Que sait-on de l'opération sans précédent menée par le Hamas en Israël ?

Massive et soigneusement coordonnée, l'attaque du Hamas lancée samedi matin a totalement pris de court les forces de sécurité israéliennes. Retour sur cette opération inédite pensée pour durer dans le temps et qui pourrait entraîner une déstabilisation de toute la région.



L'effet de surprise, le mode opératoire, la capacité pour durer. L'attaque du Hamas contre Israël est le résultat d'une opération soigneusement coordonnée et susceptible de durer, avec en arrière-plan des accusations qui, en Occident, pointent l'Iran où le président Ebrahim Raïssi a dit soutenir "la légitime défense de la nation palestinienne".
 
L'offensive a été lancée samedi à l'aube en plein shabbat, 50 ans plus un jour après la guerre du Kippour, un symbole qui ne saurait relever du hasard.
 
"C'est un énorme échec pour Israël et une énorme réussite pour le Hamas", estime Kobi Michael, chercheur à l'Institut d'études de sécurité nationale (INSS), un think tank de Tel-Aviv. "Nous étions impréparés et encore, je reste politiquement correct."
 
"C'est une faillite majeure des services de renseignement israéliens. C'est une faillite qu'on pourrait même qualifier d'historique, et qui pourrait être, sans exagération, comparée à celle de 1973", confirme David Khalfa, codirecteur de l'Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès, interrogé par France 24.
 
L'armée israélienne estime à un millier le nombre de combattants du Hamas ayant participé à "l'invasion d'Israël", a déclaré un porte-parole sur X (anciennement Twitter).
 
L'ampleur de l'attaque ne laisse aucune place au doute : "Pour lancer une telle opération, vous devez avoir beaucoup de préparation, de planification, de coordination et vous devez avoir des perspectives ou des objectifs significatifs", affirme Kobi Michael. Car "le Hamas sait très bien que le prix d'une telle opération sera très élevé", ajoute l'expert.
 
Un déluge de roquettes
En mai 2021, le Hamas avait déjà surpris Israël en lui envoyant des milliers de roquettes, parfois une centaine en quelques minutes, visant à saturer son système de défense antimissile "Dôme de fer".
 
À l'époque, 4 360 roquettes avaient été utilisées en l'espace de 15 jours alors qu'il en est tombé environ 3 000 sur Israël en deux jours, selon Elliot Chapman, expert du Proche-Orient pour la société de renseignement britannique Janes.
 
Si le Hamas conserve ce rythme, "cela serait la plus grande attaque de roquettes sur Israël jusqu'à présent", assure-t-il à l'AFP.
 
"Le Hamas devrait toujours disposer d'un arsenal substantiel de roquettes en réserve et il semble probable qu'il puisse maintenir le feu pendant un bon moment", estime à cet égard Fabian Hinz, pour l'Institut international des études stratégiques (IISS).
 
Le Hamas dispose d'un arsenal difficile à évaluer numériquement mais assurément très riche. Il vient d'Iran, de Syrie avant la révolution, de la Libye post-Kadhafi, mais aussi d'autres pays du Moyen-Orient, assure un expert occidental en armement qui requiert l'anonymat et apparaît sur X sous le pseudonyme Calibre Obscura.
 
Ses petites armes viennent de Chine ou de l'ex-bloc soviétique, avec "d'importantes quantités volées ou saisies pendant les combats à l'armée israélienne", précise-t-il, évoquant aussi drones et lance-grenades.
 
La plupart des roquettes du Hamas sont cependant fabriquées localement, "des systèmes de missiles non guidés (...) qui ne requièrent pas de technologie avancée" et sont peu précises, explique Elliot Chapman.
 
Le mouvement palestinien pourrait par ailleurs imiter le Hezbollah libanais, qui dissimule ses forces jusqu'au moment de déclencher une opération majeure, observe Fabian Hinz. "On pourrait voir émerger des capacités entièrement nouvelles en cas d'invasion terrestre de la bande de Gaza" par Israël.
 
L'ombre du parrain iranien
"Il est trop tôt pour dire" si l'Iran est "directement impliqué" dans cette offensive et les États-Unis n'ont "pas d'indication" en ce sens pour l'instant, a déclaré la Maison Blanche, ajoutant toutefois n'avoir "pas de doute" sur le fait que le Hamas était "financé, équipé et armé" entre autres par la République islamique.
 
Téhéran a déclaré pour sa part "soutenir la légitime défense de la nation palestinienne" et un conseiller militaire du guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a salué la "fière" offensive du Hamas.
 
"Téhéran soutient depuis plusieurs années les groupes palestiniens en leur fournissant une aide politique, financière et militaire, en les aidant notamment à augmenter la portée de leurs missiles et à développer un programme de fabrication de drones", rappelle Siavosh Gazi, le correspondant de France 24 à Téhéran.

RFI

Lundi 9 Octobre 2023 12:54


Dans la même rubrique :