La journée de vendredi a été longue, chaque partie revenant systématiquement au point de départ pour espérer convaincre la cour, à travers cette question de fond : qui était le président de la République au moment des faits ? Quand la partie civile brandit la certification de l'ONU pour affirmer qu'Alassane Ouattara était bien à la tête de l'Etat, la défense rappelle la prestation de serment de Laurent Gbagbo devant le Conseil constitutionnel quelques jours après le second tour.
Même après plus de deux mois d'audiences, on n'a pas l'impression d'avoir vraiment avancé. La question paraît pourtant cruciale, car il s'agit bien d'un procès pour « attentat contre l'autorité de l'Etat », et non pour meurtre ou génocide, là où il aurait été aisé de trouver des éléments de preuve incontestables.
Après trois jours d'attaques de la part des avocats des accusés, la partie civile s'est agacée vendredi des dénégations de la défense. L'un des avocats s'est lancé dans une tirade virulente à propos du slogan « On gagne ou on gagne » du camp Gbagbo à la veille de la présidentielle, demandant pourquoi il y avait autant de militaires et d'armes lourdes à la résidence de Laurent Gbagbo. Une remarque qui a causé l'émoi de son épouse Simone Gbagbo, qui a alors poussé un cri, comme à bout de nerfs. L'audience a été suspendue peu de temps après.
Les avocats de la défense ont demandé l'acquittement pour Simone Gbagbo, dénonçant lemanque de preuves, et mettant en avant l'impératif de réconcilier les Ivoiriens. Me Dirabou, le doyen du collectif des avocats de la défense, s'est confié au micro de RFI : « Il ne faudrait pas qu'il y ait une justice des vainqueurs et une justice des vaincus. On a gaspillé des millions et des millions pour la réconciliation avec la commission de réconciliation, et on a vu ce que cela a donné. Mais ce verdict-là peut réconcilier et doit réconcilier les Ivoiriens. »
Me Dirabou plaide pour un geste du président Ouattara : « On ne peut pas dire que parce qu'on aura acquitté ces gens, il y a l'impunité en Côte d'Ivoire. L'impunité, c'est de ne pas poursuivre les auteurs des crimes. Mais là, on les a poursuivis. Il faut éviter l'erreur judiciaire, condamner des gens parce qu'il faut les condamner pour faire plaisir et dire qu'on a fait un jugement. (...) Si le président, dans un souci de réconciliation - et ça ce n'est pas l'impunité mais c'est son droit régalien - donne une loi d'amnistie pour dire qu'on efface tout, il aura exercé son droit de président de la République. »