Boko Haram continue de mener des assauts contre des villages dans l'Etat de Borno, où sont pourtant déployés vingt mille soldats nigérians. Les dernières attaques en date ont fait des dizaines de morts dans quatre villages majoritairement chrétiens, selon un décompte provisoire.
Des combattants de Boko Haram ont attaqué notamment le village d'Attagara dimanche matin, à l'heure de la messe. Des civils constitués en comités d'auto-défense ont alors répliqué. Le lendemain, les combattants de Boko Haram sont revenus en masse pour une expédition punitive.
D'après nos informations, une large partie du district de Gwoza est, à l'Est de Chibok, est en état de siège. Les insurgés occupent toujours les quatre villages attaqués depuis lundi. Seules les femmes et les enfants en bas âge sont encore sur place. Les hommes et les jeunes garçons ont pris la fuite et ont trouvé refuge dans les montagnes Mandara, ainsi qu'au Cameroun. Ils attendent toujours d'être secourus par l'armée.
Trois villages chrétiens – Attagara, Agapalwa, et Aganjara – ont été réduits en cendres. Les insurgés ont tué, pillé et volé le bétail avant d'incendier les habitations et les églises. Le village de Goshe, majoritairement musulman, a connu le même sort. Il s'agit de villages situés à quelques kilomètres du Cameroun, quasiment mitoyens, densément peuplés et proches de la forêt de Sambisa qui abrite plusieurs camps de Boko Haram.
C'est l'attaque contre le village d'Attagara qui, semble-t-il, a été la plus meurtrière. Après un premier assaut repoussé par des civils dimanche matin, les insurgés ont débarqué en masse, lundi, pour une expédition punitive. Ils portaient des uniformes de l'armée régulière, et ont réuni les villageois qui sont tombés dans leur piège. Les insurgés les ont encerclés, avant de les exécuter, épargnant seulement les femmes et les nourrissons.Le village d’Attagara durement attaqué
Joint par RFI, Peterl Biye, député de la circonscription de Chibok, Gwoza et Damboa pour le parti d'opposition APC, décrit l'attaque des insurgés de Boko Haram :
« Les insurgés sont arrivés dans le village d'Attagara lundi à une heure de l'après-midi, en motos et en camionnette. Ils avaient des mitraillettes et portaient des uniformes de l'armée. Les villageois ont commencé à s'enfuir mais les insurgés les ont rappelés, ils leur ont dit qu'ils faisaient partie de l'armée et qu'ils n'avaient rien à craindre. Alors les villageois sont revenus. Les insurgés les ont encerclés, et ils se sont mis à tirer sur tout le monde.
Personne ne peut dire précisément combien de villageois ont été tués car il y a vraiment beaucoup de victimes. Tous les villageois ont été réunis en un même endroit et ont été exécutés. Ils n'ont pas tiré sur les femmes ni sur les enfants en bas âge, mais les enfants âgés de dix ans et plus ont été tués. Et les attaques se poursuivent. Ils brûlent les maisons et pillent. Cela dure depuis lundi. Je n'ai cessé d'alerter les autorités et les responsables militaires. Tous les survivants et les villageois des alentours se sont enfuis dans les montagnes Mandara. Les réfugiés me disent qu'il n'y a aucun soldat ; ils ne voient que les insurgés qui maîtrisent totalement la zone », témoigne Peter Biye.
« Une situation de guerre »
En fin de journée, RFI a pu joindre le sénateur Mohammed Ndume qui se trouve à Maiduguri – capitale de l’Etat de Borno – et qui venait tout juste de quitter une réunion avec les autorités locales et des villageois rescapés. Il décrit un état de siège et livre un premier bilan humain qui risque fort de s’alourdir :
« Nous pouvons confirmer qu'environ cent personnes ont été enterrées dans trois villages voisins des attaques. Tout le secteur de Gwoza Est – qui comprend six sous-districts et qui abrite cent mille habitants – est en état de siège. Il est assiégé par Boko Haram. Cela veut dire qu'à l'heure où je vous parle, les insurgés continuent d'attaquer, de kidnapper, de voler le bétail et les stocks de nourriture des villageois et de mettre le feu à leurs maisons. C'est une situation de guerre ! Les autorités ont dit qu'elles allaient se mobiliser pour déployer des gens. Hier, elles ont promis que l'armée se rendrait sur place. Même promesse cet après-midi, mais rien ne s'est passé », s'est insurgé le sénateur Mohammed Ndume.
Source : Rfi.fr