Projet Agora : Abidjan investit pour sa jeunesse

Prête à accueillir la CAN en janvier prochain, la Côte d’Ivoire a en parallèle lancé une véritable politique publique de la jeunesse et du sport. Abidjan développe ainsi un vaste programme à l’échelle du pays baptisé « Projet Agora ». Il prévoit la construction d’environ 90 infrastructures sportives disséminées sur l’ensemble du territoire, où les jeunes pourront se retrouver pour apprendre le partage et la discipline grâce au sport. Un projet ambitieux, dont les premières retombées sont d’ores et déjà visibles dans le pays.



« Un lieu ou par le sport on construit la citoyenneté »
 
Dans le cadre de la mise en œuvre de la politique nationale du sport 2016-2023, le gouvernement ivoirien s’est engagé à promouvoir la pratique du sport pour tous sur l’ensemble du territoire afin de contribuer au bien-être et à la santé des populations. « La Côte d’Ivoire solidaire offre des raisons de croire en l’avenir, de rêver grand », affirmait ainsi, au début de l’année, Alassane Ouattara, président de la République, qui a fait de 2023 l’année de la jeunesse. Fer-de-lance de cette politique, le projet Agora est d’ailleurs officiellement passé en phase active depuis l’inauguration, le 21 décembre 2019, de l’agora de Koumassi, site pilote du projet.
 
« Ce site a permis de lancer un vaste projet d’Agora pour faire en sorte que, dans chaque quartier, les jeunes aient un endroit où se retrouver pour préparer leur avenir, pour vivre dans un climat différent. À terme, ce sont 90 agoras que nous devrons avoir dans ce pays (et une dizaine devraient être opérationnelles d’ici fin 2023) », expliquait le ministre des Sports et des Loisirs ivoirien, Paulin Claude Danho, lors d’une visite sur place.
 
Et ces agoras, loin de n’en avoir que le nom, s’inscrivent dans la droite ligne des agoras grecques. « Nous avons voulu partir de ce concept, parce que l’agora dans la Grèce antique, c’était le lieu où l’on se retrouvait pour débattre, pour développer la citoyenneté. Aujourd’hui, c’est un lieu ou par le sport on construit la citoyenneté. Par le sport, on resocialise les jeunes, et on crée des perspectives pour la jeunesse », avait également fait valoir le ministre.
 
Massifier le sport de masse
 
L’objectif de la Côte d’Ivoire est donc de massifier la pratique du sport, dont le taux actuel est encore trop faible, grâce notamment à la construction d’infrastructures sportives adéquates.
 
« Le premier gros pilier dans notre stratégie d’infrastructure, sont les infrastructures de la CAN. Nous avons aussi les agoras, et des infrastructures contre les noyades, que nous avons constatées pour la jeunesse, a également déclaré Paulin Claude Danho. La Côte d’Ivoire est un pays où nous connaissons chaque année plus de 200 jeunes qui sont tués dans les rivières, dans les mers, dans les piscines privées même. Il fallait donc éradiquer cette pandémie, et nous avons pour cela développé un projet d’aisance nautique, ce qui nous amènera à construire 4 nouvelles piscines ». Le projet d’aisance nautique, axé sur la natation, fonctionnera donc en complément du projet agora centré, lui, sur huit sports majeurs ; foot, athlétisme, basket, taekwondo, judo, hand, boxe et rugby. À terme, ce sont des sites pour les sports de combat, 50 salles de fitness, 200 terrains de sport couverts multifonctionnels, 30 terrains de football, 15 parcours de santé et 10 rings de boxe, qui seront construits au sein des différentes agoras.
 
 
Plus largement, ce projet s’inscrit dans le temps long et aspire aussi à répondre à la traditionnelle sous-dotation des pays africains dans le domaine des infrastructures dédiées aux activités sportives. Plus généralement, le sport ne représente en effet que 0,5 % du PIB africain, là où il s’élève en moyenne à 2 % au niveau international.
 
Redynamiser l’économie locale
 
Au-delà de la pratique du sport, l’agora a donc pour but de faciliter l’éducation, la santé et développer l’entrepreneuriat et l’insertion des jeunes, mais elle aura aussi des répercussions sur l’économie et la société ivoirienne en générale. Comme le souligne Ismaila Siribe, directeur général d’Ivoire Agora, « ces infrastructures permettent aussi d’avoir un impact sur les ménages qui sont autour, car elles donnent de l’emploi de manière indirect. C’est plus d’une centaine de ménages qui sont impactés grâce au projet agora. Chaque fois qu’il y a un évènement sportif et culturel, des opérateurs économiques (supérettes, boutiques…) en bénéficient de manière indirecte ».
 
Il est également important de rappeler que ces complexes sportifs sont composés de bâtiments autonomes en énergie, disposant sur leur toit d’une centrale solaire. Un équipement à la pointe des dernières technologies, dont l’entretien nécessitera le recours à des techniciens locaux. Et cerise sur le gâteau, ces complexes devraient également être autonomes financièrement, grâce à un business plan élaboré. Ainsi, 25 % du temps et de l’espace des agoras sera alloué à des activités commerciales pour financer leur fonctionnement, et les gradins seront parfois transformés en scène musicale ou en salle de spectacle. Les plus grandes marques seront également associées au projet, via notamment du sponsoring et de la publicité.
 
Avec ces agoras, la Côte d’Ivoire fait donc un pari sur l’avenir, via sa jeunesse, mais pas seulement. À l’image des agoras grecques, ces complexes sportifs visent à devenir des lieux de rencontres multigénérationnelles, où des concertations se tiendront, et où des décisions seront prises. Mais surtout, tous ces rassemblements, sportifs ou autres, auront un impact direct sur l’économie locale.


Jean Louis DJIBA

Mercredi 2 Aout 2023 08:57


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