Mise à mort du PDS: La veste du Pds/L

Le projet de mise à mort du Parti démocratique sénégalais (Pds) ou à tout le moins sa substitution par le Parti démocratique sénégalais Libéral (Pds/L), enclenché depuis la suppression du poste du n°2 de la formation au sortir de la présidentielle de 2007, butte. Il semble même voué à l’échec devant une résistance interne insoupçonnée. Mais si le Pds refuse de mourir de sa belle mort, pour qu’à sa place éclose cette trouvaille du père pour le fils, le Pds/L qui serait chapeauté par la Génération du concret, il n’en demeure pas moins qu’il végète. Ses cadres se morfondent. Marginalisés et ravalés au rang de simples spectateurs dans la gestion du pouvoir, certains d’entre eux entrent en rébellion ouverte et organisent la guérilla contre le palais. Suprême paradoxe pour un parti qui régente un pays depuis dix ans maintenant. Dès lors, Me Wade a l’obligation d’éteindre le feu, de parler à son parti où la révolte couve, « tout autant qu’au pays », certainement. Et s’il ne veut pas voir « l’œuvre de tant de jours en un jour effacée », il devrait, confient certains militants libéraux « emprunter à Senghor sa formule de lâcher du lest » pour étouffer les soulèvements qui risquent de l’emporter.



Le sentiment le mieux partagé aujourd’hui chez les militants du Parti démocratique sénégalais (Pds), même si c’est encore plus dans le secret des cœurs et des salons qu’extériorisé publiquement, est assurément le fait que leur chef jusqu’ici incontesté et adulé par eux, Me Wade aime tout sauf le parti. Il ne les considère eux, les militants que comme des « chairs à canons. Il a utilisé par conséquent leur attachement à la formation et à sa personne comme un moyen de conquête du pouvoir et une muraille de protection dressée devant ses adversaires politiques. Un simple instrument politique à son service exclusif ». Autrement, poursuivent certains libéraux amers et peu avares en confidences en ces périodes de doutes et d’interrogations, « Me Wade considère même le parti comme « un boulet » par rapport à son projet de dévolution du pouvoir à son fils ». C’est la raison pour laquelle, soutiennent-ils, il a même décrété la mort du Pds depuis la suppression du poste de n°2 de la formation au sortir de la présidentielle de 2007, pourtant victorieuse. Peut-être à cause même du fait qu’elle a été victorieuse « dès le premier tour ». Et il veut à la place : un Pds/L complètement à la dévotion de son fils, Karim Wade ainsi que l’est le Pds pour lui. Un Pds dont il désire se débarrasser comme un malpropre malgré plus d’une quarantaine d’années de bons et loyaux services, pour encore faire place nette, en dépit des vestes ramassées au passage du fait d’une résistance insoupçonnée du parti, au fils et « à sa bande de gamins et de pimbêches mal lunées », pestent-ils.

En effet depuis que le plan « B »,-le A étant de lui avoir confié l’Anoci et ses milliards de Fcfa de la Corniche,- d’installation de Karim Wade à la mairie de Dakar, ce qui lui aurait fait, pense-t-on, la courte échelle pour accéder au palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor du même nom a lamentablement échoué en mars 2009 dernier, le chef de l’Etat et du Pds qui n’en démord pas pour autant est revenu à son plan initial.

L’assaut de Dakar contre le Pds et son chef local, Pape Diop ne serait pas de son cru, avaient avancé certains qui se meuvent dans les cercles proches du palais et qui chercheraient ainsi à le dédouaner. Cet assaut irréfléchi résultait plutôt, déclaraient-ils, des plans des jeunes impatients de la Génération du concret qui l’ont même publiquement avoué au lendemain de la débâcle des élections locales de mars 2009. Ces jeunes croyaient que non seulement le président était à son dernier mandat, comme lui-même l’avait déclaré après sa victoire dès le premier tour à la présidentielle de 2007, mais aussi et surtout que la politique pouvait se faire à partir des combinaisons basées sur le nombre de premières pages et de pleines pages qui leur étaient consacrées dans les éditions quotidiennes de la presse nationale et internationale, les critiquait-on en se défaussant sur certains d’entre eux qui étaient les plus visibles et qui cristallisaient le plus le mécontentement populaire, notamment Hassane Bâ le conseiller et sa bande. A noter cependant que Me Wade, avait soutenu la prise de la capitale pourtant bleue à l’époque par son fils. Une Opa qu’il avait même « vendue » au patron de l’Elysée, Nicolas Sarkozy après une audience à lui accordée qu’il a voulue privée en refusant à ses accompagnateurs de le suivre dans le salon présidentiel français. On sait ce qu’il est advenu de cette Opa. La bérézina du 22 mars 2009 en témoigne.

Le Pds, le seul parti au monde qui gouverne sans tenir de congrès


Le Secrétaire général national du Pds travaille depuis son accession à la magistrature suprême en 2000, à la disparition de la formation politique qui a aidé grandement à sa conquête du pouvoir. Toutes les instances du parti ont été mises en veilleuses. Les cadres écartés des sphères de direction du pays. Aucune structure significative et statutaire du parti n’est convoquée, à l’exception notoire d’un Comité directeur à la composition changeante au gré de l’humeur du patron.

Véritable instrument d’élimination des gens qui ne trouvent plus grâce auprès du chef, ou de promotion de nouveaux affidés du père et du fils ainsi que de résolutions concoctées par ces derniers, le Comité directeur du Pds est tout sauf une instance de délibération politique. Il est ainsi convoqué régulièrement à l’improviste. Depuis cinq mois, il n’a pas été appelé. Sa dernière réunion en avril dernier avait vu la participation de Idrissa Seck, de Pape Diouf, revenu au bercail, de Karim Wade coopté certainement et de Pape Samba Mboup pour ne citer que ceux-là. Depuis, il est retourné en hibernation à l’instar de toutes les autres structures du parti en attendant que l’on veuille exclure un membre ou que l’on désire adouber un transhumant.

Pis, le Pds est la seule formation politique au monde qui gouverne un pays depuis dix ans maintenant et qui n’a pas tenu de congrès. On se demande d’où les gouvernements successifs et répétitifs de Wade tirent-ils leurs orientations politiques, si le parti majoritaire de la mouvance présidentielle s’abstient de débattre politique ? Pas une seule fois, le parti n’a été sollicité pour discuter des orientations et des programmes de développement. Seule sa capacité de mobilisation folklorique à l’occasion d’accueils réservés à des hôtes de marque du président de la République est requise et/ou celle de collecter le suffrage des citoyens pendant les consultations populaires.

Autrement, il est ravalé au rang de spectateur impuissant en ce qui concerne la gestion de l’Etat. Et certains militants dépités de confier, « dans tous les pays du monde, le parti majoritaire se reflète dans la composition de l’attelage gouvernemental. Au Sénégal sous Wade, son parti a depuis 2007, la portion congrue. A la place de ses cadres qui tout au long du compagnonnage lui ont démontré leur capacité politique à assumer toutes les charges de gestion du pays aux divers postes, des hommes et des femmes sortis du néant. Des individus qui ne sont que des conseillers tout au plus de département, même pas de cabinet, à partir de CV concocté on ne sait comment, sont appelés aux affaires et occupent des postes ministériels à la place des véritables cadres du parti que l’on présente ainsi comme des incompétents et des incapables. On ne s’étonne dès lors que l’on nomme des gens dont on ignore tout et qui se révèlent souvent comme de véritables malfrats ». Ils n’en veulent pour preuve que sur « les 40 membres du gouvernement de Aguibou Soumaré, les 30, y compris le chef du gouvernement lui-même n’avaient voté ni au premier tour, ni au deuxième pour Wade en 2000. Les ambitions les plus folles de ce chef du gouvernement ne dépassaient pas celle de devenir directeur général du trésor. A sa décharge, il n’était pas demandeur ».

Et de poursuivre derechef, « on peut se demander comment arrivaient-ils à traduire en acte la vision du chef de l’Etat s’ils ignorent tout de celle-ci ? Ce serait amusant si Wade posait à tous les ministres de son actuel gouvernement la question de savoir qu’elle était la devise du Pds. La majorité n’y répondra pas si ce n’est pas la totalité ». Mais, comme Wade lui-même a décrété récemment la fin des ministres politiques, « l’ère des ministres politiques est révolue », a-t-il en effet déclaré lors de la cérémonie de remise du Grand prix du chef de l’Etat de science et de technique à Sorano.

En fait, tout est fait, selon ces militants, comme « si Wade avait une dent contre le Pds et le lui montre ». Est-ce la raison pour laquelle, il veut à sa place, le Pds/L ? Entamé en juillet 2009, le renouvellement pour une substitution du Pds par le Pds/L piétine cependant, s’il n’a pas échoué tout bonnement. Farba Senghor le maître d’œuvre peine a construire le parti du fils. Le chargé de la propagande du Pds éprouve en effet toutes les peines du monde pour monter ses structures de base afin de porter sur les fonts baptismaux, l’appareil de conquête et de conservation du pouvoir pour le fils.

La résistance libérale interne opposée à ce projet commence même à agacer. D’autant plus que les tentatives d’humiliation et de ravalement des militants et responsables de la première heure parmi lesquels, on peut citer Idrissa Seck, le maire de Thiès, Abdou Fall, Vice-président à l’Assemblée nationale autant de fois appelé au gouvernement, autant de fois défénestré, Pape Diop, Aminata Tall, l’égérie du parti, Lamine Bâ des Parcelles Assainies et même Modou Diagne Fada pour les amener à laisser la place au fils, ont achoppé. Elles n’ont pas pu prospérer devant leur légitimité non usurpée. La « candidature » d’Abdoulaye Wade annoncée prématurément depuis Washington n’y fit rien. Une candidature qui visait à anesthésier les autres prétendants au sein du parti et de la mouvance présidentielle (n’est-ce pas Djibo Ka ?), afin de préserver l’héritage pas encore assuré au fils. Dans ce cadre le choix de Farba Senghor pour conduire, la vente des cartes et les renouvellements semblait obéir à deux objectifs majeurs : identifier tous ceux qui donneront les gages que leur seule ambition est de rester à leur position de pouvoir et emmener les autres à céder la place. Des menées qui n’avaient certainement pas pris en compte, le fait que tout ce monde est convaincu que Karim Wade ne peut pas hériter le pouvoir de son père de président de la République et il qu’il était possible de mener une guérilla politique contre le projet du fils qui ferait reculer le père. Ce à quoi, on assiste aujourd’hui avec une révolte qui se fait de plus en plus jour.

Sauver le Pds pour se sauver

Abdou Fall, député libéral, vice-président à l’Assemblée nationale s’est voulu très clair le week-end dernier à Thiès. Il faut restituer à Idrissa Seck, l’édile de la capitale du Rail, toute sa place sur l’échiquier du Parti démocratique sénégalais (Pds) où il est retourné avec armes et bagages et une position institutionnelle dans l’appareil d’Etat à la mesure de son poids politique, avait-il déclaré intelligiblement dimanche dernier. Il y animait en présence de ses frères et sœurs de parti et d’ex-Rewmistes de Idrissa Seck, une conférence publique sur la nécessité de ressouder leur formation politique, de remobiliser la fibre militante pour réélire leur candidat en 2012.

L’homme politique qui ne manque pas de flair invitait ainsi son « patron », le Secrétaire général national du Pds, le président Wade, à garder l’initiative s’il ne veut pas que les « éléments » en mouvement ne s’imposent à lui. Une invite que certains de ses frères et sœurs prient fortement pour que le président adoube. Selon eux, Wade devrait au moins éteindre son front interne, constitué par son propre parti. « Il y a trop de fronts. L’opposition ragaillardie par ses résultats aux élections locales dernières et les dissensions internes du Pds, refait surface et fait feu de tous bois. La société civile se constitue et se radicalise. Les Usa, la France et l’Union européenne s’inquiètent et s’opposent de plus en plus ouvertement à la gouvernance de Wade père et fils. Les voisins du Sénégal ainsi que le continent tout entier nous regardent de haut. Tout cela pour les beaux yeux du fils. Wade risque d’être emporté pour avoir ouvert trop de fronts. L’opposition interne risque même de lui porter le coup fatal ». Alors, « il devrait emprunter à Senghor sa formule de résolution des crises en lâchant du lest chaque fois que de nécessaire », lui conseillent-ils. Selon eux, « il doit sauver le Pds du naufrage pour se sauver ». L’entendra-t-il de cette oreille ? Les jours à venir nous édifieront.



Madior Fall (Sud)

Vendredi 3 Septembre 2010 11:09


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