Peu d’informations ont filtré à l’issue de la rencontre quadripartite à Islamabad. Seule certitude : les participants ont appelé à une reprise urgente du dialogue direct entre les talibans et les représentants du gouvernement afin de préserver l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Afghanistan. Et, signe encourageant, les délégations se sont donné rendez-vous lundi 18 janvier pour une nouvelle session de pourparlers qui aura lieu cette fois à Kaboul. Le second signal positif est le réchauffement des relations entre l’Afghanistan et le Pakistan, qui sont entrées dans une phase relative de normalisation.
Les gouvernements des deux pays ont conscience de faire face à de sérieuses menaces et comprennent qu’une stabilisation régionale est absolument indispensable. Certains observateurs espèrent d’ailleurs que la présence de la Chine et des Etats-Unis dans ces pourparlers les aidera à surmonter cette méfiance mutuelle. Kaboul estime toujours que le Pakistan sert de base arrière aux insurgés islamistes, en particulier au réseau Haqqani, responsable des attaques les plus sanglantes en Afghanistan et inscrit par les Etats-Unis sur la liste des organisations terroristes.
Dissensions internes
Cette rencontre doit permettre d’élaborer une feuille de route pour établir un contact direct avec les insurgés. Il est en effet indispensable dans un premier lieu d’identifier les talibans ouverts au dialogue, car tous ne sont pas prêts à discuter avec le gouvernement afghan, loin s’en faut.
C’est le principal point de scission entre les deux factions talibanes. Le mouvement est divisé depuis l’annonce de la mort de leur leader historique. Le mollah Omar est décédé deux ans plus tôt, mais son décès a été longtemps gardé secret. Quant à son successeur, lemollah Akhtar Mansour, on le dit plutôt ouvert à des négociations de paix avec Kaboul, mais il est loin de faire l’unanimité. Une faction fidèle au mollah Rassoul, qui a fait sécession fin 2015, ne reconnaît pas l’autorité du mollah Mansour et s’oppose à toute discussion avec Kaboul tant que des forces militaires étrangères seront déployées en Afghanistan.
Offensive hivernale d’une intensité inédite
Force est de constater que depuis le départ des troupes étrangères d’Afghanistan, le conflit ne faiblit pas. Les insurgés ont même intensifié leurs attaques, transformant leur traditionnelle offensive de printemps en attaques quasi continues sur tout le territoire.
Et de fait, depuis le printemps dernier, les combattants islamistes ont multiplié les attaques aussi bien dans leur fief du Helmand au sud du pays, que dans le nord, où ils ont réussi fin septembre à conquérir la grande ville Kunduz, infligeant un sérieux revers à l’armée afghane. Plusieurs attentats ont également touché ces dernières semaines la capitale Kaboul. Selon les experts, cette pression sur le terrain est une manière pour les talibans d’arriver en force à la table des négociations, et de poser leurs conditions.
Le rôle majeur des Américains et des Chinois
Si le rôle du Pakistan dans la reprise du dialogue avec les talibans n’est plus à démontrer, un changement radical de la politique pakistanaise à l’égard de Kaboul serait déjà à l’ordre du jour. En témoigne la visite le mois dernier en Afghanistan du chef de l’armée pakistanaise, Raheel Sharif, sans le numéro 1 des puissants services secrets pakistanais, longtemps considérés comme un important soutien des talibans. Selon certains experts, cette visite peut être interprétée comme le signe que les militaires veulent rompre avec les pratiques du passé. Seule l’armée et, dans une moindre mesure, le gouvernement garderaient la main sur le dossier.
La Chine apparaît comme un nouvel acteur et « facilitateur » de paix en Afghanistan. Le géant chinois espère surtout stabiliser la région afin de concrétiser ses projets économiques et commerciaux.
Quatorze ans après le début de l’intervention militaire qui a coûté quelque 800 milliards d’euros, les Etats-Unis cherchent quant à eux à se retirer d’Afghanistan. Pour engager un début de dialogue, il n’est pas impossible que Washington et Pékin envoient des signaux positifs aux talibans, sans poser de conditions préalables. De l’aveu du conseiller du Premier ministre pakistanais, Sartaj Aziz, cela serait « contre-productif ».
Mais les insurgés l’ont fait savoir à maintes reprises : une discussion avec les autorités afghanes n’est possible qu’après avoir établi un dialogue direct avec les Etats-Unis. Les talibans exigent aussi la reconnaissance de leur bureau au Qatar sous la bannière de l’Emirat islamique en Afghanistan, la levée des sanctions de l’ONU et enfin la libération de leur prisonniers.
Une équation qui semble bien difficile à résoudre, d’autant que depuis quelques mois l’Afghanistan doit composer avec un nouveau danger : le risque de voir l’organisation Etat islamique s’implanter sur son sol.
Source : Rfi.fr