La grande affluence matinale du marché Grand Yoff n’implique pas pour autant les vendeurs de poulets. « Rien que dans les quinze jours passés, j’ai pu vendre 20 poulets. Mais cela fait maintenant une semaine et je n’ai vendu que deux poulets», se désole le vieux Ousmane Fall, chapeauté en blanc noirci par la sueur. Assis près de son poulailler, il s’étonne des acheteurs qui se font plus en plus rares. Pourtant, ces vendeurs sont conscients qu’à l’approche de la fête de Tabaski leur produit n’est pas le plus usité. « Mais je ne m’attendais pas à une aussi sévère raréfaction. Ils sont là pratiquement tous les deux ou trois jours pour acheter des poulets», s’explique-t-il. Egrainant son chapelet et habillé d’un grand boubou gris, Badara Thiam semble aussi être dépassé par la situation. « Je sais que pour la fête de Tabaski, les gens consomment de la viande de mouton. Mais je me demande s’ils n’ont pas cessé de manger de la viande jusqu’au jour de la fête », charrie-t-il avant de faire part «des fois, dans l’impossibilité de vendre un seul poulet, je suis obligé de vendre deux ou trois poulets en dessous du prix normal, pour qu’au moins je puisse avoir un peu d’argent dans les poches». Ces commerçants délaissés par leur clientèle pensent que la cherté de la vie en est une cause et que les priorités sont peut-être ailleurs. Accompagné de sa douche moitié, monsieur Ndiaye, qui ne songe pas aux poulets articule « vous n’êtes pas censés ignorer qu’on vient juste d’effectuer des dépenses pour la scolarité des enfants en début d’octobre ». Madame elle pense que «la conjoncture a fait qu’aujourd’hui le panier de la ménagère ne fait plus le bonheur de la famille». Assise auprès de son mari, «de nos jours, les hommes rencontrent d’énormes difficultés économiques. Malgré tout certains arrivent tout de même à s’en sortir» a-t-elle martelé. Surpris des circonstances, les vendeurs de poulets renseignent pourtant que les clients venaient lors des précédentes années, en cette même période. « C’est pour cette raison que moi j’ai renforcé ma commande et depuis deux jours je n’ai encore rien vendu» se plaint le jeune Badara Faye, nostalgique des années passées. Agé de la trentaine, le jeune homme use d’une méthode assez ardue pour s’en sortir. « Je suis obligé de circuler avec deux ou trois poulets à la main pour tenter de les vendre. Et même avec ça je n’ai pas pu vendre beaucoup, alors que je vendais par jour au minimum quatre poulets », se lamente-t-il.
Même si le poulet n’est pas la provision adéquate pour la fête de la Tabaski, l’impossibilité de le vendre ne facilite pas la tâche aux vendeurs qui se retrouvent à leur tour dans une misère à une période festive.
Même si le poulet n’est pas la provision adéquate pour la fête de la Tabaski, l’impossibilité de le vendre ne facilite pas la tâche aux vendeurs qui se retrouvent à leur tour dans une misère à une période festive.