L'agitation a commencé jeudi au lendemain d'un massacre dans une église de Bangui, un massacre attribué à des musulmans. Depuis, la population réclame à la fois le désarmement du dernier quartier musulman de Bangui et la démission de la présidente. Celle-ci n'a visiblement aucunement l'intention de jeter l'éponge. Elle dénonce la violence et souhaite que les coupables soient punis. Elle veut aussi que les barricades soient levées et que le calme revienne.
Au-delà du massacre de l'église de Fatima, comment expliquer ces violences régulières dans la capitale centrafricaine ? C’est surprenant. Toutes les trois semaines environ, un drame un peu plus grave qu'à l'accoutumée provoque un embrasement. Des barricades, des tirs, des mouvements de foule. Le massacre de l'église de Fatima a choqué l'opinion. Mais ce massacre n'est hélas que la suite d'autres massacres quasi quotidiens à Bangui, où un cycle de violence entre chrétiens et musulmans s'est installé. Il y a quelques jours, trois musulmans qui se rendaient à une cérémonie pour la paix ont été tués. Et le massacre de Fatima est sans doute un acte de vengeance pour ce triple assassinat.
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Ce qui interpelle les autorités et notamment le Premier ministre qui le disait jeudi sur les antennes de RFI, c'est que des hommes politiques agitent les esprits, excitent les passions. Et, au lieu de jouer le jeu de la réconciliation, jettent de l'huile sur le feu. André Nzapayéké, le Premier ministre, parle même de complot contre la transition.
Qui seraient ces comploteurs ?
Le Premier ministre ne cite aucun nom, mais il pointe du doigt certains hommes politiques qui, selon lui, vont dans les quartiers de Bangui avec des mots d'ordre hostiles à la transition, réclamant la démission des autorités de transition nommées en janvier dernier. Alors, parmi ceux qui en ce moment réclament le départ du Premier ministre et de la présidente, il y a Jean-Serge Bokassa, le fils de l'empereur Bokassa, ou encore Joseph Bendounga, un ancien maire de Bangui. Ce ne sont pas véritablement des poids lourds de la vie politique, mais on les voit depuis deux jours sur les barricades, ou à la tête des manifestants. Ils profitent clairement de l'agitation en cours. Que cherchent-ils exactement ? Peut-être à se faire une place au soleil du pouvoir, car il faut bien reconnaître que pour s'assurer de la paix et de la tranquillité, les dirigeants ont pour habitude d'offrir des titres et des postes aux chefs de groupes armés ou aux personnes dont la capacité de nuisance est réelle.
Vers un remaniement gouvernemental
La présidente s'est exprimée ce vendredi matin. Elle a pointé du doigt l'action néfaste de ceux qui, dit-elle, « rêvent d'une troisième transition ». En clair, ceux qui veulent mettre à terre la transition. Catherine Samba-Panza a aussi promis que les coupables des massacres seraient arrêtés. Elle a promis de faire désarmer les milices qui pullulent à Bangui. Mais elle a clairement laissé entendre qu'elle ne partirait pas, en demandant à la population de continuer à la soutenir. En revanche, ce qui se profile dans les semaines à venir, c'est un remaniement gouvernemental. Il est en discussion depuis quelques semaines et pourrait être décidé vers le 1er juin prochain à l'approche du sommet de Luanda, en Angola. Un sommet régional qui sera consacré à la crise centrafricaine.
A Bangui, les armes pullulent
Depuis janvier, on n’a pas réussi à désarmer Bangui parce que les armes pullulent littéralement. Depuis le début de la crise, les arsenaux ont été vidés. Beaucoup d'armes proviennent des milices venues du Darfour ou des pays limitrophes. Un exemple : à Bangui, pour 50 centimes d'euros, vous pouvez acheter une grenade chinoise. De plus, les forces de gendarmerie et de police centrafricaines ne sont pas encore reconstituées et ne peuvent donc pas travailler efficacement. Les autorités de transition réclament d'ailleurs un assouplissement de l'embargo sur les armes afin de rééquiper la police et la gendarmerie, mais l'ONU est réticente tant qu'elle n'a pas l'assurance que ces forces armées seront loyales et fidèles. Car aujourd'hui, si l'on donne une arme à un policier centrafricain, cette arme risque fort de se retrouver rapidement dans de mauvaises mains. En attendant, la tâche du désarmement échoit aux forces internationales, la force Sangaris et la Misca. Mais ces forces ne sont pas aptes à désarmer une population qui leur est de plus en plus hostile.
Source : Rfi.fr