Le ton de Joseph Kabila était poli, mais ferme. A en croire ceux qui étaient sur place, le climat n'était pas au dialogue mais à la mise au point. Convoqués à la présidence pendant près d’une heure, 18 ambassadeurs ont écouté le président congolais revenir essentiellement sur deux points.
Le premier, l’offensive contre les rebelles hutus rwandais. Officiellement lancée fin janvier, Joseph Kabila a annoncé « renoncer à tout appui de la Monusco pour mener cette opération contre les FDLR ». La raison ? Selon le porte-parole du gouvernement Lambert Mendé, Joseph Kabila a jugé « irrespectueux » que la mission de l’ONU en RDC demande le remplacement de deux généraux à la tête de l'opération anti-FDLR. Ni le président, ni le gouvernement n'auraient été informés des accusations de violation des droits de l'homme qui pèse sur ces deux officiers.
Mais pour certains le vrai problème est ailleurs. Refuser le soutien de l’ONU pourrait être une façon de ne pas engager de vraies opérations contre les FDLR. L’offensive lancée fin janvier, n’a pas vraiment démarrée sur le terrain.
Reste que la Monusco se retrouve dans une position délicate. Son mandat exige qu’elle neutralise les rebelles hutus rwandais, mais elle refusait jusqu’à présent de s’engager seule, sans l’armée congolaise, vu la complexité de l’opération.
Joseph Kabila a également critiqué la tendance de certaines ambassades de « s’ingérer dans les affaires intérieures du pays ». En mai dernier déjà, le président avait remonté les bretelles des ambassadeurs et demandé à ce qu’ils ne soient pas « des officines de l’opposition ».
S'il n'y a pas encore eu de réaction officielle, certains diplomates rappellent que la RDC, ayant accepté la présence et le mandat de la mission de l’ONU dans son pays, voit sa souveraineté forcément restreinte par le chapitre 7 de la charte onusienne.
Inquiétude et scepticisme à Goma
A Goma, la capitale du Nord-Kivu, la question d'une possible offensive contre les FDLR sans le soutien de la Monusco fait partie des sujets de conversation. Il semblerait que beaucoup d'habitants doutent de la capacité de l'armée congolaise à agir seule.
Après plus de quinze années de présence en RDC la mission de l'ONU a toujours mauvaise presse à Goma. On lui reproche par exemple d'avoir « laissé le M23 prendre la ville en novembre 2012 », « de ne pas en faire assez pour protéger les Congolais ». Mais malgré ces critiques, beaucoup, comme Abdul, un étudiant, estiment que le soutien de la Monusco est nécessaire pour vaincre les FDLR : « Abandonner le soutien de la Monusco, c'est un risque. Les FARDC n'ont pas la discipline, on ne sait pas comment ils peuvent y arriver sans le soutien de la Monusco. On a toujours besoin de la Monusco pour la logistique, la politique, la stratégie. »
Un commerçant accuse même certains éléments de l'armée de collaboration avec la rébellion. « Sans la Monusco, moi je ne peux pas être d'accord. Les FDLR vivent dans des coins stratégiques, là où il y a beaucoup de minerais. Maintenant ils collaborent avec les commandants supérieurs des FARDC, ils ne peuvent pas se battre, ce sont des amis », estime-t-il.
Un peu plus loin, néanmoins, cette femme de militaire assure que la décision de Kinshasa est bonne. Selon elle, la Monusco empêche les FARDC de passer à l'action. Beaucoup s'inquiètent pour les civils en zone FDLR. Et pour cet habitant, avec ou sans Monusco, cela ne fait aucune différence. « Dans toute attaque en arme, y a toujours mort d'homme, affirme-t-il. Ça ne sera pas seulement les FDLR qui peuvent être des victimes, mais les Congolais aussi. Même avec la présence de la Monusco, lorsqu'il y a attaque en arme, il y a toujours mort d'homme ». Il estime que l'action militaire n'est pas la solution et renvoie, comme beaucoup de Gomatraciens, la balle à Kigali qui refuse tout dialogue avec la rébellion.