Optique citoyenne: Le «Bennoo» et le «And» du G20 pour un «Sopi» mondial



Le très attendu sommet du G20 (vingt) n’a pas été vain. Au-delà de l’homonymie entre vingt et vain, beaucoup craignaient fortement un cuisant échec. Un sommet de plus qui viendrait doucher notamment les ardeurs des «grands» de ce monde.

L’écrivain français Jacques Attali prédisait que le G20 serait «un échec programmé». De l’avis de l'ancien conseiller de François Mitterrand, faisant dans l’ironie, « nous vivons sous la domination du modèle anglo-saxon, qui n'a aucun intérêt à remettre en cause son propre système financier. Avoir organisé le G20 à Londres, c'est comme organiser une réunion d'alcooliques dans un bar où l'on sert du vin». Son pessimisme humoristique compréhensible n’a pas pour le moment prévalu.

Et les protagonistes du G20 semblaient comprendre l’ampleur de la mission. Le cadre était déjà bien campé dans le bien nommé centre de conférence EXCEL, proche de l’excellence. Il n’en fallait pas moins pour répondre aux défis urgents et structurels lancés par la crise économique et financière mondiale.

En définitive, même la redoutable guerre de Troie entre partisans de la Relance, ceux de la Régulation et les pays émergeants n’a a as eu lieu. Les deux rives de l’Atlantique on su noyer leurs profondes divergences dans l’océan du réalisme et de la responsabilité. Et cerise sur le gâteau, les manifestants alter mondialistes et écologistes ont été servis sur le plateau de l’approche environnementale prônée pour le « redéveloppement » économique.

Finalement la grand’messe a été porteuse d’un message intéressant. Il ne faut donc pas, car la tentation est grande, cracher sur les résolutions du sommet de Londres.
Ce n’est certes pas une panacée ou une poudre de perlimpinpin mais le préjugé peut être favorable.
Déjà, plus de mille milliards de dollars seront débloqués pour la relance de cette machine en panne pour laquelle une meilleure régulation est prévue afin d’éviter de graves dérives préjudiciables à la stabilité mondiale. Mais gare à l’euphorie et au triomphalisme. Car il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Le plus dur reste à venir. La mise en œuvre de ce vaste chantier de réformes et de contrôles est une autre paire de manches.

Il est vrai que des efforts accrus doivent être déployés en ce qui concerne notamment la dette, véritable boulet pour les pays du sud et l’émigration surtout clandestine qui charrie des drames inouïs.
Toutefois, il convient de saluer l’esprit d’unité qui a présidé lors de cette rencontre du G20 à Londres et de celles qui l’ont suivie quelques jours après à Strasbourg pour le 60èmeanniversaire de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), à Prague pour le sommet USA-UE et même le déplacement du président américain Barack Obama en Turquie, trait d’union entre l’Orient et l’Occident.

Cette inflation de sommets repose sur un dénominateur commun : la volonté de changer le cours anormal des choses. Pacifier, en un mot. Aux grands maux, les grands remèdes. On peut formuler tous les griefs sur les modalités mais une constante demeure : la prise de conscience effective que la situation ne peut impunément rester en l’état. C’est un principe fort.

Le caractère éclectique des convives du G20 (USA, UE, Chine, Inde, Afrique du Sud Arabie Saoudite, etc.) montre que la diversité n’est pas antinomique à l’unité d’actions. Cet esprit de dépassement fait d’union, de mobilisation pour changer les choses est louable, comme l’a souligné le Premier ministre britannique Gordon Brown qui parle de la naissance d'un«nouvel ordre mondial, le jour où le monde s'est mis ensemble pour combattre la récession».

L’expression est lâchée : rassemblement. Rien de moins !
Au Sénégal, toutes proportions gardées et devant les nombreux défis qui nous assaillent, c’est ce qui nous fait cruellement défaut !

Le discours du chef de l’Etat à l’occasion de la fête de l’Indépendance a cherché à faire écho à cette nécessité historique du dialogue. C’était tout à son honneur mais l’adresse solennelle du président Wade a finalement raté le coche. La tonalité de l’allocution présidentielle a été élevée jusqu’à hauteur de la station vice-présidentielle et a butté sur le statut du chef de l’opposition. Ces deux points sont des goulets d’étranglement dans la marche actuelle de notre pays.

Le poste de vice-président est superfétatoire et peut empoisonner l’atmosphère actuelle. D’abord, il est un potentiel doublon de celui de Premier ministre. Ensuite, son érection fera inutilement saliver l’opposition et la société civile sur la volonté du chef de l’Etat de créer pour quelqu’un un raccourci institutionnel pour accéder au sommet sans passer par le suffrage universel. Une sorte de courte échelle pour grimper à la station suprême. Enfin, cette fonction induira des dépenses budgétaires non prioritaires.

Pour ce qui est du statut de l’opposition et de son chef, c’est également inopportun. Désigner un patron pour l‘opposition, c’est comme essayer choisir un général de guerre à des troupes ennemies. La manœuvre est déjà qualifiée de tentative de diversion par ses destinataires.

Une autre déclaration malheureuse est celle tenue par le n°1 sénégalais à l’issue du défilé du 4 avril. « Personne ne pense, aujourd’hui, s’attaquer au Sénégal ». Pour une parade qui célébrait la diplomatie, on pouvait vraiment trouver mieux. Le tigre n’a pas besoin de crier sa « tigritude », professait le Prix Nobel nigérian Wolé Soyinka. Fermons cette parenthèse peu diplomatique.
Rangeons les vestiges et reliques politiciens dans les placards de l’histoire et ouvrons les chantiers d’une gouvernance de propulsion. Tant que les logiques politiciennes et clientélistes l’emporteront sur les urgences et exigences citoyennes et républicaines, nous voguerons sur des eaux troubles.
Tourner la page des élections, s’impose mais à commencer par le président de la République, la clé de voûte des institutions pour ne pas dire le maître du jeu habitué à déplacer constamment des pions sur l’échiquier politique. Ces postures ludiques deviennent à la longue caduques.

Quant à l’opposition, l’oreille citoyenne lui dit de cesser de jouer sur le tempo suranné et peu agréable du fichier électoral. Les dernières consultations du 22 mars ont su démontrer que le contentieux électoral est plus virtuel que réel. Le seul contentieux qui vaille est celui du management des affaires publiques. Tout le reste n’est que dérision et supputation.

La crise actuelle appelle à la mobilité des lignes rigides entre la traditionnelle gouvernance solitaire et l’opposition de dénonciation stérile. Le message électoral pourrait s’imaginer ainsi qu’il suit : trêve de chicaneries, unissez-vous (Bennoo) et cheminez ensemble (And) pour changer les choses (Sopi). Nous passerions de l’état brut des slogans de campagne au stade de la réalité palpable pour le bien-être et l’épanouissement des Sénégalais. Les lignes sont appelées à évoluer sensiblement au bénéfice de tous. Ce qui est urgent, c’est de réfléchir sur un consensus dynamique et non monolithique pour sortir du creux de la vague et débloquer notre Etat-Nation, bloqué par des querelles de bas étage. C’est à cette condition seulement que la locomotive qu’est la classe politique dirigeante pourra conduire la nation à bonne destination. Faute de quoi elle sera obligée de changer de conducteur à la prochaine gare pour espérer apercevoir la lumière au bout du tunnel.
Quand le G20 parle de "nouvel ordre économique mondial", nous pourrions ici parler de " nouvel ordre politique national" qui transcende et décloisonne les clivages habituels et inopérants.

Abdoulaye SYLLA
syllaye@gmail.com




Abdoulaye SYLLA

Mardi 7 Avril 2009 11:26


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