« La junte a mieux compris »
Quid du délai de quarante jours au plus mentionné dans la constitution pour tenir cette élection ? Que ce délai ne puisse pas être respecté, surtout dans les circonstances actuelles du Mali ne peut pas être une raison pour démettre le président dit intérimaire, selon ce juriste. Bien sûr, au Mali, d’autres spécialistes avaient déjà battu en brèche cette interprétation. Quant à eux, les juristes sollicités par la Cedeao trouvent que la seule solution constitutionnelle c’est le « président intérimaire ». Point barre. Le capitaine Sanogo lui-même confiait il y a peu qu’il n’avait aucun problème avec Dioncounda Traoré qu’il appelle « tonton » en privé et devant lequel il se met au garde-à vous. Mais qu’en fin avril à Abidjan, le sommet de la Cedeao ait décidé de la durée de transition et de son président a été une grosse couleuvre pour certains milieux à Bamako. Ce sont notamment les acteurs de la COPAM et du M22 pour qui Dioncounda Traoré n’a pas de « légitimité révolutionnaire » après le tsunami qui a emporté « son allié » ATT en quelques heures. Les vases communiquent et Kati n’était pas content, non plus. Dès la diffusion de la décision d’Abidjan, la troupe qui garde encore une grande influence en tant qu’initiatrice de la mutinerie-putsch du 22 mars, le Capitaine Sanogo fut assaillie par ses hommes dont certains lui reprochèrent « son double jeu avec les civils ». Son rejet tonitruant des décisions du sommet d’Abidjan était-il une manière de se dédouaner vis-à-vis du très collégial Cnrdre qui pensait avoir la preuve de la « déloyauté de Dioncounda Traoré ». Le pauvre ! Car, les heures précédentes, redoutant la réaction de ses compatriotes parfois au nationalisme ombrageux, Dioncounda Traoré implorait : « s’il vous plaît, ne mettez pas dans le communiqué final que le président de la transition ce sera moi ». Devant Goodluck intraitable, Ouattra désabusé, Compoaré passablement amusé mais tous se demandant si le sérénissime « intérimaire » malien est l’homme de la situation !
Le bâton mais aussi la carotte
Tout cela, semble t-il, se sait aujourd’hui à Kati dont les arguments contre Dioncounda Traoré proche du contre-coup du 30 avril n’ont pas prospéré non plus. Surtout, le mathématicien sait que plusieurs de ses proches lui feraient la peau pour l’étrange baraka qui le propulse toujours en avant à chaque crise de son parti ou du pays. De sorte qu’une semaine avant, avec le texte de sa démission en poche, il avait fait venir l’Ortm pour enregistrer son discours d’adieu. Panique donc à bord. C’est pratiquement, manu militari que Cheik Modibo Diarra l’en avait empêché. Les coups de fil ont plu de partout contre le projet de démission. Les « partenaires du Mali » s’étaient fait entendre, notamment avec la sortie musclée de l’administration Obama. Pour en arriver là, il aura fallu taper du poing sur la table. Les ambassadeurs occidentaux à Bamako avaient même dû annuler une rencontre avec la junte prévue à Kati qui, pour eux, est le siège de l’inconstitutionnalité qu’ils dénoncent. En plus, samedi, la junte savait la fermeté renouvelée de la CEDEAO contre toute manœuvre visant à lui donner les premiers rôles dans la transition malienne. Le président burkinabé, médiateur critiqué de la crise malienne, a fait savoir à Sanogo que le cas échéant, il ne pouvait pas compter sur lui. Même fermeté chez le président ivoirien à la tête de l’organisation sous-régionale qui précise que toute la panoplie de sanctions serait appliquée. Compte BCEAO bloquée, restriction des mouvements entre les banques y compris commerciales, embargo commercial, isolement diplomatique en plus d’une aide internationale de plus de mille milliards de FCFA toujours suspendue, sans compter que l’Otan, les Nations-Unies, l’Union africaine et l’Union Européenne saisies de la question du Nord-Mali se montrent moins patientes que la CEDEAO : le Capitaine Sanogo devait faire un choix. Il l’a fait. En contrepartie, il pourrait diriger une mission consacrée au renforcement des capacités de l’armée pour que plus jamais ne se répète la grosse humiliation du front du Nord. Cette tâche commanderait à la fois « la restructuration et la modernisation des forces armées pour qu’elles soient aussi efficaces que républicaines » à en croire les indiscrétions et des compétences civiles seraient requises pour les besoins de la cause. Les « partenaires » appuieront volontiers ce projet et Kati le sait. D’autres membres de la junte pourraient aller dans des missions internationales de paix. Mais le renoncement de la junte ne fera pas que des heureux, comme on le verra dans les heures qui suivent la déclaration de Kati.
Médiateur pour la médiation
Parce qu’au-delà de sa personne, Dioncounda Traoré, figure emblématique pose aux yeux de certains partis dont le Rpm, la question de la neutralité vis-à-vis des candidats à la…prochain présidentielle. Peu de doute, que tous ceux qui le peuvent se mobiliseront contre la prorogation du mandat du mathématicien à la tête de l’Etat. Pour l’instant, il faudra bien reconnaître que les lignes ont théoriquement bougé au Mali. Deux hommes ont peut-être fait basculer le destin dans le bon sens. Le « Chérif de Nioro, fils du grand leader spirituel Hamamoullah et personnalité respectée du pays : il a parcouru quatre cent kilomètres pour venir bénir Sanogo et ses camarades mais il leur a dit ceci : « ne vous accrochez pas, choisissez votre pays » !