RETOUR TRIOMPHAL D’ABDOULAYE WADE: QUE VEULENT LES SENEGALAIS ?

Le 25 mars 2012, les sénégalais ont répondu présents devant les urnes pour mettre Abdoulaye Wade et son régime hors du pouvoir, après 12 années d’exercice. Cela après que le conseil constitutionnel, soudoyé ou pas, ait validé sa candidature, sujette à polémique au niveau de l’opinion et illégale selon la constitution nationale.



Soixante cinq pour cent des électeurs sénégalais ont voté contre  l’ancien régime et plébiscité du coup, un autre dans l’espoir d’avoir un mieux être, suffisant pour mettre en évidence la déception qu’ils avaient d’ Abdoulaye Wade et ses alliés.  Des dérives répétitives commises par ce régime ont fini par prendre le dessus sur les énormes réalisations en termes d’infrastructures à mettre dans l’actif du gouvernement libéral.  Le peuple sénégalais en ces moments forts de son histoire, a montré qu’il était le seul souverain et que le dernier mot lui revenait face à un Abdoulaye Wade intrépide et prêt pour tout afin de rester au pouvoir.
 Le forcing était l’unique moyen pour lui pour participer à cette élection qui aux yeux d’une bonne partie des sénégalais était d’une importance capitale, car, devant mettre fin au règne d’un régime devenu arrogant et, aux soupçons de velléités de succession monarchique attribuées au pape du sopi.  


Les critiques des défenseurs de la légalité constitutionnelle, les appels au calme des chefs religieux soucieux de la stabilité sociale et les mises en garde de la communauté internationale n’ont rien servi pour qu’Abdoulaye Wade se conforme à la constitution que lui-même a proposée et fait voter aux sénégalais par un référendum en 2001.  Cette constitution a été claire au sujet de sa candidature notamment en ses articles 27 et 104 qui stipulent : « La durée du mandat du président de la république est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois.


Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire »
«  Le président de la république en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme.
Toutes les autres dispositions de la présente constitution lui sont applicables »
Le peuple, uni comme un seul homme et debout comme un soldat s’est montré ferme pour enrayer cette forfaiture et dégager un régime qui ne se souciait plus de ses difficultés liées à la pauvreté et à la vie chère entre autres. Le 1er mandat du président Wade a été marqué par des efforts exceptionnels et une volonté manifeste de servir le peuple, ce qui lui a permis, il faut le dire, de faire beaucoup de réalisations sur le plan des infrastructures.  Il a complètement changé le visage de la capitale qui souffrait beaucoup des embouteillages et autres désagréments causés à son avènement par les problèmes de la circulation. 


Son erreur fatale a été d’avoir oublié le volet social qui méritait une grande attention de sa part si l’on considère la faiblesse du pouvoir d’achat de la majeure partie des sénégalais. D’aucuns allaient même  jusqu’à penser que Me Wade travaillait uniquement pour les riches, je ne partage pas entièrement cette idée, car, convaincu que ses gigantesques réalisations serviront tôt ou tard à toutes les couches de la population, mais tout de même il devait travailler en fonction de priorités.  
Le gouvernement libéral a une grande responsabilité des difficultés que vivent aujourd’hui les sénégalais, toutes les hausses de prix qui ont rendu difficile l’accès aux denrées de premières nécessité ont eu lieu à son magistère.


 De 2002 à 2008, les prix du riz, du sucre, du lait et de l’huile ont tous doublé, le gaz de six kg qui coûtait 950 FCFA  au départ d’Abdou Diouf a fini par coûter 3700 FCFA  sous Wade.  Certes, la crise financière qu’a connue le monde durant la dernière décennie n’a épargné aucun pays, expliquant en partie la cherté de la vie.  Mais le constat est qu’au Sénégal le phénomène a pris une proportion anormale et le seul argument dont disposait l’ancien régime pour se défendre,  tournait au tour de la fluctuation du pétrole. Or, l’impact direct que le pétrole peut produire sur les denrées constitue l’augmentation du prix de transport et que le transport n’est pas aussi déterminant sur ces produits de consommation au point que certains d’entre eux coûtent deux fois plus chères qu’auparavant. La raison valable pour expliquer cette tendance qui sévit encore, était liée entre autres facteurs à la surtaxe appliquée sur ces produits.


      Ce même Abdoulaye Wade, avec tous les préjudices qu’il a fait subir aux sénégalais durant ses deux mandats, et après deux années passées à l’étranger, suite à son éviction du pouvoir, fait son retour et, il est accueilli en héros par les mêmes sénégalais, comme s’il était venu pour régler leurs problèmes dont il est grandement responsable et que le pouvoir en place laisse perdurer comme s’il n’avait aucune solution.  Concernant  son retour au Sénégal  et toutes les péripéties qui l’ont jalonnée de paris à Dakar en passant Casablanca, il est certain que l’ancien président de la République avait un objectif précis : secouer le pouvoir en place, et en réalité, il l’a fait.  


En tant que chef de partie politique en opposition, c’est son droit le plus absolu et que chacun d’entre nous doit lui concéder,  mais en sa qualité de d’ancien Chef d’Etat, à qui la république doit accorder tous honneurs liés son rang, il aurait pu adopter une attitude plus élégante, plus conforme à son statut.  Quelques soient les raisons qui l’ont motivé, emprisonnement de son fils ou pas, sur lequel je ne voudrais pas m’épancher pour la bonne et simple raison que des milliers de sénégalais croupissent en prison pour des délits moyens important que ce que la justice reproche à Karim Wade, son père a mobilisé du monde et réussi la victimisation. 


Cette situation pose une triple question à savoir : Que veulent les sénégalais ? Sont-ils logiques dans leur choix ? Et en fin, le nouveau régime suscite-t-il d’espoir ?
Pour répondre à ces questions, on peut recourir à des hypothèses chacune plausible à la fois, dépendant de l’adhésion des uns et des autres observateurs à l’une ou à l’autre de ces hypothèses.
 Soit les 35% des sénégalais qui ont voté pour Abdoulaye Wade en 2012 lui restent fidèles jusqu’à présent et que ce sont eux- même qui sont sortis l’accueillir lors de son retour et de ses visites effectuées dans certains endroits du pays,  Soit les sénégalais ne savent pas ce qu’ils veulent et qu’ils n’ont pas su assumer leur choix du 25 mars porté sur le challangeur de celui qu’ils adulent aujourd’hui, ou en fin, par ce que le nouveau régime ne donne aucun espoir aux sénégalais pour qu’ils puisse se montrer patient et lui accorder le temps de dérouler son programme.


      Le président Macky Sall doit tirer une grande leçon de L’affection que montrent les populations à l’égard de Me Wade qu’elles avaient vomi il y a seulement deux ans. Cela doit lui inspirer qu’une frange importante des sénégalais n’est pas contente de sa gestion du pays. On peut reconnaitre que deux années ne suffisent pas pour opérer tous les changements pour lesquels il a été élu à hauteur de 65%,  mes les relents que dégage son régime ne semblent pas augurer, aux yeux de bon nombre  de sénégalais, des lendemains meilleurs qui verrons leurs problèmes réglés. Bien que sur le plan de la restauration de l’Etat, des réformes institutionnelles et judiciaires, et de la bonne gouvernance, les nouvelles autorités font des efforts louables,  ces aspects paraissent trop techniques pour que le sénégalais lambda puisse les apprécier à leurs justes valeurs.            

      
      La traque des biens supposés mal acquis était certes, une revendication du peuple qui, au regard des dérives perpétrées par le défunt régime, souhaitait voir ceux qui ont gérer ses deniers rendent compte de leur gestion. Ce qui est très normal dans un Etat moderne, mais vouloir l’ériger en programme de gouvernement constitue une erreur de taille et risque de détourner l’attention des gouvernants de l’essentiel. Je suis au moins une fois d’accord avec Idrissa Seck quand il disait que l’Etat doit mener cette activité avec la main gauche et s’atteler aux vrais problèmes des sénégalais.


 Néanmoins, le successeur de Wade doit continuer cette rigueur de gestion des deniers publics, et faire en sorte que ses ministre et tous ceux qui aurons à gérer des budgets durant ou après son règne n’osent plus opérer un détournement.  Les arrestations  ne doivent pas être ciblées et le président Sall, investi pour faire respecter les dispositions de la loi, gagnerait beaucoup à se hisser au dessus de la mêlée politique et permettre  à tous les mis en cause, pas seulement à Karim Wade, de bénéficier d’un procès juste et équitable. 
Que Dieu protège le Sénégal !

Serigne Saliou FALL, Chef Religieux à Touba, résident à Dakar

Jeudi 8 Mai 2014 11:07


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