La mosquée Ali Babolo est aujourd’hui encore plongée dans le deuil : six nouveaux corps de musulmans assassinés ont été apportés. Au total, ils sont plus d’une centaine à avoir été déposée dans le grand hall du bâtiment depuis l'attaque du 5 décembre dernier.
L’imam Mohamed Zeyne dit son incompréhension de l’horreur : « Ce sont de simples gens, des musulmans civils qui ont été tués par des soi-disant anti-balaka. Il faut que cette folie cesse ».
Les jeunes de la mosquée critiquent de leur côté l’attitude de l’armée française qui selon eux assiste sans intervenir au lynchage ou à la mise à mort des musulmans : « Nous souhaitons qu’ils jouent un rôle de tampon, pour essayer de ramener le calme. Car nous avons vu des gens lynchés devant l’armée française qui était censée apporter la paix », témoigne un jeune.
En dépit du deuil et de la colère, la communauté musulmane centrafricaine veut tout faire pour rétablir les liens anciens qu’elle avait avec les chrétiens. Dans la mosquée, les imams de Bangui se sont à nouveau réunis pour réfléchir aux démarches à entreprendre.
« On se demande aujourd’hui : comment est ce qu’on peut rapprocher les deux camps, explique l’un d’eux, Saleh Ndiaye. Que peut-on dire à nos frères qui ne sont pas musulmans pour leur dire que nous, on veut faire la paix ? »
En ce moment explique le président de la communauté islamique centrafricaine, l’imam Kobine Layama, les responsables des différentes religions s’organisent pour diffuser un seul message dans les Eglises, les mosquées et les temples. « La base de l’unité, dit-il, n’est pas détruite ».
Des quartiers épargnés par les violences
Tous les quartiers de Bangui n’ont pas été touchés par des actes de violence entre chrétiens et musulmans. Il reste encore, dans différents endroits de la ville, des zones où la sagesse et la mémoire de relations anciennes entre communautés l’ont emporté. Dans le quartier musulman du kilomètre 5, par exemple, des jeunes se sont organisés pour assurer la protection de l’Eglise locale.
En effet, dans une ville à majorité chrétienne, le quartier du kilomètre 5 à la particularité d’être en grande partie musulman. La paroisse Saint Matthias se trouve donc entourée de mosquées. Une école coranique est même installée à côté du presbytère. Mais il n’est pas question de tensions entre chrétiens et musulmans, car ce sont les jeunes musulmans qui assurent la protection de l’Eglise. « On n’a pas la haine envers notre frère chrétien, d’ailleurs cette explique est protégée par des musulmans », raconte Aboubacar Salif.
Ils sont une trentaine et assurent une présence permanente. Le père Aymé Benjamin Agboko, qui bénéficie de cette protection tient du coup à faire taire tous ceux qui parlent de conflit interreligieux en Centrafrique : « Ici, dans notre zone, moi je ne vois pas les germes d’une guerre de religion. Ici entre musulmans et chrétiens, nous essayons de nous entendre et de contrecarrer cette manipulation politique ».
Beaucoup mettent en cause l’ancien président, François Bozizé, qui avait distribué des armes avant d’être renversé. L’actuel président Michel Djotodia est accusé de ne pas avoir su tenir ses troupes et ainsi d’avoir alimenté le ressentiment contre les musulmans.
Source : Rfi.fr