu. Les passeurs conduisent les migrants vers les plages, ils sont armés, ils agissent à visage découvert, ils ne craignent pas d'être arrêtés. Tout le monde dans les camps de déplacés les connaît et eux-mêmes, d'ailleurs, ne cachent pas leur activité.
En réalité, le gouvernement birman cherche à masquer ses insuffisances pour rassurer ses voisins inquiets de voir des centaines de migrants arriver sur leurs côtes. La Malaisie estime que 7000 Rohingyas et Bangladais seraient encore sur des embarcations au large des côtes indonésiennes et malaisiennes. Ce mercredi, environ 400 migrants birmans et bangladais ont été secourus par des pêcheurs indonésiens, au large de l'île de Sumatra. Cela faisait des semaines, sans doute même plusieurs mois, qu'ils dérivaient en mer fuyant la pauvreté et la répression, à la recherche d'un pays pour les accueillir.
« Un pas important », estime le HCR
Le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU salue le revirement de l'Indonésie et de la Malaisie.
« Le plus important c’est de laisser ces personnes débarquer, de manière à leur prodiguer les soins d’urgence et à leur fournir la nourriture nécessaire. Nous sommes ouverts à de nouvelles discussions avec les gouvernements, pas seulement le Haut commissariat aux réfugiés mais aussi d’autres agences de l’ONU. Nous allons voir ensemble comment aider ces pays à résoudre la crise car c’est clairement un problème régional dont la résolution passe par une solution régionale. Nous accueillons positivement l’engagement des ministres Indonésien, malaisien et thaïlandais. Nous pensons que c’est un pas important vers la recherche d’une solution, notre objectif commun étant de sauver des vies. »