Le titre paru à la « Une » du quotidien Rewmi du vendredi 11 septembre 2009, « Après les déclarations fracassantes de MODY NIANG, CHEIKH AMAR lui envoie un huissier », a mis dans l’émoi ma famille, mes parents et mes amis. A la « Une » de l’édition de la veille du même quotidien, une autre déclaration qu’on m’a prêtée a failli me faire tomber à la renverse. Voici la fameuse déclaration : « Le plus petit scandale de Wade est plus grave que l’affaire Ndiouga Kébé. » La rédaction de Reewmi m’a fait heureusement l’amitié de la corriger. Je l’en remercie infiniment.
Pour ce qui est « des déclarations fracassantes » pour lesquelles CHEIKH AMAR va m’envoyer un huissier – que j’attends de pieds fermes d’ailleurs –, je rassure mes proches : il ne se passera rien, rien du tout. Le président Senghor rappelait souvent que « quand on fait l’historique d’un problème, on l’a à moitié résolu ». Je rappelle donc que, le mercredi 9 septembre 2009, j’ai été invité par l’Association nationale des Cadres pour le Progrès (Ancp) de l’Afp à faire un exposé sur l’opacité dans la gestion de nos maigres deniers publics et sur l’option très controversée des investissements de prestige des Libéraux. Pour illustrer mon exposé, j’ai passé en revue un certain nombre d’exemples choisis parmi mille autres possibles. J’ai fait ainsi état de ces fameux équipements agricoles importés d’Inde, de ce non moins fameux gros projet immobilier d’un coût déclaré de 15 milliards, du « Cœur de ville de Kaolack », des fameux cinq milliards de Sénégal pêche, des Entrepôts sénégalais au Mali (Ensema), etc.
Les équipements agricoles ont attiré pour la première fois mon attention en 2006. Cette année-là, 510 tracteurs et 800 motopompes avaient été importés d’Inde (pour un coût déclaré de huit milliards) par ce monsieur CHEIKH AMAR, et exposés dans un premier temps au Cices pendant plusieurs jours, afin que nul n’en ignore.
Me Wade les avait par la suite réceptionnés à grand renfort de publicité le 8 avril 2006 et les avait fait défiler à travers tout Dakar. Ils avaient ensuite été distribués aux agriculteurs de la Vallée du Fleuve. Un peu plus de deux mois après, le 12 avril 2006 exactement, le Premier ministre (d’alors) Macky Sall a présidé un conseil interministériel consacré au Programme agricole 2006-2007. Ce jour-là, un certain Ibrahima Fédior, président des producteurs de tomate industrielle de la vallée du Fleuve Sénégal, a jeté un véritable pavé dans la mare déjà très boueuse des Libéraux. Ce Fédior, bien connu pourtant pour sa complaisance pour Me Wade et son gouvernement a révélé, au cours de ce conseil interministériel, que les fameux 510 tracteurs de l’Inde n’étaient pas fonctionnels dans leur grande majorité et que les motopompes étaient sans moteur (sic). Le Premier ministre Macky Sall, pris de cours, instruisit (le mot est à la mode) le Ministre d’Etat Ministre de l’Economie et des Finances et son homologue de l’Agriculture, de l’Hydraulique rurale et de la Sécurité alimentaire d’alors, de convoquer d’urgence (dès le lendemain) une réunion pour « tirer au clair la question des motopompes et des nouveaux tracteurs que le Chef de l’Etat a récemment obtenus de l’Etat indien ». Il ajouta: « Je demande au Ministre de l’Agriculture, en liaison avec le Ministre de l’Économie et des Finances, de prendre à bras le corps la question des tracteurs qui sont inscrits sur la ligne indienne au niveau du Fonds de promotion économique (FPE) ainsi que les motopompes. » Se faisant plus « sérieux » et plus « menaçant », notre Premier ministre martela : « Il est incompréhensible que l’on importe d’Inde des tracteurs inadaptés à l’agriculture et des motopompes sans moteurs (sic). Au-delà de ça, il y a un programme plus ambitieux d’irrigation avec un volet important de motopompes. Il faudrait donc que la machinerie qui est importée, soit en adéquation avec les besoins des producteurs, c’est-à-dire qu’elle soit en conformité avec la réalité du terrain. »
Huit milliards, pour des tracteurs qui ne sont pas adaptés à nos sols ! Pour des motopompes sans moteur ! C’était quand même assez gros et, à l’époque, dans une contribution parue au quotidien Walfadjri du 13 novembre 2007, je me suis posé les questions suivantes : qui est ce Cheikh Amar ? Quelle est cette TSE qui a importé les tracteurs et motopompes subventionnés à 40 % par l’Etat du Sénégal ? Combien tout ce matériel inadapté aura-t-il finalement coûté au pauvre contribuable sénégalais ? Combien l’opérateur privé sorti d’on ne sait où aura-t-il facilement gagné dans cette nébuleuse opération ? Combien d’affaires de ce type restent-elles dans l’ombre ? Combien d’autres milliards auront-ils été injectés presque pour rien dans l’agriculture? Pour ne prendre qu’un exemple parmi mille autres, le 1er août 2006, le Ministre d’Etat, Ministre de l’Economie et des Finances a révélé, lors du débat sur les nouvelles orientations budgétaires, que « de 2001 à 2005, le monde rural a reçu plus de 678 milliards 200 millions de francs Cfa », soit environ 135 milliards en moyenne annuelle. Pour la campagne agricole en cours, le Gouvernement libéral a prévu d’investir 190 milliards » . Autant de milliards injectés dans monde rural en cinq ans ! Où est passé tout cet argent ? Les pauvres paysans resteront bouche bée et écarquilleront à juste titre les yeux devant cette question.
Et nous les comprendrons parfaitement si nous revenons au Conseil interministériel du 12 avril 2006. Ce jour-là, le Premier ministre Macky Sall, comme dans un ndêpp, confessait ce qui suit : « Beaucoup d’argent a été injecté dans l’agriculture, mais nous ne voyons pas les rendements. Il y a une multitude de programmes agricoles, mais ils n’ont pas encore permis d’atténuer les problèmes. Il faudrait que l’on s’arrête un peu pour procéder à leur évaluation ou en faire un diagnostic objectif. » Son Ministre de l’Economie maritime d’alors, Djibo L. Ka, pourtant si généreux en louanges à l’endroit de Me Wade et de sa gouvernance, reconnaissait lui aussi l’inefficacité des investissements dans l’agriculture. Il déclarait notamment : « Chaque année, nous mettons des milliards dans l’agriculture mais le secteur continue de poser des problèmes. Structurellement, nous avons un problème de fond. Il faudrait que l’on s’arrête pour faire le point sur l’efficacité de nos investissements. » Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, M. Ka s’est interrogé sur l’impact des programmes spéciaux sur le revenu des paysans .
Aujourd’hui encore, le même Cheikh Amar continue d’importer du matériel agricole d’Inde pour des dizaines et des dizaines de milliards. A quel titre ? Pourquoi lui seul et pas les autres ? De quelle expérience se prévaut-il dans ce domaine ? Je suis fondé à me poser ces questions. On se souvient du fameux conseil présidentiel de Me Wade (18 avril 2008), où il présentait sa fameuse Goana, avec des objectifs titanesques. Il donnait l’assurance que tous les intrants et autres équipements seraient sur place et à temps. Il révélait : « Nous avons déjà importé de l’Inde des équipements. Nous avons commandé le complément ». C’est qui « nous » ? Si C’est encore avec le même Amar, c’est grave, parce que ce serait encore la confusion entre l’Etat et le privé qui signifient pour lui la même chose.
C’est à ce même Cheikh Amar – toujours lui – qu’a été octroyé, quelques mois avant la tenue de l’Oci, un gros projet immobilier. Je signale qu’il est beaucoup question ces temps derniers des villas fantômes de l’Anoci, avec ces 26 milliards révélés par A. L. Coulibaly. Il en a été question aussi lors de la conférence que j’ai co-animée le mercredi 9 septembre 2009. Les villas dont moi je parle, et que j’ai abordées dans ma contribution parue l’édition de Walfadjri du 13 novembre 2007 (et dans d’autres d’ailleurs), sont celles révélées par Nouvel Horizon n°597 du 09 au 15 septembre 2007. Voici ce qu’écrivait alors l’hebdomadaire (qui a élu M. AMAR homme de l’année 2008 et qu’il ne pourrait donc suspecter d’hostilité) :
« L’Anoci a adoubé la Société TSE de Cheikh Amar pour la réalisation d’un projet immobilier de très grande envergure, qui sera implanté sur l’emprise de l’aéroport international de Dakar L.S. Senghor de Yoff. Ce projet dit des villas présidentielles de l’OCI, poursuit l’hebdomadaire dakarois, serait estimé autour de 15 milliards de francs Cfa. Il s’agit d’un complexe immobilier de plusieurs villas de très haut standing, pour accueillir les grosses pointures politiques du prochain sommet de l’Oci, en mars 2008. L’heureux bénéficiaire de ce projet qualifié de pharaonique par Nouvel Horizon a déjà obtenu des services de l’Etat toutes les autorités requises pour la mise en œuvre du vaste terrain qui lui a été attribué. »
Voilà ce que révélait l’hebdomadaire dakarois et l’information n’avait pas manqué de retenir mon attention. Je me disais : « encore lui ! » Et les questions se bousculaient dans ma tête :
« Qui est ce Cheikh Amar qui bénéficie d’autant d’attention de la part du président Wade ? De quelles expériences se prévaut-il pour mériter tant d’attention ? Quelles sont ses références d’avant le 19 mars 2000 ? Quelles expériences en bâtiments surtout lui valent-elles de bénéficier du gros marché de 15 milliards pour réaliser des villas de très haut standing destinées à accueillir d’illustres chefs d’Etat et de gouvernement ? Qui se cacherait derrière ce type inconnu des milieux du bâtiment et des équipements agricoles avant l’alternance ? »
Ces questions-là, nous continuerons de nous les poser tant que des réponses convaincantes ne nous seront pas proposées.
Voilà ce que j’ai dit et écrit sur ces fameuses villas présidentielles (l’expression est bien de Nouvel Horizon) et je le maintiens. Je ne les confonds pas avec ces autres villas fantômes qui occupent l’actualité aujourd’hui. Il est vrai qu’avec cette forte concentration de tous les chantiers entre les mains de quelques quatre à cinq privilégiés, on y perd facilement son latin.
Ces questions que je me pose sur ce CHEIKH AMAR, je me les pose sur tous ces hommes préférés de Me Wade et à qui la part belle est faite dans ce qu’on appelle ses grands chantiers. Je rappelle d’ailleurs que dans ses « confidentiels », Nouvel Horizon n° 687 du 28 août au 03 septembre 2007 cite (encore) son nom dans « un village érigé sur les Mamelles, un véritable projet immobilier d’un coût global estimé à 43 milliards de francs Cfa réalisé sur financement privé ». Selon l’hebdomadaire, « Monsieur Cheikh Amar et son entreprise Touba Real State, TRE, ont fourni un dossier pour le financement et la réalisation de ce projet avec Pierre Goudiaby comme architecte-conseil ».
Quarante trois (43) milliards, c’est quand même beaucoup pour un homme, un entrepreneur que nous ne découvrons pas avant 2001 ! Là aussi, nous serions fondé à nous poser légitimement des questions. D’où proviendra le financement ? Ne bénéficiera-t-il pas, comme Mbackiou Faye, d’un énorme coup de pouce de la part de l’Etat ?
Je dois aussi apporter des précisions pour apaiser l’architecte Pierre Goudiaby Atepa. Je cite souvent son nom, puisqu’il est souvent partie prenante dans les chantiers de Me Wade. Ces chantiers qui ne sont en général ni planifiés, ni étudiés, ni prévus au budget, sortent de sa tête comme par enchantement, selon son inspiration et ses humeurs du moment. Il a alors besoin, pour se sortir d’affaires, de faire souvent appel à son architecte conseil (qu’il m’arrive d’appeler amicalement architecte fétiche), qui doit imaginer des solutions, comme quand il s’est agi, en 2002, de « relooker » le Cices pour abriter une Conférence internationale sur le Nepad. Je n’avais alors mis en aucun cas en cause M. Atépa dans l’interrogation relative à la destination des deux chèques (l’un du Koweït, l’autre de l’Arabie saoudite). Avec, plus tard, les révélations de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck sur la rocambolesque gestion des fonds spéciaux du président de la République, Je me suis demandé par la suite si les deux chèques n’avaient pas emprunté une autre voie que celle qui mène au Trésor public, leur place naturelle. La responsabilité de l’architecte conseil ne pouvait être, en aucun cas, engagée ici.
J’ai également évoqué son nom dans cette fameuse Université du Futur africain (UFA), en faisant remarquer que c’est lui qui, après avoir présenté la maquette à la télévision nationale (Journal parlé de 20 heures 30) et décliné le coût (15 milliards de francs Cfa) a dit ceci : « L’entrepreneur se mettra en rapport avec le Pcrpe pour le début des travaux. ».J’ai ensuite suivi l’évolution du chantier qui piétine et qui, entre temps, a largement dépassé le coût initial alors qu’il est loin, très loin d’être déterminé. Je n’ai plus cité le nom de l’architecte conseil nulle part, en tout cas pas concernant ce chantier.
Voilà les précisions que je tenais à apporter, suite à cette plainte qu’on fait planer au-dessus de ma tête et qui ne me dérange pas le moins du monde. Personne ne peut m’empêcher de réfléchir sur la gestion de nos deniers publics, encore moins de me poser des questions. Je me les poserai chaque fois que de besoin, concernant ces compatriotes qui font l’objet d’une attention particulière de la part de Me Wade, et qui se taillent la part du lion dans ses nébuleux chantiers. Il en est ainsi, pour ne citer qu’eux, de CHEIKH AMAR, de MBACKIOU FAYE et d’un certain MBAYE DIOP, qui sont à la tête d’entreprises jumelles de l’alternance et devenues, comme par enchantement, tout d’un coup très prospères. Il s’agit, entre autres, de la TSE, de la TRE, de la SATTAR, etc.
MODY NIANG, e-mail : modyniang@arc.sn
Pour ce qui est « des déclarations fracassantes » pour lesquelles CHEIKH AMAR va m’envoyer un huissier – que j’attends de pieds fermes d’ailleurs –, je rassure mes proches : il ne se passera rien, rien du tout. Le président Senghor rappelait souvent que « quand on fait l’historique d’un problème, on l’a à moitié résolu ». Je rappelle donc que, le mercredi 9 septembre 2009, j’ai été invité par l’Association nationale des Cadres pour le Progrès (Ancp) de l’Afp à faire un exposé sur l’opacité dans la gestion de nos maigres deniers publics et sur l’option très controversée des investissements de prestige des Libéraux. Pour illustrer mon exposé, j’ai passé en revue un certain nombre d’exemples choisis parmi mille autres possibles. J’ai fait ainsi état de ces fameux équipements agricoles importés d’Inde, de ce non moins fameux gros projet immobilier d’un coût déclaré de 15 milliards, du « Cœur de ville de Kaolack », des fameux cinq milliards de Sénégal pêche, des Entrepôts sénégalais au Mali (Ensema), etc.
Les équipements agricoles ont attiré pour la première fois mon attention en 2006. Cette année-là, 510 tracteurs et 800 motopompes avaient été importés d’Inde (pour un coût déclaré de huit milliards) par ce monsieur CHEIKH AMAR, et exposés dans un premier temps au Cices pendant plusieurs jours, afin que nul n’en ignore.
Me Wade les avait par la suite réceptionnés à grand renfort de publicité le 8 avril 2006 et les avait fait défiler à travers tout Dakar. Ils avaient ensuite été distribués aux agriculteurs de la Vallée du Fleuve. Un peu plus de deux mois après, le 12 avril 2006 exactement, le Premier ministre (d’alors) Macky Sall a présidé un conseil interministériel consacré au Programme agricole 2006-2007. Ce jour-là, un certain Ibrahima Fédior, président des producteurs de tomate industrielle de la vallée du Fleuve Sénégal, a jeté un véritable pavé dans la mare déjà très boueuse des Libéraux. Ce Fédior, bien connu pourtant pour sa complaisance pour Me Wade et son gouvernement a révélé, au cours de ce conseil interministériel, que les fameux 510 tracteurs de l’Inde n’étaient pas fonctionnels dans leur grande majorité et que les motopompes étaient sans moteur (sic). Le Premier ministre Macky Sall, pris de cours, instruisit (le mot est à la mode) le Ministre d’Etat Ministre de l’Economie et des Finances et son homologue de l’Agriculture, de l’Hydraulique rurale et de la Sécurité alimentaire d’alors, de convoquer d’urgence (dès le lendemain) une réunion pour « tirer au clair la question des motopompes et des nouveaux tracteurs que le Chef de l’Etat a récemment obtenus de l’Etat indien ». Il ajouta: « Je demande au Ministre de l’Agriculture, en liaison avec le Ministre de l’Économie et des Finances, de prendre à bras le corps la question des tracteurs qui sont inscrits sur la ligne indienne au niveau du Fonds de promotion économique (FPE) ainsi que les motopompes. » Se faisant plus « sérieux » et plus « menaçant », notre Premier ministre martela : « Il est incompréhensible que l’on importe d’Inde des tracteurs inadaptés à l’agriculture et des motopompes sans moteurs (sic). Au-delà de ça, il y a un programme plus ambitieux d’irrigation avec un volet important de motopompes. Il faudrait donc que la machinerie qui est importée, soit en adéquation avec les besoins des producteurs, c’est-à-dire qu’elle soit en conformité avec la réalité du terrain. »
Huit milliards, pour des tracteurs qui ne sont pas adaptés à nos sols ! Pour des motopompes sans moteur ! C’était quand même assez gros et, à l’époque, dans une contribution parue au quotidien Walfadjri du 13 novembre 2007, je me suis posé les questions suivantes : qui est ce Cheikh Amar ? Quelle est cette TSE qui a importé les tracteurs et motopompes subventionnés à 40 % par l’Etat du Sénégal ? Combien tout ce matériel inadapté aura-t-il finalement coûté au pauvre contribuable sénégalais ? Combien l’opérateur privé sorti d’on ne sait où aura-t-il facilement gagné dans cette nébuleuse opération ? Combien d’affaires de ce type restent-elles dans l’ombre ? Combien d’autres milliards auront-ils été injectés presque pour rien dans l’agriculture? Pour ne prendre qu’un exemple parmi mille autres, le 1er août 2006, le Ministre d’Etat, Ministre de l’Economie et des Finances a révélé, lors du débat sur les nouvelles orientations budgétaires, que « de 2001 à 2005, le monde rural a reçu plus de 678 milliards 200 millions de francs Cfa », soit environ 135 milliards en moyenne annuelle. Pour la campagne agricole en cours, le Gouvernement libéral a prévu d’investir 190 milliards » . Autant de milliards injectés dans monde rural en cinq ans ! Où est passé tout cet argent ? Les pauvres paysans resteront bouche bée et écarquilleront à juste titre les yeux devant cette question.
Et nous les comprendrons parfaitement si nous revenons au Conseil interministériel du 12 avril 2006. Ce jour-là, le Premier ministre Macky Sall, comme dans un ndêpp, confessait ce qui suit : « Beaucoup d’argent a été injecté dans l’agriculture, mais nous ne voyons pas les rendements. Il y a une multitude de programmes agricoles, mais ils n’ont pas encore permis d’atténuer les problèmes. Il faudrait que l’on s’arrête un peu pour procéder à leur évaluation ou en faire un diagnostic objectif. » Son Ministre de l’Economie maritime d’alors, Djibo L. Ka, pourtant si généreux en louanges à l’endroit de Me Wade et de sa gouvernance, reconnaissait lui aussi l’inefficacité des investissements dans l’agriculture. Il déclarait notamment : « Chaque année, nous mettons des milliards dans l’agriculture mais le secteur continue de poser des problèmes. Structurellement, nous avons un problème de fond. Il faudrait que l’on s’arrête pour faire le point sur l’efficacité de nos investissements. » Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, M. Ka s’est interrogé sur l’impact des programmes spéciaux sur le revenu des paysans .
Aujourd’hui encore, le même Cheikh Amar continue d’importer du matériel agricole d’Inde pour des dizaines et des dizaines de milliards. A quel titre ? Pourquoi lui seul et pas les autres ? De quelle expérience se prévaut-il dans ce domaine ? Je suis fondé à me poser ces questions. On se souvient du fameux conseil présidentiel de Me Wade (18 avril 2008), où il présentait sa fameuse Goana, avec des objectifs titanesques. Il donnait l’assurance que tous les intrants et autres équipements seraient sur place et à temps. Il révélait : « Nous avons déjà importé de l’Inde des équipements. Nous avons commandé le complément ». C’est qui « nous » ? Si C’est encore avec le même Amar, c’est grave, parce que ce serait encore la confusion entre l’Etat et le privé qui signifient pour lui la même chose.
C’est à ce même Cheikh Amar – toujours lui – qu’a été octroyé, quelques mois avant la tenue de l’Oci, un gros projet immobilier. Je signale qu’il est beaucoup question ces temps derniers des villas fantômes de l’Anoci, avec ces 26 milliards révélés par A. L. Coulibaly. Il en a été question aussi lors de la conférence que j’ai co-animée le mercredi 9 septembre 2009. Les villas dont moi je parle, et que j’ai abordées dans ma contribution parue l’édition de Walfadjri du 13 novembre 2007 (et dans d’autres d’ailleurs), sont celles révélées par Nouvel Horizon n°597 du 09 au 15 septembre 2007. Voici ce qu’écrivait alors l’hebdomadaire (qui a élu M. AMAR homme de l’année 2008 et qu’il ne pourrait donc suspecter d’hostilité) :
« L’Anoci a adoubé la Société TSE de Cheikh Amar pour la réalisation d’un projet immobilier de très grande envergure, qui sera implanté sur l’emprise de l’aéroport international de Dakar L.S. Senghor de Yoff. Ce projet dit des villas présidentielles de l’OCI, poursuit l’hebdomadaire dakarois, serait estimé autour de 15 milliards de francs Cfa. Il s’agit d’un complexe immobilier de plusieurs villas de très haut standing, pour accueillir les grosses pointures politiques du prochain sommet de l’Oci, en mars 2008. L’heureux bénéficiaire de ce projet qualifié de pharaonique par Nouvel Horizon a déjà obtenu des services de l’Etat toutes les autorités requises pour la mise en œuvre du vaste terrain qui lui a été attribué. »
Voilà ce que révélait l’hebdomadaire dakarois et l’information n’avait pas manqué de retenir mon attention. Je me disais : « encore lui ! » Et les questions se bousculaient dans ma tête :
« Qui est ce Cheikh Amar qui bénéficie d’autant d’attention de la part du président Wade ? De quelles expériences se prévaut-il pour mériter tant d’attention ? Quelles sont ses références d’avant le 19 mars 2000 ? Quelles expériences en bâtiments surtout lui valent-elles de bénéficier du gros marché de 15 milliards pour réaliser des villas de très haut standing destinées à accueillir d’illustres chefs d’Etat et de gouvernement ? Qui se cacherait derrière ce type inconnu des milieux du bâtiment et des équipements agricoles avant l’alternance ? »
Ces questions-là, nous continuerons de nous les poser tant que des réponses convaincantes ne nous seront pas proposées.
Voilà ce que j’ai dit et écrit sur ces fameuses villas présidentielles (l’expression est bien de Nouvel Horizon) et je le maintiens. Je ne les confonds pas avec ces autres villas fantômes qui occupent l’actualité aujourd’hui. Il est vrai qu’avec cette forte concentration de tous les chantiers entre les mains de quelques quatre à cinq privilégiés, on y perd facilement son latin.
Ces questions que je me pose sur ce CHEIKH AMAR, je me les pose sur tous ces hommes préférés de Me Wade et à qui la part belle est faite dans ce qu’on appelle ses grands chantiers. Je rappelle d’ailleurs que dans ses « confidentiels », Nouvel Horizon n° 687 du 28 août au 03 septembre 2007 cite (encore) son nom dans « un village érigé sur les Mamelles, un véritable projet immobilier d’un coût global estimé à 43 milliards de francs Cfa réalisé sur financement privé ». Selon l’hebdomadaire, « Monsieur Cheikh Amar et son entreprise Touba Real State, TRE, ont fourni un dossier pour le financement et la réalisation de ce projet avec Pierre Goudiaby comme architecte-conseil ».
Quarante trois (43) milliards, c’est quand même beaucoup pour un homme, un entrepreneur que nous ne découvrons pas avant 2001 ! Là aussi, nous serions fondé à nous poser légitimement des questions. D’où proviendra le financement ? Ne bénéficiera-t-il pas, comme Mbackiou Faye, d’un énorme coup de pouce de la part de l’Etat ?
Je dois aussi apporter des précisions pour apaiser l’architecte Pierre Goudiaby Atepa. Je cite souvent son nom, puisqu’il est souvent partie prenante dans les chantiers de Me Wade. Ces chantiers qui ne sont en général ni planifiés, ni étudiés, ni prévus au budget, sortent de sa tête comme par enchantement, selon son inspiration et ses humeurs du moment. Il a alors besoin, pour se sortir d’affaires, de faire souvent appel à son architecte conseil (qu’il m’arrive d’appeler amicalement architecte fétiche), qui doit imaginer des solutions, comme quand il s’est agi, en 2002, de « relooker » le Cices pour abriter une Conférence internationale sur le Nepad. Je n’avais alors mis en aucun cas en cause M. Atépa dans l’interrogation relative à la destination des deux chèques (l’un du Koweït, l’autre de l’Arabie saoudite). Avec, plus tard, les révélations de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck sur la rocambolesque gestion des fonds spéciaux du président de la République, Je me suis demandé par la suite si les deux chèques n’avaient pas emprunté une autre voie que celle qui mène au Trésor public, leur place naturelle. La responsabilité de l’architecte conseil ne pouvait être, en aucun cas, engagée ici.
J’ai également évoqué son nom dans cette fameuse Université du Futur africain (UFA), en faisant remarquer que c’est lui qui, après avoir présenté la maquette à la télévision nationale (Journal parlé de 20 heures 30) et décliné le coût (15 milliards de francs Cfa) a dit ceci : « L’entrepreneur se mettra en rapport avec le Pcrpe pour le début des travaux. ».J’ai ensuite suivi l’évolution du chantier qui piétine et qui, entre temps, a largement dépassé le coût initial alors qu’il est loin, très loin d’être déterminé. Je n’ai plus cité le nom de l’architecte conseil nulle part, en tout cas pas concernant ce chantier.
Voilà les précisions que je tenais à apporter, suite à cette plainte qu’on fait planer au-dessus de ma tête et qui ne me dérange pas le moins du monde. Personne ne peut m’empêcher de réfléchir sur la gestion de nos deniers publics, encore moins de me poser des questions. Je me les poserai chaque fois que de besoin, concernant ces compatriotes qui font l’objet d’une attention particulière de la part de Me Wade, et qui se taillent la part du lion dans ses nébuleux chantiers. Il en est ainsi, pour ne citer qu’eux, de CHEIKH AMAR, de MBACKIOU FAYE et d’un certain MBAYE DIOP, qui sont à la tête d’entreprises jumelles de l’alternance et devenues, comme par enchantement, tout d’un coup très prospères. Il s’agit, entre autres, de la TSE, de la TRE, de la SATTAR, etc.
MODY NIANG, e-mail : modyniang@arc.sn
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