Le 25 mars 2012, le Sénégal a sans équivoque choisi le pouvoir politique, qui est la forme médiane entre les deux pôles extrêmes qui sont la domination et l’Autorité.
Le pouvoir politique s’exerce sans la justification d’une supériorité essentielle, mais par le seul mandat d’un consentement collectif (65 %) visant le bien commun et non le seul bien privé de celui qui l’exerce.
C’est pourquoi, les critiques relatives à des violations des règles démocratiques, de la loi et de l’éthique républicaine méritent de retenir l’attention ; parce que si l’effectivité d’une telle situation venait à être vérifiée, cela voudrait dire, qu’il y a dans l’Etat du Sénégal, une distorsion entre le pouvoir, l’ordre et la liberté qui sont les trois (3) éléments de la société politique dont dépendent pour une large part, la paix sociale et la stabilité.
La nécessité pour tous les démocrates, de tenter d’apporter la lumière sur ce qui semble constituer des replis obscurs dans la formulation des critiques, se trouve dans le fait que durant toute l’année 2012 le pays a été secoué par des remous sociaux qui, à l’instar des évènements de 1998, 1993, 1994, ont failli le faire basculer dans les ténèbres de l’aventure.
Hans Georg Gadamer, promoteur de la philosophie herméneutique allemande n’a-t-il pas noté que « ce qui emplit notre conscience historique, c’est toujours une multitude de voix où résonne l’écho du passé ? ».
En tout état de cause, la survenue des évènements cités ci-dessus montre que si les mêmes choses ne se répètent pas constamment à travers l’histoire, cela ne veut pas dire que des proximités ne sont pas repérables dans les expériences humaines permettant de rendre compte de contextes différents.
Il est vrai que la démocratie doit permettre à chacun de s’accomplir comme homme et comme citoyen. Cependant il est facile de magnifier la démocratie mais difficile de l’appliquer, parce que c’est nous qui donnons vie à la démocratie et non l’Etat, la qualité de notre démocratie dépend donc de chacun de nous.
Certes, la démocratie permet à chacun de juger et de choisir en toute autonomie, pourvu que cette liberté soit éclairée par un jugement rationnel.
De plus, la pratique de la démocratie ne doit pas entraver le rôle de l’Etat qui doit veiller à ce qu’elle échappe aux excès individualistes qu’elle génère elle-même.
A ce propos, l’historien Guizot écrivait dès 1849 que : « Tous les partis invoquent la démocratie et veulent se l’approprier comme un talisman. C’est le drapeau de toutes les espérances, de toutes les ambitions sociales de l’humanité, pures et impures, nobles et basses, sensées et insensées, possibles ou chimériques ». Poursuivant dans cette lancée, Franck Cosson ajoute que : « la démocratie suggère l’idée d’une puissance d’unification égalitaire, mais, sous un autre rapport, elle désunit et attise les oppositions, dans un univers social et politique égalitaire où la concurrence de tous, devient une règle d’existence pour chacun ».
C’est pourquoi, aucun Etat ne peut tolérer qu’au nom de la démocratie, des personnes puissent faire usage, d’actes et de propos fondés sur la démagogie et l’exaltation des passions, surtout lorsque ceci pourrait avoir pour finalité, d’inculquer aux populations la haine et la répulsion pour les institutions de la République. Une telle opposition de la part de l’Etat ne saurait être considérée dans un pays donné comme un recul de la démocratie, parce qu’il s’agit de combattre des agissements anti-démocratiques, dans la mesure où ils tendent à conditionner les esprits, et donc, à mettre en péril l’autonomie du jugement.
Dés lors, il est tout à fait normal, que dans le cadre de la pratique démocratique, une autorité administrative habilitée, puisse opposer un refus à l’organisation d’une manifestation politique, pour raison d’ordre public.
Dans cette hypothèse, il est évident que ce serait faire mauvaise querelle à l’autorité administrative que de parler de restriction des libertés en violation de l’article 8 de la Constitution et de la Déclaration des Droits de l’Homme.
Le législateur est conscient que si, dans un pays, les cadres de vie collective ne sont pas conditionnés par la loi, il ne peut y avoir ni société politique, ni Etat démocratique. C’est pourquoi il n’a pas constitué legibus soluta (au dessus et au-delà des lois), la liberté dont parle l’article 8 de la Constitution, et ce faisant, en a fortement atténué la portée par l’article 42 qui attribue au Chef de l’Etat la charge de garantir la Constitution et le fonctionnement régulier des institutions, et par les termes du serment prévu à l’article 36 de la Constitution ainsi que par l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme.
Il peut paraître paradoxal que l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme puisse être invoqué en l’occurrence pour justifier un refus qui serait opposé par l’Autorité, à l’organisation d’une manifestation politique. Mais en revisitant les dispositions de l’article 2, l’on pourrait se rendre compte que parmi les droits que doit garantir l’Etat figure « la sûreté ». Or, le terme « sûreté » a été emprunté à un décret qui avait été rendu au 18éme siècle. Il recouvre l’ensemble des protections individuelles et collectives que chaque citoyen est en droit d’attendre de l’Etat (tranquillité publique, sécurité des personnes et des biens etc..)
C’est cela qui est à l’origine de l’expression « sûreté nationale ».
Par ailleurs, il semble utile de rappeler que l’ordre dont l’appréciation est laissée à la Compétence de l’Autorité exécutive comprend deux branches : l’ordre au sens technique ou policier qui concerne la tranquillité des citoyens, et l’ordre qui évoque une notion plus complexe, touchant à l’organisation même de la société et à l’existence de l’Etat. Et, même si c’est la première conception de l’ordre qui est généralement retenue, il arrive que la nécessité se fasse sentir de passer à la seconde conception parce qu’il ne faut pas attendre que la subversion se manifeste pour s’en préoccuper étant entendu que tout subversif est un contestataire qui passe à l’acte.
Ce qui précède ne veut pas dire qu’en démocratie la critique politique n’est pas permise. Mais ce qui se passe à propos du népotisme dénoncé, montre qu’il est parfois difficile de faire le départ entre l’expression d’une opinion et l’amorce d’une manœuvre subversive.
Pour ce quoi concerne les arrestations arbitraires, il s’agit de dénonciations faites à la suite de deux arrestations, l’une pour offense au Chef de l’Etat, l’autre pour enrichissement illicite.
S’agissant de l’offense au Chef de l’Etat, il y a qu’en démocratie, la Nation s’exprime par le suffrage.
Elle délègue ses compétences souveraines à des organes représentatifs qu’elle investit des pouvoirs de parler et de décider en son nom.
Au premier rang de ces organes se trouve le Président de la République. Celui-ci exerce la première magistrature de l’Etat et, à ce titre, il est investi par la Constitution de responsabilités d’intérêts supérieurs pour la Nation.
Il est donc nécessaire qu’il fasse l’objet d’une protection particulière. D’aucuns ont estimé que les dispositions relatives au délit d’offense au Chef de l’Etat étaient obsolètes, et qu’en plus, il fallait supprimer l’article 80 du code pénal.
Il faut rappeler que les dispositions de l’article 254 relatives à l’offense au Chef de l’Etat sont tirées de l’article 26 de la loi française du 29 juillet 1881 sur la presse, et qu’il a fallu à la France prés de deux siècles de socialisation politique de sa population pour atteindre l’état de démocratisation actuel.
Donc, notre législation pénale doit tenir compte de l’état de l’écorce sociale de notre pays.
La démocratie ne doit pas être vécue de façon mécanique, elle doit être pratiquée de manière réflexive. Pour ceux qui tentent d’établir une différenciation entre la vie privée et la vie publique, il faut dire qu’en matière d’offense au Chef de l’Etat, la loi n’introduit aucune différence entre le Président et le Chef de parti, elle n’admet même pas l’exceptio veritatis, c'est-à-dire, peu importe que les propos offensants relatent une vérité ou non.
S’agissant de la suppression des l’article 80, on se souvient que depuis les années de braises, les articles 80 du code pénal et 139 du code de procédure pénale sont l’objet de critiques sans jamais être abrogés.
Enfin, pour ce qui se rapporte aux affaires dites des biens supposés mal acquis, nous pensons que le Procureur spécial a emprunté la voie la moins compliquée pour les intéressés et leurs conseils parce que s’il avait considéré l’enrichissement illicite comme un délit continu, les mis en cause se seraient prévalu du privilège de juridiction édicté par l’article 101 de la Constitution. Mais ce serait oublié que le champ de l’article 101 ne couvre que les crimes et délits commis dans la fonction de ministre, et que celui qui se prévaut d’un droit doit en rapporter la preuve.
Au total ce qui précède montre d’une certaine manière pourquoi aucun Etat au monde, n’a tenté l’aventure de s’aligner sur les vues du philosophe américain PAINE, qui a développé une conception de la société démocratique qui peut dans une large mesure se passer de la médiation du pouvoir étatique.
Souleymane NDIAYE
Docteur en droit et Sciences criminelles
3éme Cycle d’études politiques
Le pouvoir politique s’exerce sans la justification d’une supériorité essentielle, mais par le seul mandat d’un consentement collectif (65 %) visant le bien commun et non le seul bien privé de celui qui l’exerce.
C’est pourquoi, les critiques relatives à des violations des règles démocratiques, de la loi et de l’éthique républicaine méritent de retenir l’attention ; parce que si l’effectivité d’une telle situation venait à être vérifiée, cela voudrait dire, qu’il y a dans l’Etat du Sénégal, une distorsion entre le pouvoir, l’ordre et la liberté qui sont les trois (3) éléments de la société politique dont dépendent pour une large part, la paix sociale et la stabilité.
La nécessité pour tous les démocrates, de tenter d’apporter la lumière sur ce qui semble constituer des replis obscurs dans la formulation des critiques, se trouve dans le fait que durant toute l’année 2012 le pays a été secoué par des remous sociaux qui, à l’instar des évènements de 1998, 1993, 1994, ont failli le faire basculer dans les ténèbres de l’aventure.
Hans Georg Gadamer, promoteur de la philosophie herméneutique allemande n’a-t-il pas noté que « ce qui emplit notre conscience historique, c’est toujours une multitude de voix où résonne l’écho du passé ? ».
En tout état de cause, la survenue des évènements cités ci-dessus montre que si les mêmes choses ne se répètent pas constamment à travers l’histoire, cela ne veut pas dire que des proximités ne sont pas repérables dans les expériences humaines permettant de rendre compte de contextes différents.
Il est vrai que la démocratie doit permettre à chacun de s’accomplir comme homme et comme citoyen. Cependant il est facile de magnifier la démocratie mais difficile de l’appliquer, parce que c’est nous qui donnons vie à la démocratie et non l’Etat, la qualité de notre démocratie dépend donc de chacun de nous.
Certes, la démocratie permet à chacun de juger et de choisir en toute autonomie, pourvu que cette liberté soit éclairée par un jugement rationnel.
De plus, la pratique de la démocratie ne doit pas entraver le rôle de l’Etat qui doit veiller à ce qu’elle échappe aux excès individualistes qu’elle génère elle-même.
A ce propos, l’historien Guizot écrivait dès 1849 que : « Tous les partis invoquent la démocratie et veulent se l’approprier comme un talisman. C’est le drapeau de toutes les espérances, de toutes les ambitions sociales de l’humanité, pures et impures, nobles et basses, sensées et insensées, possibles ou chimériques ». Poursuivant dans cette lancée, Franck Cosson ajoute que : « la démocratie suggère l’idée d’une puissance d’unification égalitaire, mais, sous un autre rapport, elle désunit et attise les oppositions, dans un univers social et politique égalitaire où la concurrence de tous, devient une règle d’existence pour chacun ».
C’est pourquoi, aucun Etat ne peut tolérer qu’au nom de la démocratie, des personnes puissent faire usage, d’actes et de propos fondés sur la démagogie et l’exaltation des passions, surtout lorsque ceci pourrait avoir pour finalité, d’inculquer aux populations la haine et la répulsion pour les institutions de la République. Une telle opposition de la part de l’Etat ne saurait être considérée dans un pays donné comme un recul de la démocratie, parce qu’il s’agit de combattre des agissements anti-démocratiques, dans la mesure où ils tendent à conditionner les esprits, et donc, à mettre en péril l’autonomie du jugement.
Dés lors, il est tout à fait normal, que dans le cadre de la pratique démocratique, une autorité administrative habilitée, puisse opposer un refus à l’organisation d’une manifestation politique, pour raison d’ordre public.
Dans cette hypothèse, il est évident que ce serait faire mauvaise querelle à l’autorité administrative que de parler de restriction des libertés en violation de l’article 8 de la Constitution et de la Déclaration des Droits de l’Homme.
Le législateur est conscient que si, dans un pays, les cadres de vie collective ne sont pas conditionnés par la loi, il ne peut y avoir ni société politique, ni Etat démocratique. C’est pourquoi il n’a pas constitué legibus soluta (au dessus et au-delà des lois), la liberté dont parle l’article 8 de la Constitution, et ce faisant, en a fortement atténué la portée par l’article 42 qui attribue au Chef de l’Etat la charge de garantir la Constitution et le fonctionnement régulier des institutions, et par les termes du serment prévu à l’article 36 de la Constitution ainsi que par l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme.
Il peut paraître paradoxal que l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme puisse être invoqué en l’occurrence pour justifier un refus qui serait opposé par l’Autorité, à l’organisation d’une manifestation politique. Mais en revisitant les dispositions de l’article 2, l’on pourrait se rendre compte que parmi les droits que doit garantir l’Etat figure « la sûreté ». Or, le terme « sûreté » a été emprunté à un décret qui avait été rendu au 18éme siècle. Il recouvre l’ensemble des protections individuelles et collectives que chaque citoyen est en droit d’attendre de l’Etat (tranquillité publique, sécurité des personnes et des biens etc..)
C’est cela qui est à l’origine de l’expression « sûreté nationale ».
Par ailleurs, il semble utile de rappeler que l’ordre dont l’appréciation est laissée à la Compétence de l’Autorité exécutive comprend deux branches : l’ordre au sens technique ou policier qui concerne la tranquillité des citoyens, et l’ordre qui évoque une notion plus complexe, touchant à l’organisation même de la société et à l’existence de l’Etat. Et, même si c’est la première conception de l’ordre qui est généralement retenue, il arrive que la nécessité se fasse sentir de passer à la seconde conception parce qu’il ne faut pas attendre que la subversion se manifeste pour s’en préoccuper étant entendu que tout subversif est un contestataire qui passe à l’acte.
Ce qui précède ne veut pas dire qu’en démocratie la critique politique n’est pas permise. Mais ce qui se passe à propos du népotisme dénoncé, montre qu’il est parfois difficile de faire le départ entre l’expression d’une opinion et l’amorce d’une manœuvre subversive.
Pour ce quoi concerne les arrestations arbitraires, il s’agit de dénonciations faites à la suite de deux arrestations, l’une pour offense au Chef de l’Etat, l’autre pour enrichissement illicite.
S’agissant de l’offense au Chef de l’Etat, il y a qu’en démocratie, la Nation s’exprime par le suffrage.
Elle délègue ses compétences souveraines à des organes représentatifs qu’elle investit des pouvoirs de parler et de décider en son nom.
Au premier rang de ces organes se trouve le Président de la République. Celui-ci exerce la première magistrature de l’Etat et, à ce titre, il est investi par la Constitution de responsabilités d’intérêts supérieurs pour la Nation.
Il est donc nécessaire qu’il fasse l’objet d’une protection particulière. D’aucuns ont estimé que les dispositions relatives au délit d’offense au Chef de l’Etat étaient obsolètes, et qu’en plus, il fallait supprimer l’article 80 du code pénal.
Il faut rappeler que les dispositions de l’article 254 relatives à l’offense au Chef de l’Etat sont tirées de l’article 26 de la loi française du 29 juillet 1881 sur la presse, et qu’il a fallu à la France prés de deux siècles de socialisation politique de sa population pour atteindre l’état de démocratisation actuel.
Donc, notre législation pénale doit tenir compte de l’état de l’écorce sociale de notre pays.
La démocratie ne doit pas être vécue de façon mécanique, elle doit être pratiquée de manière réflexive. Pour ceux qui tentent d’établir une différenciation entre la vie privée et la vie publique, il faut dire qu’en matière d’offense au Chef de l’Etat, la loi n’introduit aucune différence entre le Président et le Chef de parti, elle n’admet même pas l’exceptio veritatis, c'est-à-dire, peu importe que les propos offensants relatent une vérité ou non.
S’agissant de la suppression des l’article 80, on se souvient que depuis les années de braises, les articles 80 du code pénal et 139 du code de procédure pénale sont l’objet de critiques sans jamais être abrogés.
Enfin, pour ce qui se rapporte aux affaires dites des biens supposés mal acquis, nous pensons que le Procureur spécial a emprunté la voie la moins compliquée pour les intéressés et leurs conseils parce que s’il avait considéré l’enrichissement illicite comme un délit continu, les mis en cause se seraient prévalu du privilège de juridiction édicté par l’article 101 de la Constitution. Mais ce serait oublié que le champ de l’article 101 ne couvre que les crimes et délits commis dans la fonction de ministre, et que celui qui se prévaut d’un droit doit en rapporter la preuve.
Au total ce qui précède montre d’une certaine manière pourquoi aucun Etat au monde, n’a tenté l’aventure de s’aligner sur les vues du philosophe américain PAINE, qui a développé une conception de la société démocratique qui peut dans une large mesure se passer de la médiation du pouvoir étatique.
Souleymane NDIAYE
Docteur en droit et Sciences criminelles
3éme Cycle d’études politiques