Pourquoi plusieurs pays africains veulent à nouveau chasser la baleine

La Commission baleinière internationale vient de clôturer sa 69ᵉ réunion à Lima, au Pérou, du 23 au 27 septembre. Une semaine de débats entre les pays qui souhaitent protéger davantage ces animaux essentiels à l'équilibre de la vie sous-marine et ceux qui veulent rétablir la pêche commerciale à la baleine. Parmi eux, plusieurs pays africains demandaient d'autoriser à nouveau la chasse à la baleine.



Une requête pour demander la levée du moratoire sur la chasse à la baleine a été déposée par la Guinée avec le soutien notamment du Sénégal, de la Gambie, la Guinée-Bissau, la Côte d'Ivoire, le Ghana, ou encore le Congo-Brazzaville. Ces pays voulaient pouvoir pêcher la baleine afin de lutter, disent-ils, « contre l'insécurité alimentaire ».
 
Une proposition rejetée par les autres États membres de la Commission baleinière internationale (CBI) qui compte 88 membres en tout.
 
D'abord, aucun de ces pays africains n'a de tradition de chasse et de consommation de viande de baleine. Les dernières campagnes de chasses datent de l'époque coloniale et étaient destinées aux pays occidentaux. « La principale exploitation des baleines en Afrique de l’Ouest a été menée de 1948 à 1965 par des mercenaires norvégiens et des intérêts français et britanniques regroupés au sein de la SOciété des PEcheries COloniales à la BAleine (SOPECOBA) », explique l’association environnementale Robin des bois, qui suivait les débats à la CIB au Pérou.
 
Derrière les pays africains : le Japon
« Cinq bateaux chasseurs avec des équipages et harponneurs norvégiens ratissaient le golfe de Guinée et ciblaient les baleines à bosse, les rorquals boréaux, les rorquals communs, les baleines bleues, ainsi que les cachalots. […] La main-d’œuvre pour le dépeçage était essentiellement norvégienne, une centaine d’Africains intérimaires s’occupaient du nettoyage et du ramassage des déchets », détaille l’association dans un communiqué. « En France, la farine de viande de baleine était exportée pour alimenter les cheptels agricoles. »
 
Aujourd’hui, plus aucun pays ne chasse la baleine en Afrique de l’Ouest. C’est d’ailleurs interdit par leurs lois nationales dans leurs eaux territoriales. Alors pourquoi demander l’autorisation dans les eaux internationales ?
 
Pour assurer la sécurité alimentaire de leurs habitants, la chasse à la baleine n'est pas une solution. « Il serait plus efficace de lutter contre le pillage de leurs poissons par les flottes industrielles asiatiques et européennes » tacle Robin des bois.

 
En réalité, derrière cette requête se cache le Japon, selon Matt Collis du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), qui est l’un des trois derniers pays à chasser la baleine avec la Norvège et l'Islande.
 
« Plus personne ne mange de baleine »
« Si les pays africains ont été persuadés par le Japon de demander l'autorisation de la pêche à la baleine, c'est dû au fait que beaucoup de ces pays reçoivent d'importantes aides financières de la part du Japon pour leurs pêcheries. C'est un échange de bon procédé : de l'argent pour les pêcheries contre une position pro chasse à la baleine à la Commission. »
 
Pourtant, Matt Collis l’assure « aujourd’hui, plus personne ne mange de baleine ! Il y a des milliers de tonnes de viande de baleine entreposées dans des congélateurs au Japon parce que les nouvelles générations n'en veulent plus. Et la Norvège et l'Islande ont du mal à exporter leurs excédents de viande de baleine au Japon parce qu'il n'y a tout simplement pas de marché. Ce n'est plus une industrie économiquement viable. »
 
L’interdiction date du moratoire de 1986. À l'époque, la chasse industrielle avait décimé les populations de baleines et plusieurs espèces étaient alors considérées comme en danger de disparition.
 
Les baleines toujours en danger
C'est d'ailleurs toujours le cas aujourd'hui pour certaines d’entre elles, notamment la baleine franche atlantique qui est en train de s'éteindre, relate Olivier Adam, spécialiste des cétacés à l’université Sorbonne Nouvelle. « Il ne reste que 350 individus, peut-être moins », explique le chercheur, « et l’espèce perd environ dix individus chaque année. » Par contre, d'autres cétacés, comme la baleine à bosse, ont vu leur population augmenter grâce aux efforts de conservation et ce fameux moratoire. Mais de toute façon, elles font toutes face à de plus en plus de dangers : les collisions avec les bateaux, la pollution due au plastique, la pollution sonore avec le bruit des moteurs de bateaux qui les désorientent, le changement climatique, la pêche accidentelle...
 
Or, il est primordial de les protéger. Les cétacés se situent tout en haut de la chaîne alimentaire, leur fin entraînerait un effet domino sur toutes les espèces se trouvant en dessous, du plancton aux poissons que l'on mange.
 
La chasse à la baleine reste donc interdite pour cette fois, mais le sujet promet déjà de revenir sur la table lors de la prochaine réunion de la CIB en Australie en 2026.

RFI

Lundi 30 Septembre 2024 15:11


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