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Quand la lutte marche au rythme du Tambour-Major Babou Ngom

De nombreux artistes ont fait la renommée de Gandiaye, localité située à une vingtaine de kilomètres de Kaolack, au centre du Sénégal. Parmi eux, Babou Ngom, le batteur aux doigts magiques qui a réussi à tracer sa voie. Aujourd’hui, son succès et sa notoriété ont fait de lui un des grands tambours-majors de sa génération. Babou Ngom a, tout au long de sa carrière, fait montre d’une grande capacité à combiner les rythmes sérères et ceux d’ailleurs, des créations dont lui seul a le secret. En véritable maître, il sait adapter un rythme traditionnel et explorer les sonorités modernes. L’enfant de Gandiaye est l’une des grandes figures de la percussion au Sénégal, un percussionniste de renom, doublé d’un professeur puisqu’il dispose d’une école où il dispense des cours. Son expérience et sa culture lui ont ouvert beaucoup de portes surtout dans le monde de la lutte où il est sollicité par les promoteurs, mais aussi les férus de bons rythmes. Pourtant, rien ne prédestinait Babou Ngom à la batterie. Il voulait faire des études poussées et, plus tard, servir son pays. Mais nul ne peut échapper à son destin.



Quand la lutte marche au rythme du Tambour-Major Babou Ngom
Babou Ngom a fait ses études primaires à Gandiaye. Après son admission à l’entrée en sixième, il a été orienté au lycée Faidherbe de Saint-Louis, actuel lycée Cheikh Oumar Foutiyou Tall où il a fait la 6ème et la 5ème. A cette époque, son frère était secrétaire des greffes au tribunal de 1ère instance, avant d’être, par la suite, affecté à Kaolack. C’est là-bas qu’il a poursuivi ses études en classe de 4ème et 3ème.

« J’étais l’aîné de ma famille et j’ai dû mettre un terme à mes études à quelques mois seulement des examens pour aller me mettre au chevet de mon père rongé par la maladie. Il a été malade pendant deux ans et six mois. Quand il a rendu l’âme, c’est à moi qu’il revenait d’assurer la relève et j’ai fait mon chemin tout seul », nous confie-t-il.

Il était écrit que Babou serait tambour-major tant son amour pour le « sabar » était grand. Curieux de tout, il n’aura de cesse de faire des recherches afin de connaître tous les rythmes sérères d’abord, et, ensuite, ceux des ethnies voisines. Très vite, ses dons ont étonné ses proches. Et à peine sorti de l’adolescence, il a été remarqué par Manga 2 qui lui a proposé d’aller faire ses preuves à Dakar.

Dans la capitale, l’apprentissage a été rude, mais Babou Ngom avait une bonne étoile qui veillait sur lui. Il n’était qu’un frêle enfant et avait beaucoup de rivaux plus aguerris. Manga 2 lui a permis d’échapper à leurs griffes. « Le monde de la lutte était très compliqué à l’époque et comme j’étais un gamin et que certains gens savaient que j’avais un bel avenir, ils ont voulu briser ma carrière. Mais Manga 2 veillait sur moi », révèle-t-il.

Babou Ngom a fait ses débuts à Grand-Yoff. Feu Jacques Diène lui fit part, un jour, des requêtes de nombreux amateurs qui venaient régulièrement au stade. Ces passionnés de lutte voulaient entendre des sonorités et autres rythmes sérères. Convaincu que la lutte n’appartenait à aucune ethnie, le jeune Babou Ngom a alors décidé d’aller jouer dans les stades pour satisfaire les amateurs. Il y a étalé toute sa classe.

Commence alors une fulgurante ascension dans l’univers de la lutte traditionnelle, puis de la lutte avec frappe. Une percée qui lui a permis de signer des contrats avec de nombreux promoteurs dont Manga 2, Petit Mbaye, Gaston Mbengue, etc. « Manga a été comme un frère pour moi. En plus de me prodiguer beaucoup de conseils. Il m’a appris à être modeste et aussi à ne jamais négliger mon travail. Il m’a inculqué la culture de l’égalité. Il m’a fait comprendre qu’entre un client qui donne 15.000 francs pour un spectacle et celui qui en donne 1.000 fois plus, il n’y a pas de grande différence car celui qui donne moins aurait pu faire mieux s’il en avait les moyens », déclare Babou Ngom.

A force de persévérer, il a fini par récolter les fruits de son travail. Avec une facilité extraordinaire, il dirige, aujourd’hui, avec force, précision, grâce et virtuosité de véritables symphonies au « sabar », proposant aux inconditionnels une musique moderne et inventive tout en restant fidèle à l’inspiration traditionnelle sérère. Babou Ngom est perçu comme un véritable chef d’orchestre de musique classique et contemporaine.

Le métier de tambour-major n’est pas toujours bien aisé et demande un certain comportement. « Quand on exerce ce métier, la raison veut qu’on soit humble, discipliné car on ne sait pas quelle personne on va rencontrer. Tout le monde vous a à l’œil et, dès fois, on peut être face à un saint homme sans s’en rendre compte. C’est pourquoi il faut être modéré, simple, courtois, raffiné, avoir un bon comportement », précise-t-il.

Les émoluments annuels d’un fonctionnaire
Babou Ngom a flirté avec le tam-tam dès sa tendre enfance. « Personne n’ose prétendre m’avoir eu sous sa coupe pour m’apprendre quoi que ce soit. J’ai été initié au tam-tam dès le bas âge par mon père qui était un grand maître dans cet art. C’est lui qui m’a enseigné tous les secrets lors notamment de nos différentes prestations », révèle-t-il.

Avec 30 années de carrière à son compteur, Babou Ngom vit de son art et n’envie point ses camarades d’enfance et d’école qui sont, aujourd’hui, devenus des cadres. En plus de sa notoriété et de l’estime de ses semblables, l’artiste révèle avoir gagné beaucoup d’argent avec son statut de tambour-major. « Dès fois, pendant un seul spectacle, il m’arrive de gagner l’équivalent des revenus annuels d’un fonctionnaire », confie-t-il.

Il n’en estime pas moins qu’en de pareilles circonstances, « il faut savoir gérer.» « Dans ce métier, note-t-il, il n’y a ni retraite encore moins de pension. Cela doit nous pousser à bien nous organiser et épargner. Cela nous évitera à tendre la main à la fin de notre carrière ». Babou Ngom trouve que les temps ont beaucoup changé. « La lutte a beaucoup évolué »,soutient-il.

« Aujourd’hui, à l’opposé de leurs aînés dont les cordes sensibles ne vibrent que quand ils entendent des rythmes traditionnels, les jeunes ont un penchant pour les rythmes modernes. C’est normal car chacun est libre d’avoir son choix. C’est ce qui fait que pour ne pas frustrer certains, je varie mes rythmes à chaque manifestation de sorte que les amateurs des rythmes traditionnels et ceux qui adorent les rythmes modernes trouvent leur compte dans ce que je fais », souligne-t-il.

Parmi ses nombreux admirateurs les femmes figurent en bonne place. Babou Ngom fait tout pour satisfaire tout ce beau monde, parce que, selon lui, si d’aucuns viennent au stade pour le plaisir, l’ambiance, d’autres, en revanche, fréquentent l’arène pour oublier un moment les tracas de la vie quotidienne. Aujourd’hui, Babou Ngom possède une école du Rythme et de la Percussion.

Il y enseigne les rythmes sérères et d’ailleurs à de jeunes débutants qu’il tente de faire émerger. « Mon souhait est que mes élèves dépassent mes performances. J’ai traversé des périodes difficiles. J’ai galéré. Je ne leur souhaite pas d’avoir mon parcours. Je veux que mes élèves réussissent sans heurt», a-t-il indiqué avant de partager avec nous sa passion pour, Gandiaye, sa ville natale. Il est fier d’en être un ressortissant.

La preuve : malgré son succès, son statut, son cœur bat toujours au rythme de cette localité du Bassin arachidier qui l’a vu naître, grandir et aller à la conquête de Dakar.

Babacar Simon Faye, Le Témoin


Jeudi 2 Septembre 2021 - 12:09


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