Politique: Wade ouvre le feu sur Me Mame Adama Guèye

Pour avoir mis le doigt sur les dysfonctionnements, la justice à deux vitesses et surtout la corruption qui gangrènent le système judiciaire du Sénégal, le bâtonnier de l’ordre des avocats Me Mame Adama Gueye a reçu une volée de bois vert de la part du président de la république Me Abdoulaye Wade. Cette passe d’armes entre les deux hommes a eu lieu hier mercredi 13 janvier à Dakar lors de l’Audience Solennelle de la Rentrée des Cours et Tribunaux. Le président de la république a pris le contre-pied du discours du bâtonnier de l’ordre des avocats Me Mame Adama Gueye.



Réagissant aux propos de l’avocat, Me Abdoulaye Wade a affirmé : « Monsieur le bâtonnier, en vous écoutant, j’ai eu le sentiment très net que le procureur général de la Cour suprême était l’avocat, et le bâtonnier le procureur sévère pourfendeur qui accable tout le monde ». Assurément, poursuit le président de la République, « M. le bâtonnier nous sommes ici en séance solennelle autour d’une problématique de droit et certainement pas dans un meeting politique. Nous étions en droit d’attendre des avocats, des réflexions de qualité comme celles que nous avons entendu de la part des avocats » a-t-il fait savoir à Me Mame Adama Guèye.

Et d’ajouter : « à ma qualité de président de la République, donc défenseur des institutions, je regrette que vous vous soyez lancé dans un procédé magistral en des termes non respectueux. Procès de vos frères avocats et procès du gouvernement ». A vrai dire, estime Me Wade, « je n’ai jamais compris la prétention qu’ont certains Sénégalais de décrire leur pays en des termes dégradants ». D’une manière plus directe, il lui sert : « Votre discours, entendu dans les médias par des personnes se trouvant dans les quatre coins du monde, donnera l’impression que le Sénégal est un pays de mafias. Je suis désolé de ne pas être d’accord avec vous. Il y a des magistrats et des avocats certes corrompus partout dans le monde, mais ici au Sénégal c’est l’exception ».

A cela, le président Wade ajoute : « ces exceptions sont jugées conformément à nos lois. On doit juger les principes car c’est eux qui nous font avancer. Les exceptions, il faut les laisser au bord de la route et c’est peut-être là une erreur d’attaque de votre plaidoirie qui a abandonné le chemin qui était tracé et qui est un problème juridique ». Selon lui, Me Mame Adama Guèye s’est lancé dans un chemin de travers. De son avis, « la magistrature sénégalaise est une magistrature vertueuse, gardienne de nos valeurs et consciente de son devoir. S’agissant du barreau, je vous laisse la responsabilité de vos propos. Mais je me contente de vous dire que je ne suis pas d’accord avec vous ».

Dans sa communication qui a fait sortir Me Abdoulaye Wade de ses gongs, Me Mame Adama Guèye avait souligné que : « la justice souffre d’un déficit de confiance des usagers ». Selon lui, « il résulte du rapport du programme de bonne gouvernance que pour une grande majorité des populations, la justice ne remplit pas son rôle. Elle est lente, chère, complexe, inaccessible, inéquitable et parfois inadaptée à l’environnement socioculturel ». Le bâtonnier de l’ordre des avocats a relevé les nombreuses récriminations provenant des milieux d’affaires et qui sont, à son sens, souvent à l’origine des faits de corruption et expliquent en partie le classement du Sénégal dans le "Doing business" et dans l’indice de perception de la corruption de "Transparency international". Et le bâtonnier d’égrener certaines réalités qui se confondent avec une certaine perception de la justice. Elles ont pour nom : dysfonctionnements structurels, une corruption systémique, une insécurité judiciaire, un déficit de fiabilité et de crédibilité…

Fort de ce constat, Me Mame Adama Guèye n’en relève pas moins les carences du service que subit l’usager du système judiciaire. « Contrairement à certains pays comme la France où la justice a fait preuve d’une hardiesse remarquable pour consolider, par une abondante jurisprudence, les fondements juridiques d’un système de responsabilité répondant aux exigences requises par le concept de service public sur la base de notions juridiques, de faute lourde, de faute de service, de faute personnelle et de déni de justice ». Selon lui, « il est regrettable qu’en l’état actuel de la jurisprudence sénégalaise, le préjudice résultant de ces manquements graves caractéristiques d’un dysfonctionnement du service public de la justice ne puisse être réparé».


Jeudi 14 Janvier 2010 11:58


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