Le 25 décembre dernier sur les écrans de la RTS, en compagnie de la journaliste Mariama Dramé, le philosophe faisait une rétrospective de l'année 2024, évoquant les événements sociaux marquants et discutant de la mobilité urbaine au Sénégal. Mais son apparition a ravivé un débat qui ne cesse de déchirer l’opinion publique.
Sur X (ancien twitter) L'internaute Dan Cissokho a exprimé son mécontentement : « Le Pr. est omniprésent à la RTS en ce moment… Ce serait bien qu'il explique pourquoi il a été le seul intellectuel de renom au Sénégal à garder le silence pendant la répression sous le régime de Macky Sall. Libre à lui de se taire, mais on aimerait savoir pourquoi. »
Son passage à la radio a en effet relancé les critiques. Le compte Chroniques Sénégalaises, dont le thread a touché plus de 140 000 personnes, a exprimé une opinion sévère : « Pourquoi Souleymane Bachir Diagne bénéficie-t-il d’une tribune récurrente sur la RTS, un média censé refléter les préoccupations des Sénégalais ? Certes, il est un philosophe reconnu, mais sa légitimité à intervenir sur l’actualité sénégalaise est largement contestée. »Le Pr est plein a la RTS, en ce moment…ce serait bien, s'il s'explique un peu, pourquoi, il a été le seul intellectuel de renon, du Sénégal, a gardé le silence pendant le règne de la terreur de MS. Libre à lui de garder le silence, mais on souhaiterait savoir pourquoi #kebetu
— Dan Cissokho (@dancissokho) December 25, 2024
Les reproches sont nombreux. Pendant que le Sénégal vivait sous la répression brutale de Macky Sall — avec arrestations arbitraires et violences —, où était Souleymane Bachir Diagne ? Son silence « assourdissant » à l’époque le rend aujourd’hui disqualifié aux yeux de certains pour s’exprimer sur les enjeux de l’intérêt général.
Thread Contre la Présence Récurrente de Souleymane Bachir Diagne à la RTS
1/ Pourquoi SBD bénéficie-t-il d’une tribune récurrente sur la RTS, un média censé refléter les préoccupations des Sénégalais ? SBD est un philosophe reconnu, mais sa légitimité à intervenir sur l'actualité… pic.twitter.com/amlaKuUU3C
— chroniquesenegalaises (@chroniqueseneg1) December 29, 2024
« Sans être excessif, certains estiment qu’il y a une forme d’imposture dans le rôle public qu’il occupe désormais. Pourquoi occupe-t-il une place récurrente sur les ondes de la RTS après avoir brillé par son absence dans les luttes essentielles pour la démocratie et la justice au Sénégal ?
Plus encore, chaque ordre social repose sur une hégémonie intellectuelle et morale. Le philosophe semble jouer ce rôle pour un ordre que le président et le Premier ministre souhaitent changer. Peut-on tolérer qu’un intellectuel identifié à l’ancien système continue de bénéficier de telles plateformes ?
La présence continue de Souleymane Bachir Diagne sur un média public soulève des questions. Ses silences et positions passées sont perçus par certains comme ayant indirectement légitimé un ordre répressif, renforçant ainsi ce système. »
Pour le journaliste Ayoba Faye, qui interagissait avec le compte de Momar Assane sur ce sujet, « Le professeur a perdu son respect depuis : ‘La tribune signée par ses pairs africains, dont Wole Soyinka (prix Nobel de Littérature 1986), et même par des intellectuels non africains, pour dénoncer les dérives de Macky Sall, est là. Il a préféré se taire devant un massacre de son peuple. C’est ce que je retiens de lui. Il ne mérite aucun respect.’ »
La tribune signée par ses pairs africains dont Wole Soyinka (prix Nobel Littérature 1986) et même non africains pour dénoncer les dérives de Macky Sall est là. Il a préféré se taire devant un massacre de son peuple. C’est ce que je retiens de lui. Il ne mérite aucun respect https://t.co/c29Pclgv3L
— Ayoba FAYE (@autruicomoi) December 30, 2024
Un avis tranché qui s'oppose à celui du cinéaste Moussa Séne Absa, qui défend l'intellectuel sénégalais. « Vouloir le censurer pour ça est une grosse connerie. Le professeur Souleymane Bachir Diagne est, de loin, l’un des intellectuels les plus fertiles du Sénégal depuis les indépendances. Je l’écoute et le lis à chaque fois que j’en ai l’occasion. Il est tout à fait légitime de critiquer ses idées et ses choix politiques. »
Le Professeur Souleymane Bachir Diagne est, de loin, l'un des intellectuels les plus fertiles du Sénégal (depuis les indépendances).
Je l'écoute et le lis à chaque fois que j'en ai l'occasion.
Il est tout à fait légitime de critiquer ses idées et ses choix politiques. Mais…
— Kanka Moussa (@moussa_kanka) December 30, 2024
De son côté, Alioune Tine, président d’Africa Jom Center, a apporté une justification institutionnelle à la position de Diagne. « Le professeur Souleymane Bachir Diagne, représentant officiel assermenté de la Commission Nationale Électorale Autonome (CNEA), ne peut prendre de position politique sans risquer d’être accusé de parjure. Il est interdit de prendre une position politique en tant qu'assermenté. Il faut le comprendre aussi. »
Le professeur Souleymane Bachir Diagne représentant officiel assermenté de la Commission Nationale Électorale Autonome (Cena) ne peut prendre de position politique sans être parjure. Il est interdit de prendre une position politique. Il faut le comprendre aussi. https://t.co/5sf8kQi6Vm
— Alioune Tine (@aliounetine16) December 31, 2024
Certains jeunes, qui se sont battus pour la liberté et la démocratie, ne pardonnent pas à l’intellectuel de n’avoir pas pris la parole lorsque son peuple en avait besoin. Ils déplorent qu’il n’ait pas utilisé sa plume ou sa voix durant les troubles politiques qui ont coûté la vie à près de 80 personnes et blessé des centaines d’autres.
Les critiques sont d’autant plus amères lorsqu’on les compare à la reconnaissance internationale d'autres intellectuels sénégalais. Mohamed Mbougar Sarr a remporté le prix Goncourt en 2021, Boubacar Boris Diop a reçu le prix Neustadt en 2022, et Felwine Sarr est co-auteur d’un rapport de référence sur la restitution du patrimoine culturel africain. Ensemble, ces trois écrivains ont signé une tribune sans équivoque : « Cette vérité que l’on ne saurait cacher », affirmant que la situation actuelle du pays est le fruit de la dérive autoritaire du président Macky Sall.
Ils sont soutenus par une centaine d’intellectuels, parmi lesquels Fatou Sow, Sophie Bessis et Mamadou Diouf, qui ont adressé une tribune au président sénégalais. Ces personnalités, universitaires, écrivains ou journalistes de différents horizons (Sénégal, États-Unis, France, Canada) dénoncent « la violation des droits » et l’« instrumentalisation de la justice » sous le régime actuel. Amadou Tidiane Wone, ancien ministre de la Culture, estime que la justice est « de plus en plus sous contrôle » et met en garde contre les risques d’une fracture sociale.
Pour ces signataires, une menace réelle pèse sur la stabilité du pays. Ils lancent un appel à la raison au président Macky Sall : « Le dialogue doit venir de lui, car il dispose des pouvoirs nécessaires pour apaiser la situation. À force de tirer sur la corde, elle risque de se rompre. »
Quant à Souleymane Bachir Diagne, il explique son silence : « J'ai été le Président de la Commission Nationale Électorale Autonome (CNEA). Et j'étais chargé de superviser des élections des Sénégalais aux États-Unis, et on jure de ne pas faire de déclarations publiques concernant la politique sénégalaise. Depuis 2011, je me suis engagé à ne jamais prendre position dans les affaires politiques du pays. »
Malgré cela, ses détracteurs n’ont pas pardonné son silence pendant les périodes les plus sombres de l’histoire du Sénégal. L’intellectuel, considéré comme l’un des plus éminents du pays, a perdu l’estime de nombreux Sénégalais. « Je ne demanderai pas qu’on le censure, mais il a perdu à jamais l’estime que j’avais pour lui », a conclu un autre internaute sous le pseudo Azeez Sall.
Souleymane Bachir Diagne est sans doute l'un des fils les plus illustres que ce pays ait connu. Cependant, il a choisi de rester muet durant la période la plus sombre de notre histoire. Je ne demanderai pas qu'on le censure, mais il a perdu à jamais l'estime que j'avais pour lui.
— 𝔸ℤ𝔼𝔼ℤ 𝕊𝔸𝕃𝕃 🇸🇳🏴🇵🇸 (@sallaziz01) December 29, 2024
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