C’est une variable qu’on a tendance à oublier quand on parle de vote : la religion. Les études sur les comportements électoraux de la population française préfèrent en effet retenir d’autres critères, comme la catégorie socio-professionnelle, l’âge, le sexe, etc.
Pourtant, l’appartenance religieuse joue un rôle important au moment de glisser un bulletin dans l’urne, bien plus encore que la classe sociale, affirme Claude Dargent, chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) et auteur de deux rapports sur le vote des musulmans (décembre 2011) et le vote des catholiques (février 2012) en France.
Dans le pays, les catholiques sont majoritaires dans l’électorat (57,2 %), selon l'institut politique. Viennent ensuite les musulmans (5 %), les protestants (2 %) et les juifs (0,6 %). À noter toutefois que les personnes se déclarant "sans religion" ne représentent pas moins de 30 % des électeurs.
Pour mesurer l’impact de la religion sur les choix politiques des Français, FRANCE 24 a interrogé plusieurs personnes de confessions différentes : deux catholiques, deux musulmans et deux juifs, chacun se revendiquant soit de l’UMP (droite), soit du Parti socialiste (gauche). À chacun, la même question a été posée : quel est le poids de votre religion dans vos convictions politiques ? Chaque entretien a été réalisé dans un lieu choisi par la personne interrogée.
Chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), Claude Dargent est l’auteur des rapports sur le vote des musulmans et sur le vote des catholiques en France.
FRANCE 24 : Dans votre étude sur le vote des musulmans en France, vous montrez que cet électorat est de plus en plus important à chaque échéance présidentielle. Comment se caractérise-t-il ?
Claude Dargent : En effet, les musulmans sont de plus en plus nombreux à s’inscrire sur les listes électorales. Ils représentaient 5 % de l’électorat en 2007, contre 0,7 % en 1997. Cette hausse est notamment liée aux Français issus de l’immigration qui se tournent davantage vers l’islam.
Ce groupe confessionnel est plutôt orienté à gauche : 95 % des électeurs musulmans ont voté pour Ségolène Royal contre 5 % seulement pour Nicolas Sarkozy lors du second tour de l’élection présidentielle de 2007.
La preuve en est que les trois-quarts de l’électorat musulman appartiennent aux catégories populaires - ouvriers et employés notamment -, mais que leur vote ne reflète pas celui de ces dernières, qui se répartit davantage entre la gauche, la droite et l’extrême droite. On peut donc en déduire que le vote des musulmans de France est orienté à gauche en raison de leur appartenance religieuse, et non de leur classe sociale.
Vous vous êtes également penché sur le vote catholique. Comment se distingue-t-il ?
C. D. : Si on neutralise tous les autres facteurs sociaux, on constate depuis plusieurs années que les catholiques pratiquants votent cinq à six fois plus à droite que les électeurs se déclarant "sans religion". Au premier tour de l’élection présidentielle de 2007, 49 % des catholiques pratiquants ont voté pour Nicolas Sarkozy, contre 12 % seulement pour Ségolène Royal. Leur vote devrait s’inscrire dans cette continuité lors de la prochaine échéance présidentielle. L’étude réalisée par TNS-Sofrès pour Le Pèlerin, en janvier 2012, révèle en effet que 50 % des catholiques pratiquants sont séduits par le président-candidat contre 13 % par François Hollande.
À travers ce sondage, on constate toutefois que ce groupe confessionnel n’est pas attiré par l’extrême droite. En 2007, le candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen, avait réalisé son plus mauvais score chez les catholiques pratiquants. La surprise vient du vote pour François Bayrou. Seuls 14 % des catholiques pratiquants se montrent sensibles à ses arguments, alors qu’il est pourtant issu de la mouvance démocrate chrétienne.
Qu’en est-il du vote des juifs ?
C. D. : Il est très difficile de l’étudier car son poids électoral est infime - moins de 1 %. De ce fait, il existe une marge d’erreur importante. On sait toutefois qu’il s’agit d’un vote plutôt marqué à gauche. Certains indices montrent cependant qu’une partie de cet électorat a été séduit par Nicolas Sarkozy en 2007. Mais c’est un vote qui est brouillé par la composante du conflit israélo-palestinien.
Et les protestants ?
C. D. : Historiquement, ils votent majoritairement à gauche. Cette tendance s’est cependant atténuée au tournant du XXIe siècle pour refléter davantage la diversité du vote de la société française. En 2007, certains protestants ont même été séduits par Nicolas Sarkozy, mais les sondages ont montré qu’ils s’en sont rapidement détachés à la suite de l’épisode du Fouquet’s [le célèbre restaurant parisien où Nicolas Sarkozy a fêté sa victoire à la présidentielle de 2007, NDLR] et à cause du côté "bling-bling" du président.
La religion peut-elle devenir un enjeu de la prochaine présidentielle ?
C.D. : Avant tout, il faut savoir que le vote religieux est une question de valeurs avant d’être une question d’enjeux, ce qui explique pourquoi il est peu versatile.
Reste qu’il ne s’agit pas d’un sujet nouveau même si, aujourd’hui, il existe toutefois une nouvelle variable : l’émergence de l’islam qui remet sur le devant de la scène les enjeux religieux. On en parlait déjà en 1905 avec la séparation de l’Église et de l’État. Pionnier de la sociologie électorale, André Siegfried disait, dans les années 1940-1950, que "la religion est la question centrale de la République".
Je pense que lors de la prochaine élection présidentielle, on devrait retrouver les associations traditionnelles entre catholique et droite et musulmans et gauche. Pour les protestants, je pense qu’ils trouveront en François Hollande une personnalité compatible.
La religion est-elle un thème de campagne susceptible de faire basculer l’élection ?
C. D. : On a clairement constaté que la religion a été très présente pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, ce qui ne sera pas sans impact. Le débat sur la laïcité ou celui sur l’identité nationale ont, d’une part, été mal vécu par les musulmans, ce qui va certainement se traduire dans les urnes.
D’autre part, Nicolas Sarkozy a déclaré, en décembre 2007, que “l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur” avant de renoncer à l’autorisation du mariage homosexuel. De quoi, cette fois, satisfaire les électeurs attachés aux valeurs conservatrices…
Pourtant, l’appartenance religieuse joue un rôle important au moment de glisser un bulletin dans l’urne, bien plus encore que la classe sociale, affirme Claude Dargent, chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) et auteur de deux rapports sur le vote des musulmans (décembre 2011) et le vote des catholiques (février 2012) en France.
Dans le pays, les catholiques sont majoritaires dans l’électorat (57,2 %), selon l'institut politique. Viennent ensuite les musulmans (5 %), les protestants (2 %) et les juifs (0,6 %). À noter toutefois que les personnes se déclarant "sans religion" ne représentent pas moins de 30 % des électeurs.
Pour mesurer l’impact de la religion sur les choix politiques des Français, FRANCE 24 a interrogé plusieurs personnes de confessions différentes : deux catholiques, deux musulmans et deux juifs, chacun se revendiquant soit de l’UMP (droite), soit du Parti socialiste (gauche). À chacun, la même question a été posée : quel est le poids de votre religion dans vos convictions politiques ? Chaque entretien a été réalisé dans un lieu choisi par la personne interrogée.
Chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), Claude Dargent est l’auteur des rapports sur le vote des musulmans et sur le vote des catholiques en France.
FRANCE 24 : Dans votre étude sur le vote des musulmans en France, vous montrez que cet électorat est de plus en plus important à chaque échéance présidentielle. Comment se caractérise-t-il ?
Claude Dargent : En effet, les musulmans sont de plus en plus nombreux à s’inscrire sur les listes électorales. Ils représentaient 5 % de l’électorat en 2007, contre 0,7 % en 1997. Cette hausse est notamment liée aux Français issus de l’immigration qui se tournent davantage vers l’islam.
Ce groupe confessionnel est plutôt orienté à gauche : 95 % des électeurs musulmans ont voté pour Ségolène Royal contre 5 % seulement pour Nicolas Sarkozy lors du second tour de l’élection présidentielle de 2007.
La preuve en est que les trois-quarts de l’électorat musulman appartiennent aux catégories populaires - ouvriers et employés notamment -, mais que leur vote ne reflète pas celui de ces dernières, qui se répartit davantage entre la gauche, la droite et l’extrême droite. On peut donc en déduire que le vote des musulmans de France est orienté à gauche en raison de leur appartenance religieuse, et non de leur classe sociale.
Vous vous êtes également penché sur le vote catholique. Comment se distingue-t-il ?
C. D. : Si on neutralise tous les autres facteurs sociaux, on constate depuis plusieurs années que les catholiques pratiquants votent cinq à six fois plus à droite que les électeurs se déclarant "sans religion". Au premier tour de l’élection présidentielle de 2007, 49 % des catholiques pratiquants ont voté pour Nicolas Sarkozy, contre 12 % seulement pour Ségolène Royal. Leur vote devrait s’inscrire dans cette continuité lors de la prochaine échéance présidentielle. L’étude réalisée par TNS-Sofrès pour Le Pèlerin, en janvier 2012, révèle en effet que 50 % des catholiques pratiquants sont séduits par le président-candidat contre 13 % par François Hollande.
À travers ce sondage, on constate toutefois que ce groupe confessionnel n’est pas attiré par l’extrême droite. En 2007, le candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen, avait réalisé son plus mauvais score chez les catholiques pratiquants. La surprise vient du vote pour François Bayrou. Seuls 14 % des catholiques pratiquants se montrent sensibles à ses arguments, alors qu’il est pourtant issu de la mouvance démocrate chrétienne.
Qu’en est-il du vote des juifs ?
C. D. : Il est très difficile de l’étudier car son poids électoral est infime - moins de 1 %. De ce fait, il existe une marge d’erreur importante. On sait toutefois qu’il s’agit d’un vote plutôt marqué à gauche. Certains indices montrent cependant qu’une partie de cet électorat a été séduit par Nicolas Sarkozy en 2007. Mais c’est un vote qui est brouillé par la composante du conflit israélo-palestinien.
Et les protestants ?
C. D. : Historiquement, ils votent majoritairement à gauche. Cette tendance s’est cependant atténuée au tournant du XXIe siècle pour refléter davantage la diversité du vote de la société française. En 2007, certains protestants ont même été séduits par Nicolas Sarkozy, mais les sondages ont montré qu’ils s’en sont rapidement détachés à la suite de l’épisode du Fouquet’s [le célèbre restaurant parisien où Nicolas Sarkozy a fêté sa victoire à la présidentielle de 2007, NDLR] et à cause du côté "bling-bling" du président.
La religion peut-elle devenir un enjeu de la prochaine présidentielle ?
C.D. : Avant tout, il faut savoir que le vote religieux est une question de valeurs avant d’être une question d’enjeux, ce qui explique pourquoi il est peu versatile.
Reste qu’il ne s’agit pas d’un sujet nouveau même si, aujourd’hui, il existe toutefois une nouvelle variable : l’émergence de l’islam qui remet sur le devant de la scène les enjeux religieux. On en parlait déjà en 1905 avec la séparation de l’Église et de l’État. Pionnier de la sociologie électorale, André Siegfried disait, dans les années 1940-1950, que "la religion est la question centrale de la République".
Je pense que lors de la prochaine élection présidentielle, on devrait retrouver les associations traditionnelles entre catholique et droite et musulmans et gauche. Pour les protestants, je pense qu’ils trouveront en François Hollande une personnalité compatible.
La religion est-elle un thème de campagne susceptible de faire basculer l’élection ?
C. D. : On a clairement constaté que la religion a été très présente pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, ce qui ne sera pas sans impact. Le débat sur la laïcité ou celui sur l’identité nationale ont, d’une part, été mal vécu par les musulmans, ce qui va certainement se traduire dans les urnes.
D’autre part, Nicolas Sarkozy a déclaré, en décembre 2007, que “l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur” avant de renoncer à l’autorisation du mariage homosexuel. De quoi, cette fois, satisfaire les électeurs attachés aux valeurs conservatrices…
Autres articles
-
Le Sénat américain adopte un texte évitant la paralysie budgétaire
-
Allemagne: un véhicule percute le marché de Noël à Magdebourg, des morts et des dizaines de blessés
-
Pakistan: 16 soldats tués dans l'attaque d'une base militaire (responsables)
-
Croatie: un élève tué, plusieurs autres et une enseignante blessés dans une attaque à l'arme blanche dans une école primaire à Zagreb
-
Au moins huit morts dans le naufrage d'un bateau de migrants au large de la Grèce