« Le Sénégal a une loi sur le contrôle des communications électroniques et sur la cyber-sécurité. Et aujourd’hui, vouloir revenir sur les dispositions légales en demandant à ce qu’une nouvelle loi récuse, organise et modère les contenus des réseaux sociaux. Cela voudrait simplement dire : Premièrement, la volonté ne serait pas forcément une simple régulation. Deuxièmement, cela veut dire que des non-dits se cacheraient derrière cette volonté parce que cela fait penser à une tentative d’isolement, de contrôle, de censure des contenus sur les réseaux sociaux. Troisièmement, régulation, ce n’est pas sanction, elle ne signifie pas forcément oppression », analyse Cheikh Fall.
Notre interlocuteur est d’avis que le constat est le même partout en Afrique. Selon lui, « A chaque fois que des Présidents en Afrique ou des autorités ont voulu parler de régulation, ils ont plutôt mis en avant le caractère répressif ou abusif et donc ils ont mis en place d’une législation restrictive ou abusive allant dans le sens de contrôler l’opinion publique ».Les questions liées aux législations sur la protection des données à caractère personnel et sur la cybersecurité ont été prises en charge par la convention de Malabo. Ce qu'il faudrait faire, c'est tout simplement de s'y aligner pour une harmonisation avec nos lois nationales.
— Cheikh Fall™ (@cypher007) February 4, 2021
Depuis 2010, les réseaux sociaux ont toujours été au cœur des sujets concernant les projets des mandats de TROP.
Un avertissement ⚠ pour le #Senegal ! pic.twitter.com/Dq9VmTKkMI
— Cheikh Fall™ (@cypher007) February 4, 2021
« L’éducation au numérique, la sensibilisation aux droits du cyber-espace et la vulgarisation de la culture de l’hygiène numérique, seuls moyens pour lutter contre les dérives sur les réseaux sociaux »
La lutte contre les dérives sur les réseaux sociaux comme le veut le chef de l’Etat ne passera par une régularisation des contenus, mais plutôt sur trois (3) axes, si l’on en croit à notre interlocuteur. Qui dresse sa liste: Il s’agit de « l’éducation au numérique, la sensibilisation aux droits du cyber-espace et la vulgarisation de la culture de l’hygiène numérique ».
« Le contenu d’un réseau social ne peut être organisé et encadré que par le biais d’abord de trois éléments. Le premier, c’est l’éducation au numérique. Faire en sorte que les citoyens posent des connaissances et des atouts leurs permettant de maitriser, d’approprier de l’outil internet.
Le deuxième point, c’est la sensibilisation aux droits du cyberespace. Et la législation, elle le dit. Si une personne était au courant de ce que la loi dit, y a des dérives qu’elle ne ferait pas. Aujourd’hui, les gens insistent, ils font de la diffamation mais la loi sanctionne. Si les personnes savaient ce que la loi dit de ces faits-là, ils n’allaient pas le faire. Donc, il faut une sensibilisation au droit de cyberespace.
Le troisième point, c’est la vulgarisation ou l’accompagnement de la culture de l’hygiène numérique », propose-t-il.
Monsieur @macky_sall si vous voulez combattre les dérives sur les réseaux sociaux , cela ne peut passer que via 3 axes :
1 - L'éducation au numérique,
2 - La sensibilisation aux droits du Cyber-espace,
3 - La vulgarisation de la culture de l'hygiène numérique.
— Cheikh Fall™ (@cypher007) February 4, 2021
Une telle mesure ne serait-elle pas une restriction de la liberté d’expression ? Surtout ceux qui sont contre le troisième mandat ?
« Oui, a tout l’air », a répondu M. Fall. Qui explique : « Cette proposition s’est faite au moment où le sujet du troisième mandat est évoqué par l’opinion publique, c’est proposée au moment où dans d’autres pays et dans d’autres contextes, la même proposition a été faite par des chefs d’Etat quand ils ont voulu des mandats de trop. C’est aussi fait au moment où la seule la force de l’opposition qui fait face au Président, c’est l’opinion publique, c’est-dire les citoyens ».
Alors que, rappelle-t-il : « le seul espace de liberté où les citoyens peuvent se positionner et donner leur opinion par rapport à la mise en œuvre du programme politique du chef de l’Etat, c’est l’Internet ».
Même si cette mesure est juste une proposition, aujourd’hui, Cheikh Fall dit être convaincu qu’elle a été faite « de façon réfléchie, très stratégique ».
Par conséquent, conclut-il, « il est fort probable que cela s’apparente plutôt à des porosités allant dans le sens de vouloir prendre le contrôle des contenus-là et en même temps de donner le pouvoir au gouvernement ».
« Il n'est pas question de restreindre la liberté d'expression mais de civiliser le débat », (Ministère)
Pour le ministère de la Communication en charge de la mise en place du dispositif de régularisation des réseaux sociaux comme le veut le chef de l’Etat, le débat est tout autre. Son directeur de la communication, Ousseynou Dieng, joint par PressAfrik, tient à préciser que cette proposition de mesure n’a rien à avoir avec un quelconque débat animé sur les réseaux sociaux.
« A mon avis, cela n’a absolument rien à avoir avec ce débat politique », a souligné M. Dieng. Qui de poursuivre : « Il est question de civiliser même le débat ». Car, déplore-t-il, « Il y a des gens qui ont eu à subir des attaques, il y a des gens qui, à la limite, ont été violentés, à qui on a mis toute leur vie privée dans la rue, il y a des familles qui ont été détruites ».
Différence entre média et réseaux sociaux
Revenant sur la question de la régularisation des réseaux sociaux, notre interlocuteur s'est réjoui du fait que « le Code de la presse a apporté beaucoup d’innovations en terme de contenu du point de vue de la régulation ». Cependant, il invite les gens à faire la différence entre médias et réseaux sociaux. « Même si, reconnait-il, de plus en plus on se rend compte que la convergence elle est tellement forte au point où l’on se demande même est-ce que à la longue les réseaux sociaux ne devront pas prendre le pas sur les médias ?»
S’agissant des réseaux sociaux, le Directeur de la Communication du ministère de la Communication reconnaît que : « l’internet a une dimension planétaire. A la limite, on est dans une zone pratiquement où il n’y a pas de frontière. C’est la connectivité et ça va avec le développement du journalisme citoyen, de la société civile, la liberté d’expression, la liberté d’opinion ».
Mais, peste-il, « quand des gens utilisent les réseaux sociaux, que ce soit les leaders d’opinion, ou certains coursent d’audiences, ça risque d’impacter sur le fonctionnement même de la société ».
En ce qui concerne les médias sociaux, M. Dieng d'informer qu'il y a une tendance vers la professionnalisation et la labélisation des sites d’informations.
« C’est-à-dire, explique-t-il, si tous les acteurs se mettent d’accord pour dire voilà comment on peut qualifier les sites qui publient l’information, la démarche qualité pour aboutir à une information fiable, vérifiée, etc., avec le respect des règles, là on peut labéliser des sites pour dire que ce site-là est un site considéré par ses pères (Conseil National de Régulation de l'Audiovisuel (Cnra)), comme un site qui délivre une bonne information en respectant les règles d’éthique ».
« Au Sénégal, la liberté d'expression, elle ne peut jamais être remise en cause».
M. Dieng persiste et signe : « Au Sénégal, la liberté d'expression, elle ne peut jamais être remise en cause. C'est impossible. C'est ancré dans nos mentalités. Mais il faut davantage sensibiliser et de faire comprendre aux gens qu'on n'a pas le droit de faire n'importe quoi ».
Le Code pénal est déjà là pour réprimander les dérives sur les réseaux sociauxInterrogé, Me Bamba Cissé considère que parler de la régulation alors qu'il existe déjà cadre légale « se serait superfétatoire. Parce que le code pénale réprimande déjà contre ses dérives. Et que c’était d’ailleurs l’objet de la modification de la loi pénale sur les publications faites à travers les nouvelles technologies de l’information. Ça c’est ce qu’on appelle des infractions informatiques. Il existe au Sénégal tout un système de répression, de système d’alerte et de retrait de contenus prévus par les dispositions légales. »
Poursuivant, le juriste renseigne sur le contenu de cette loi pénale qui stipule qu’effectivement « Il y a des contenus dont les publications sont interdites. Comme l' atteinte à la vie privée, la pornographie infantile, les contenus haineux visant des personnes en raison de leur appartenance religieuse ethnique ou de leur origine sociale y compris les insultes », explique Me Bamba Cissé joint au téléphone par PressAfrik.
Cependant, prévient l'avocat que « ces internautes qui s’adonnent à ces pratiques sachent que c’est un délit et que c’est réprimandé par le Code pénale. Répressible à des peines d’emprisonnement allant jusqu’à dix ans et des amendes qui peuvent aller jusqu’à dix millions. De ce fait, si la régulation va dans ce sens c’est effectivement possible à travers le système de répression des contenus de ceux qui agissent derrière le clavier et distribuent des contenus haineux », lâche-il.
Pour Montaga Cissé, la liberté d’expression risque d’être remis à rude épreuve
A quoi bon appeler à réguler les contenus des réseaux sociaux alors qu’il existe bel et bien un cadre légal qu’est le code pénal ? Que cache ce désir du chef de l’Etat à « gouverner » les réseaux sociaux ? De l’avis du consultant, blogueur et formateur en nouveaux médias, Mountaga Cissé, déjà l’alerte qu’il faudra sonner « c’est que la liberté d’expression risque d’être remis à rude épreuve parce qu’il faut changer de paradigme. Le Sénégal est un pays démocratique et si l’on va jusqu’à régule plateforme social média, c’est mal comprendre comment tout ceci fonctionne ». Poursuivant, Mountaga Cissé craint un recul de cette autorité qui pourrait conduire les citoyens à dénoncer une tentative de censure.
« Je ne vois pas comment le gouvernement ou les autorités pourraient mettre en place ce type de dispositif. » Soulignant ainsi, que des tentatives ont eu lieu dans d’autres pays en Afrique qui ont abouti « à un recul justement de cette autorité. Parce que soit elles sont confrontées à des difficultés techniques pour réaliser ce projet ou tout simplement par l’action publique des citoyens qui dénoncent une tentative de censure. Et c’est ce qui risque d’arriver au Sénégal », redoute-t-il.
Ce qu’il faut, selon formateur en nouveaux médias, « c’est en amont faire en sorte que les gens comprennent ce qu’il y a, à dire et ce qu’il n’y a pas à dire sur internet. Qu’il y ait une conscientisation de la masse, de la sensibilisation sur les dérives au lieu de mettre des barricades pour empêcher les gens de s’exprimer sur internet »,
Les autorités de régulation se refilent la patate chaude
Et ce qui concerne les autorités de régulation instruites par le chef de l'Etat à mettre ‘’un dispositif de régulation et d’encadrement spécifique aux réseaux sociaux’’ et à s’occuper avec ‘’urgence’’ de la matérialisation du passage de l’analogique au numérique intégral, l'Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) de signifier qu'il ne s'occupe pas des contenus et programmes de médias mais plutôt de la gestion de la fréquence radioélectrique. Ainsi, l'ARTP renvoie la patate chaude au Comité national de régulation de l'Audiovisuel (CNRA), qui son tour, après moultes tentatives de l'équipe de PressAfrik n'a pas voulu s'exprimer sur cette question.
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